Vaccination : Le Conseil Constitutionnel juge l’obligation bien conforme à la Constitution

La France va-t-elle abandonner l’obligation de vacciner ses enfants ?

 

Le Conseil constitutionnel était saisi d’une question sur l’obligation vaccinale. Le gouvernement songe à une politique fondée sur la recommandation et non plus sur la contrainte.

Mise à jour 20 mars 2015: Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision sur la question prioritaire de constitutionnalité concernant l’obligation vaccinale:

Le Conseil constitutionnel a jugé que l’obligation vaccinale est bien conforme à la Constitution. Selon le communiqué de presse de la juridiction:

«Le Conseil constitutionnel a relevé qu’en imposant ces obligations de vaccination, le législateur a entendu lutter contre trois maladies très graves et contagieuses ou insusceptibles d’être éradiquées. Le législateur a notamment précisé que chacune de ces obligations de vaccination ne s’impose que sous la réserve d’une contre-indication médicale reconnue.

Le Conseil constitutionnel a jugé qu’il est loisible au législateur de définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l’état des connaissances et des techniques, les dispositions prises par le législateur ni de rechercher si l’objectif de protection de la santé que s’est assigné le législateur aurait pu être atteint par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé. Le Conseil a conclu que, par les dispositions contestées, le législateur n’a pas porté atteinte à l’exigence constitutionnelle de protection de la santé telle qu’elle est garantie par le Préambule de 1946.»

L’article suivant a été écrit avant cette décision.

De quel droit l’Etat peut-il imposer aux citoyens de se faire vacciner? La question est aussi vieille que le sont les vaccins et les ligues anti-vaccinales. Elle est aujourd’hui posée au Conseil constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette même question est également au centre de la mission qu’a confiée le Premier ministre Manuel Valls à la députée (PS, Seine-Maritime) Sandrine Hurel. La décision du Premier ministre fait suite au premier bilan de l’épidémie de grippe pour laquelle le vaccin s’est révélé largement inefficace – épidémie qui aura, au total, causé environ 11.400 morts prématurées selon l’Institut national de veille sanitaire.

Devant le Conseil constitutionnel, Me Emmanuel Ludot, avocat de Marc et Samia Larère, le reconnaît: cette affaire est à la fois «paradoxale et atypique». Paradoxal car des parents viennent revendiquer le droit d’échapper à une obligation décidée pour protéger leur enfant. Atypique dans la mesure où, pour la première fois, un procureur de la République a décidé de poursuivre (devant le tribunal correctionnel d’Auxerre) ces parents qui ont refusé de vacciner leur enfant, une petite fille de 3 ans qui n’a pas été vaccinée contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP). La vaccination contre ces trois maladies est, en France, rendue obligatoire par le code de la santé publique et le fait de s’y soustraire est réprimé par le code de la santé publique : six mois d’emprisonnement et 3.750 euros d’amende.

Question: la protection individuelle et collective de la santé peut-elle justifier de rendre obligatoires certaines vaccinations de mineurs et de poursuivre les titulaires de l’autorité parentale qui s’opposent à leur réalisation comme étant dangereuse pour leur enfant? Existe-t-il un droit à ne pas vacciner?

Le droit actuel

En France les vaccinations obligatoires sont celles contre la diphtérie et le tétanos (seule la primo vaccination avec le 1er rappel à 11 mois est obligatoire) et contre la poliomyélite (la primo vaccination et les rappels sont obligatoires jusqu’à l’âge de 13 ans) –ainsi que contre la fièvre jaune (pour  les personnes résidant en Guyane). Les personnes titulaires de l’autorité parentale doivent veiller au respect de cette obligation.

Les vaccinations recommandées concernent la coqueluche, la rubéole, la rougeole, les oreillons, la varicelle; les infections invasives à Haemophilus influenza b, à pneumocoque, à méningocoque C; les infections à papillomavirus humains (pour les jeunes filles entre 11 ans et 14 ans) ainsi que les hépatites virales B et A (pour les professionnels exposés à un risque de contamination).

Les parents poursuivis expliquent leur refus par le fait que tous les vaccins disponibles sur le marché français combinent le DTP à d’autres vaccins: contre la coqueluche, l’hépatite virale de type B ou certaines formes de méningite qui ne sont pas obligatoires.

