Parole : L’esprit Debout se lève à La Réunion

C’est le récit simple mais réfléchi d’une femme qui allait pour la première fois à une Nuit Debout à la Réunion.  Ce qu’elle en a tiré est positif, et elle le dit : ça lui a fait du bien. 

Nous avons quelques lecteurs dans cette ile lointaine. Si vous lisez cet article, faites le circuler. Le simple fait de parler ensemble, de s’écouter, de débattre, est une démarche constructive, pour soi et pour les autres. C’est le début du changement et c’est à l’image du patronyme de votre ile : la réunion.

Galadriel

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Cela fait plus de deux semaines que des personnes se réunissent régulièrement le soir à La Réunion, dans diverses villes de l’ile. Hier, pour la première fois, à l’occasion d’une projection, les différentes agoras se sont rencontrées. Et, moi, pour la première fois, je me suis déplacée…

Le film passé hier soir sur l’espanade de Champ Fleuri à Saint-Denis de La Réunion « un autre monde est possible » envoie un message clair : il faut se réaproprier la politique. Ce qu’on veut, c’est à nous de le définir.  Ok, je pense que tous ceux qui étaient là hier soir devant le grand baobab sont convaincus de ça. Donc se réapproprier le comment on veut vivre ensemble, comment on peut construire une société dont on est fier, une société qui ne  laisse pas sur le bord du chemin, comme c’est le cas aujourd’hui, la grande majorité de la population.

Et ce qui est formidable dans l’esprit des nuits debout, c’est qu’on peut poser un problème, sans avoir forcément la solution. Non ce n’est pas ironique. Dans notre monde d’experts et professionnels en tout genre, si tu n’as pas la connaissance, on t’autorise… à te taire. Genre « bon, tu veux quoi ?Une meilleure habitation, des animations pour tes enfants ? Tu finances comment ? Tu sais pas ? Alors tais-toi et essaie d’être un peu plus réaliste.  Et surtout, contente toi de ce que tu as, il y en a qui ont encore moins que toi ».

Ça c’est la violence quotidienne, celle qui a conduit a dégrader les conditions de travail des « happy few » qui en ont, mais aussi a permis à des tas de machins en béton armé de sortir de terre, et dont on se demande pour certains, si les concepteurs savaient qu’on mettrait des humains à l’intérieur… Est-ce qu’on va continuer longtemps à construire des trucs dans lesquels personne n’a envie de vivre ?

Je n’ai pas demandé la parole hier soir, mais je suis repartie avec celle des autres à l’esprit. Et ce matin, je me réveille avec une petite voix dans la tête, et cette petite voix me parle de logement. C’est quoi un logement ? Juste un toit à mettre au dessus de sa tête, pour être à l’abri des intempéries ? Je ne crois pas que ce soit juste ça. Et du coup, je m’interroge sur ce que pourrait être une urbanisation recentrée autour des besoins des ses habitants, où on n’oublierait pas que les quartiers sont des lieux de vie au moment même où on les construit.

En terme d’habitat, de quoi les gens ont besoin ? Depuis deux ans, j’écris une histoire de science-fiction (il est possible que s’agissant de cette histoire, le mot science soit de trop). Et du coup j’ai réfléchi à une cité du future. À quoi pourrait ressembler le monde du XXVe siècle ?

J’ai imaginé mes quartiers comme des entités quasi-autonomes. Un bloc d’habitation serait un bloc de vie où on pourrait retrouver tout ce qui est dispersé aujourd’hui, aux quatre-coins d’une ville et dans les campagnes. On y trouverait des cultures, on y fabriquerait des vêtements, on y prodiguerait des soins, de l’éducation, et organiserait un vivre ensemble.  Et puis il y aurait les espaces périphériques, les plus précieux, ceux où les différents blocs se rencontrent, où on invente un ensemble transversal, de partage. Bon sang ce que ça m’a fichu mal au crâne tout ça. Du coup, c’est quasi absent de mon histoire. Je n’arrivais pas à l’imaginer cette société et enfin aujourd’hui je comprends pourquoi. C’est parce que ce n’est pas celle du XXVe siècle que je cherchais à inventer, mais celle que je veux maintenant. Et toute seule, c’est juste sacrément coton. Au final, j’ai été incapable de lui donner corps, parce que je ne m’autorisais pas à ne pas en avoir toutes les ficelles, à ne pas savoir vraiment comment tout cela tenait debout. J’avais un besoin de cohérence, j’avais un besoin de réalisme,  et ça m’a conduite au final à me censurer. Même en tant qu’auteure, sur ce sujet, je n’ai pas osé y aller à fond ! Trop conditionnée à me taire, si je n’ai pas l’ensemble de la solution.

L’effet de déconditionnement que peut produire n’importe quelle nuit debout, par la libération de la parole, l’écoute du besoin des autres et l’intelligence collective est pour le coup inestimable. Et cet effet est immédiat. Se parler, s’écouter, c’est progresser. Et j’ajouterais, aux impatients que j’entendais hier et qui veulent des actes, des actes, des actes, qu’il faut aussi s’autoriser son propre tempo. Personne n’a l’obligation de répondre à l’injonction de résultats immédiats.  D’abord il faut grandir – en nombre – et écouter beaucoup, créer du lien, des ponts, apprendre à se connaitre. Et les résultats, ils viendront de là, du mouvement naturel de l’envie. L’envie d’y aller, de s’impliquer, parce qu’on y aura trouvé du sens.

Hier, à Champ-Fleuri, au plus fort de la soirée nous avons été dans les trois cents. C’est beaucoup et c’est peu. Peu par rapport aux enjeux, mais beaucoup par rapport à la genèse du mouvement qui se nourrit essentiellement par le bouche à oreille et par les réseaux sociaux. Sans doute peut-on mieux faire. Mais ce petit noyaux qui a le mérite d’exister et que j’ai vu hier a l’esprit ouvert, l’esprit debout, et quoiqu’il arrive, ne pourra qu’avancer. Et pour l’énergie positive que j’ai ressentie hier et qui donne envie d’y retourner : un grand, grand merci 🙂

Page facebook de Nuit Debout La Réunion

Une fenêtre sur la nuit debout à La Réunion par l’association initiative dionysienne (collection de liens)

Source : https://blogs.mediapart.fr/annie-974/blog/240416/lesprit-debout-se-leve-la-reunion

Image à la Une : © Nuit Debout La Réunion

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