Bruits de bottes : Sommes-nous au bord de la 3ème ?

Décidément, on se croirait à Halloween tellement les articles de ces derniers jours sont sombres. Serions-nous dans un  train fantôme à l’échelle planétaire  et le spectre  ricanant d’une 3ème guerre mondiale va-t-il surgir au détour du prochain virage ?

Désolée les amis, mais les nouvelles constructives ne sont pas pléthore en ce moment et il devient vraiment difficile de ne pas entrer dans un système générateur de peurs lorsque l’on fouille l’information. Ce n’est pas un choix éditorial, vous le savez, mais savoir à quelle sauce nous pourrions être cuisinés permet à la fois de poser les problèmes, les évaluer personnellement et éventuellement se préparer à y faire face. 

Puisque nous sommes en week-end, que vous avez peut-être un peu de temps devant vous et que la géo-politique vous intéresse, voici un intéressant  interview de Michel Collon, journaliste d’investigation, grand admirateur d’Hugo Chavez ce qui teinte forcément ses conclusions. Néanmoins, ce qu’il affirme est en principe très sourcé, et sa vigilance est d’autant plus grande qu’il est sans arrêt attaqué par les chiens de garde, dont l’inénarrable C.Fourest la grande copine de BHL. Certitude, ce sont des angles d’analyse que vous ne trouverez pas dans vos médias.

A vous de vous faire une opinion, comme d’habitude.

G.

Obama envisage un conflit mondial

« La diplomatie ou la guerre. Bientôt. »

Obama alerte : certains aux USA veulent attaquer l’Iran.D’où risque de conflit mondial impliquant Russie, Chine et Europe. Ceci déstabiliserait le système financier occidental. Que fera le prochain président ?

1. L’irrésistible déclin des USA

« Un rejet par le Congrès de l’Accord avec l’Iran ne laisserait à l’administration US (…) qu’une seule option : une nouvelle guerre au Moyen-Orient. » « L’Iran est un pays quatre fois plus grand que l’Irak, et trois fois plus peuplé. » « Le choix auquel nous faisons face est finalement entre la diplomatie et une certaine forme de guerre. Peut-être pas demain, ni dans trois mois, mais bientôt. » « Le système financier US serait forcé de rompre avec la Chine, principal acheteur de notre Dette. » (1)

Dans cette série d’articles, nous allons examiner les implications d’un étonnant discours d’Obama, prononcé le 5 août et curieusement passé sous silence par les médias alors qu’il met en garde contre de possibles catastrophes. Au Congrès, le 8 septembre, les républicains bloqueront l’accord avec l’Iran. Mais Obama peine même à rallier certains démocrates. L’élite des États-Unis apparaît très divisée sur la stratégie à adopter. Est-ce nouveau ?

Pas du tout. Cette division est apparue vers 2000. Au départ, un constat commun aux démocrates et aux néoconservateurs : les Etats-Unis sont en déclin. Dans son livre sur la stratégie impériale des Etats-Unis The Grand Chessboard (2), probablement le plus influent des cinquante dernières années, Zbigniew Brzezinski, ancien responsable de la politique internationale sous Carter, se montrait pessimiste : « A long terme, la politique globale sera de moins en moins propice à la concentration d’un pouvoir hégémonique dans les mains d’un seul Etat. L’Amérique n’est donc pas seulement la première superpuissance globale, ce sera très probablement la dernière. » (p. 267)

La raison ? « Le pouvoir économique risque aussi de se disperser. Dans les prochaines années, aucun pays ne sera susceptible d’atteindre 30% environ du PIB mondial, chiffre que les Etats-Unis ont maintenu pendant la plus grande partie du 20ème siècle, sans parler de la barre des 50% qu’ils ont atteinte en 1945. Selon certaines estimations, l’Amérique (…) retomberait à 10-15% d’ici l’an 2020. » (p. 267-8)

Pour rester la seule superpuissance, Brzezinski proposait donc un « impérialisme intelligent » : diviser les puissances rivales et les empêcher de former un front commun.

