Billet du jour – Un détail : Le monde cruel des comptines et des contes

Qu’écoutent les petits ? Des histoires horribles.. Tenez, l’histoire de la Mère Michèle , c’est une histoire d’enlèvement, tentative d’extorsion, et comme la rançon proposée ne convient pas et que le Père Lustucru est vénal : meurtre. Le chat est vendu pour du lapin par le boucher ce qui sous-entend que la pauvre bête a été tuée puis dépouillée pour être fourguée à un client trompé par ce filou.  Du plus pur banditisme, du terrorisme dirions nous maintenant. Notons au passage la tentative pour la mère Michel de payer « en nature », par un baiser qui symbolise pour l’enfant l’amour, la sécurité, la paix. Cette valeur n’est pas reconnue par le père Lustucru pour lequel l’argent seul compte. 

Quel miroir cruel de notre société !

La mère Michel

C’est la mère Michel qui a perdu son chat,
Qui crie par la fenêtre à qui le lui rendra.
C’est le père Lustucru qui lui a répondu :
Mais non la mère Michel vot’ chat n’est pas perdu.

Sur l’air du tra la la la
Sur l’air du tra la la la
Sur l’air du tra dé ri dé ra, et tra la la la

C’est la mère Michel qui lui a demandé :
Mon chat n’est pas perdu, vous l’avez donc trouvé ?
C’est le père Lustucru qui lui a répondu :
Donnez une récompense, il vous sera rendu.

Sur l’air du tra la la la
Sur l’air du tra la la la
Sur l’air du tra dé ri dé ra, et tra la la la

Et la mère Michel lui dit : C’est décidé
Si vous m’rendez mon chat, vous aurez un baiser.
Et le père Lustucru qui n’en a pas voulu,
Lui dit : Pour un lapin votre chat est vendu.

Certains hausseront les épaules en se disant que c’est bien se prendre la tête pour pas grand-chose, que l’enfant fera seul la part de l’imaginaire :  Comme dans les jeux vidéos ?  Peut-être…  Peut-être pas. Les psychiatres eux-mêmes ne sont pas d’accord. Il y a beaucoup de perversion et de cruauté dans une littérature enfantine qui n’est vraiment pas si « enfantine » que ça. Il faut le savoir.  Ce que voient, écoutent, lisent, chantent nos enfants n’est pas sans effet.

Prenons l’exemple des contes dit de fées : Ils sont à la fois,  le reflet de la société et de ses valeurs morales telle qu’elle sont universellement reconnues et surtout dépendantes du moment où ils sont rédigés, (cf comtesse de Ségur,  Perrault, Grimm ) En même temps, ces valeurs font l’objet  de toutes les transgressions : Beaucoup de traitrises, de meurtres, et un sadisme inventif et cruel..  

L’on croit que les transgresseurs qui sont identifiés sans doute possible par leur position de méchants détestables (mais d’abord tout puissants et triomphants) clarifient l’histoire  invitant l’enfant à faire le choix du bien. Sauf, que l’alternative n’est pas vraiment engageante. Le fruit de l’honnêteté, de la fidélité, de la compassion, du courage, de la soumission (nommée obéissance, et particulièrement pratiquée par les personnages féminins),  en un mot, de la « vertu », ne se cueille qu’après un chemin qualifié d »initiatique » et dans de telles souffrances que la voie n’est pas vraiment engageante. Pire, elle enlève au jeune lecteur toute véritable alternative.  Elle rend le but à la fois angoissant et inatteignable donc source de névrose. Pour un psychisme en construction, est-ce sans conséquence ?

En réalité, les contes comme les fables n’ont pas été écrits pour des petits mais pour des adultes. Ils sont une satire politique et morale masquée de la société. Leur imaginaire autorise tous les débordements hors censure grâce à leur contexte naïf en apparence.  Leur symbolique inépuisable est riche de réflexions mais mérite que l’on s’interroge sur leur accès par des enfants non accompagnés et insuffisamment matures.  

Ouais, me dira-t-on goguenard… Pourquoi se préoccuper de contes de fées démodés alors que des gamins de 13 voire 10 ans ont accès sur internet à la pornographie ? C’est vrai, hélas, mais est-ce une raison ? Qui n’a chanté la Mère Michèle en toute innocence à un tout petit ?  Le diable est dans les détails… 

N’oublions pas : Les enfants sont le futur de la Terre et la façon dont  ils se construisent détermine la société de demain. 

Galadriel

PS : J’adore les contes et les légendes, j’en ai lu enfant par dizaines et, très honnêtement,  je ne suis pas certaine que cela ne m’ait pas en partie influencée, notamment dans ma vision du rôle vertueux de la femme très axé dans les contes sur la  soumission au modèle patriarcal, l’abnégation et le sacrifice. Et vous savez quoi ? Ce sont dans les Contes des Milles et une Nuits que l’on trouve les héroïnes les plus libérées !  Times are changing…

 

 

 

 

 

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