Ils expliquent aussi avoir reçu, à leur demande, de la firme Sanofi-Pasteur des préparations ne visant que la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite mais qui contenaient du mercure, un adjuvant dont ils disent redouter la toxicité.

Le paradoxe du dossier tient aussi au fait que le défenseur des parents utilise, dans son argumentaire, le fait que les trois affections visée par le vaccin DTP avaient disparu de France et d’Europe, et ce pour une bonne part grâce aux campagnes obligatoires de vaccination (ce que l’avocat conteste).

Me Ludot fait également état des cas de complications liées à la vaccination. Ces complications sont fréquemment mises en avant par les opposants aux injections vaccinales (obligatoires ou recommandées), tandis que les autorités scientifiques et sanitaires contestent généralement, ici, l’existence de liens de causalité. Ces mêmes autorités soutiennent que seules des couvertures élevées de vaccinations de la population permettront d’obtenir l’éradication des principales maladies infectieuses comme ce fut le cas avec la variole.

Une réflexion en évolution

Le représentant du Premier ministre, Xavier Pottier, a rappelé quant à lui les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé et la jurisprudence de la Commission européenne laissant aux Etats le droit à l’appréciation des mesures appropriées pour protéger leurs populations. La décision du Conseil constitutionnel sera rendue le 20 mars.

Le jour de l’audience correctionnelle, Marisol Touraine, ministre de la Santé, avait pour sa part rappelé le caractère «absolument fondamental» des vaccins «pour éviter les maladies». «Il y a un mouvement qui me préoccupe en France de méfiance, de défiance même vis-à-vis des vaccins. La liberté s’arrête là où commence la santé publique et la sécurité de l’ensemble de la population», avait-elle ajouté, comme le soulignait Le Monde le jour de l’audience.

Ces différents éléments surviennent dans un contexte sanitaire qui est en évolution.

En septembre 2014, le Haut Conseil de la Santé publique, avait rendu un avis qui avait créé la surprise dans le milieu spécialisé. Tout en rappelant les vertus sanitaires de la vaccination, le HCSP considère aujourd’hui que le maintien ou non de l’obligation vaccinale en population générale «relève d’un choix sociétal méritant un débat que les autorités doivent d’organiser». Cette institution estime également que si l’on devait abandonner le régime de l’obligation vaccinale, les autorités sanitaires devraient mettre en place «une forte communication mettant en exergue l’intérêt à vacciner et les risques de la non‑vaccination». Soit convaincre plutôt que contraindre.

Le  HCSP considère en outre que le dispositif public de vaccination actuel «est complexe, illisible et inégalitaire». Il recommande donc «de réorganiser l’offre publique de vaccination sur la base notamment de la gratuité et de la maîtrise des coûts, et de promouvoir les centres publics de vaccination». Un retour, en somme, aux dispensaires, mais sans l’obligation de vacciner.

C’est sur la base de cet avis, et au vu des conséquences de l’inefficacité spectaculaire de la dernière campagne de vaccination antigrippale que Manuel Valls a décidé de confier une mission à la députée Sandrine Hurel. Elle dispose de six mois pour faire des propositions visant à «faire évoluer le principe de l’obligation vaccinale» mais aussi à «lever les obstacles financiers à la vaccination». Elle devra également «faire des propositions concrètes pour améliorer le taux d’adhésion des Français et des professionnels de santé à la vaccination». Cette mission à aussi pour but de réveiller les responsables d’un «Programme national d’amélioration de la politique vaccinale 2012-2017» enlisé dans les sables administratifs.

Rendre la vaccination volontaire pour la réhabiliter?

Passer d’un régime de vaccinations obligatoires à un régime complet de vaccinations recommandées soulève de nombreuses questions médicales, sanitaires, économiques et politiques.

Cette évolution permettrait, dans le meilleur des cas, de réhabiliter un geste vaccinal aujourd’hui mal compris et qui fait l’objet de nombreuses rumeurs. A l’inverse cette mesure pourrait, si elle était mise en œuvre dans le désordre et sans moyens spécifiques, être perçue comme une forme de démonstration implicite de l’inefficacité et de la dangerosité potentielle de la vaccination dans son ensemble.

De ce double point de vue, la décision du Conseil constitutionnel et les suites de la mission voulue par le Premier ministre constitueront  des éléments importants dans l’histoire de la lutte contre les maladies infectieuses, une histoire inaugurée, en France, par Louis Pasteur et ses élèves.

Commentaires sont clos