Très opposés aux stratégies de Brzezinski, les néocons guidant George W. Bush proposaient par contre une stratégie de guerre généralisée (qui utilisera le 11 septembre comme justification). Cependant, leur plate-forme du Project for a New American Century (PNAC), élaborée entre 1997 et 2000, n’était guère plus optimiste : « Actuellement, les Etats-Unis ne rencontrent aucun rival mondial. La grande stratégie de l’Amérique doit viser à préserver et étendre cette position avantageuse aussi longtemps que possible (…) Préserver cette situation stratégique désirable dans laquelle les Etats-Unis se trouvent maintenant exige des capacités militaires prédominantes au niveau mondial. ». (3)

Analysant ces deux options à la veille de la présidence Obama, nous écrivions en 2008 : « De toute façon, cet Empire ne deviendra pas pacifique. Tôt ou tard, il relancera des guerres à la Bush. Parce qu’en fait, l’élite US pratique un cycle d’alternance entre les deux options… » (4)

Huit ans plus tard, allons-nous assister à une nouvelle alternance ? Pour comprendre la situation, nous allons examiner les différentes pièces du puzzle : Chine, Iran, Russie, Europe…


Quelle était la clé pour que les Etats-Unis parviennent à se maintenir comme unique superpuissance globale ? Contrôler l’Eurasie est la seule solution, affirma le stratège US Brzezinski dans son ouvrage Le Grand Echiquier (1997).

2. La clé : comment contrôler l’Eurasie ?

« L’Eurasie (Europe + Asie) demeure l’échiquier sur lequel se déroule le combat pour la primauté globale. (…) La façon dont les Etats-Unis ‘gèrent’ l’Eurasie est d’une importance cruciale. Le plus grand continent à la surface du globe en est aussi l’axe géopolitique. Toute puissance qui le contrôle, contrôle par là même deux des trois régions les plus développées et les plus productives. 75% de la population mondiale, la plus grande partie des richesses physiques, sous forme d’entreprises ou de gisements de matières premières, quelque 60% du total mondial. »(*) « Toute puissance qui le contrôle » : au lieu de laisser les autres nations décider librement de leurs relations commerciales et de l’usage de leurs richesses, Washington considère que toutes ces richesses doivent être sous son contrôle. Logique proprement impérialiste.

Démocrates ou républicains, les stratèges US savaient depuis longtemps que la bataille décisive allait se jouer en Asie. Il fallait donc tout mettre en œuvre pour diviser et isoler les puissances de ce continent. Et Brzezinski pointait Pékin comme danger principal : « La Chine pourrait être le pilier d’une alliance anti-hégémonique Chine – Russie – Iran » (*) De même, l’ancien ministre US des Affaires étrangères Henry Kissinger justifiait ainsi les bombardements contre l’Afghanistan en 2001 : « Il existe des tendances, soutenues par la Chine et le Japon, à créer une zone de libre échange en Asie. Un bloc asiatique hostile combinant les nations les plus peuplées du monde avec de grandes ressources et certains des pays industriels les plus importants serait incompatible avec l’intérêt national américain. Pour ces raisons, l’Amérique doit maintenir une présence en Asie… » (*) La vérité sort de la bouche des vieux ! Ayant terminé leur carrière, Brzezinski et Kissinger peuvent se permettre un langage brutal, au contraire des responsables actuellement en fonctions. Eux doivent donc enrober leurs stratégies d’un habillage diplomatique.

Ce n’était donc pas une surprise de voir l’administration Obama déplacer le centre de gravité de sa politique internationale vers l’Asie, dans une tentative, assez désespérée, pour isoler et affaiblir la Chine. Le politologue Mohamed Hassan a expliqué un des terrains de cette confrontation : « La Chine a un besoin vital de ressources énergétiques. Donc Washington cherche à contrôler ces ressources pour empêcher qu’elles atteignent la Chine. » (*) Aujourd’hui, la bataille pour contrôler les routes de l’Océan indien et les routes terrestres du continent asiatique est décisive : Washington veut avoir la capacité de bloquer l’accès de la Chine au pétrole du Moyen-Orient, au gaz de l’Asie centrale, aux minerais et aux ressources agricoles de l’Afrique. L’Océan Indien est la clé. Mais aujourd’hui, en 2015, la perspective qui donnait des cauchemars aux stratèges US est en train de se réaliser, et même à grands pas. Avec un solide axe Pékin – Moscou – Téhéran, l’Asie formerait cette grande puissance économique d’un attrait irrésistible pour le Japon, l’Inde, et même l’Europe. Les Etats-Unis seraient exclus du principal foyer économique et commercial mondial.

La Chine redeviendra-t-elle le centre du monde ? Ce serait le déclin définitif pour l’Empire US. Beaucoup dépendra de la construction de la « Nouvelle Route de la Soie ».


Le 7 mai 99, l’US Air Force frappait l’ambassade chinoise à Belgrade, faisant trois morts. La Chine avait eu le tort de s’opposer à la guerre de l’Otan contre la Yougoslavie.

3. Saboter la Chine et sa « Nouvelle Route de la Soie »

Démontant les excuses bidon, nous écrivions alors : « Le bombardement était un avertissement. Washington veut à tout prix éviter une grande alliance entre la Chine, la Russie, voire l’Inde et d’autres puissances encore. » Responsable des bombardements, le président Clinton déclarait d’ailleurs : « Mon principal sujet de préoccupation, aujourd’hui, c’est la Chine ». Mais aujourd’hui, le cauchemar de Washington est en train de se réaliser et il porte un nom : Nouvelle Route de la Soie. L’ancienne route, composée de pistes reliant la Chine à la Turquie, fit la fortune de nombreux pays et marchands. La nouvelle bouleversera-t-elle les équilibres mondiaux ?

L’économie chinoise possède trois caractéristiques :

1. C’est la plus performante du monde depuis vingt ans. Très ironiquement, une « dictature communiste ne comprenant rien à l’économie » est actuellement la bouée de sauvetage d’un capitalisme mondial en crise mais toujours aussi arrogant.

2. Pauvre en matières premières, elle dépend très fortement de ses importations. Elle consomme 75% du cuivre congolais, 70% du fer sud-africain, une grande partie du pétrole et du gaz du Moyen-Orient mais aussi de la Russie et des républiques ex-soviétiques d’Asie centrale, etc.

3. Devenue « l’atelier du monde », elle exporte de nombreux biens de consommation.

Les routes commerciales actuelles étant lentes et insuffisantes, Pékin a lancé un projet gigantesque : construire de gigantesques « corridors » la reliant aux autres continents. La route terrestre serait composée de trains à grande vitesse, d’autoroutes, de pipelines, de fibres optiques de télécommunication. Traversant l’Asie centrale, elle relierait Pékin à Moscou, mais pourrait être prolongée vers l’Iran (dès la levée des sanctions), la Turquie et… toute l’Europe en fait. Rotterdam, Anvers et Berlin seraient ainsi directement connectés à la Chine et aux économies asiatiques.

Les routes maritimes relieraient la Chine à l’Afrique, à l’Europe et même à l’Amérique latine, ce qui développerait fortement les économies de toutes ces régions. Mais le transport maritime moderne nécessite des ports en eau profonde permettant le ravitaillement et le passage rapide des bateaux. A construire.

Actuellement, Shanghaï – Rotterdam prend un mois par la mer, moins de trois semaines en train, deux semaines en camion. En améliorant les infrastructures et réduisant les arrêts aux douanes, la durée des transports terrestres serait réduite de moitié. Ecologiquement, multiplier les camions n’est pas très responsable, mais c’est un autre débat.

En fait, Pékin propose aux pays du Sud de développer leurs économies en renforçant les échanges. Et aux pays du Nord de trouver des débouchés pour leurs usines tournant au ralenti. Bien sûr, les entreprises européennes – allemandes surtout – salivent de joie à la perspective de gigantesques contrats de construction. Pour financer tout cela, Pékin a créé deux grandes banques ouvertes aux investisseurs étrangers. La Nouvelle Route de la Soie concerne 65 pays, 4,4 milliards de gens et ces pays représentent actuellement 29% de la production mondiale, mais ce pourcentage pourrait doubler avec le nouveau projet.

Les seuls à ne pas se réjouir, ce sont les Etats-Unis, exclus de cette nouvelle route commerciale. Jusqu’où ira le conflit Washington – Pékin ? Et quel rôle joue l’Iran sur cet échiquier ?


Alarmiste ! Il n’est pas d’autre mot pour qualifier le discours du bientôt ex-président sur l’accord nucléaire avec l’Iran. Aux USA, certains secteurs veulent une guerre contre ce pays, alerte-t-il.

4. Iran : Obama est-il devenu un ami ?

Les sanctions économiques ont échoué à faire plier l’Iran, admet Obama. Reconnaissant que ce boycott punit la population : « Cinq cent milliards de dollars manquent pour payer salaires, pensions et infrastructures en ruines. » Mais « davantage de sanctions ne produiront pas le résultat souhaité ». « Ceux qui s’opposent à cet accord exigeront sans aucun doute du futur président (US), quel qu’il soit, de bombarder ces installations nucléaires ».(*) « Ceux qui » ? Ce sont les mêmes qui plaidaient pour une guerre en Irak et Obama critique l’administration Bush : « Préférant la force militaire à la diplomatie, l’action US unilatérale au lieu de bâtir un consensus international, et exagérant les menaces à l’encontre des rapports de nos services de renseignements ». Il juge le bilan de Bush catastrophique : « Des milliers de vies ont été perdues, sans compter celles des Irakiens. Mille milliards de dollars ont été dépensés. Ironiquement, le plus grand bénéficiaire dans la région, c’est l’Iran. » Cette guerre a isolé les Etats-Unis, constate Obama, reconnaissant à sa manière le déclin de l’Empire US : « Si nous avons appris quelque chose des dix dernières années, c’est que les guerres en général, et au Moyen-Orient en particulier, sont tout sauf simples. »

Obama serait-il devenu Peace and Love ? « Je n’ai pas reculé devant l’emploi de la force quand elle était nécessaire. J’ai envoyé des dizaines de milliers de jeunes Américains au combat ». Irak, Afghanistan, Pakistan, Libye, Syrie, Gaza (via Israël), Bahreïn et Yémen (via les Saoud) : pas vraiment un bilan pacifiste en effet. Obama serait-il devenu un ami de l’Iran ? Pas davantage. Son discours ressasse les habituels clichés : « antisémitisme », « soutien aux terroristes du Hezbollah », « volonté de détruire Israël ». Obama menace toujours : « Cet accord offre une meilleure base (…) pour intervenir, y compris – si nécessaire – des options militaires. Le budget de la Défense américaine dépasse 600 milliards de dollars. Celui de l’Iran est d’environ 15 milliards. Notre armée demeure notre garantie ultime. »

Obama et les républicains sont d’accord sur le fond : les Etats-Unis ont le droit de dicter leurs volontés aux autres nations, y compris par la violence. La divergence porte seulement sur la stratégie. Obama se veut un « impérialiste intelligent ». En 2006, Bush dut remplacer son ministre de la Guerre Donald Rumsfeld par Robert Gates qui prononça un discours remarquable à l’Académie militaire de West Point : « Ne combattez pas à moins d’y être obligés. Ne combattez jamais seuls. Et ne combattez jamais longtemps. »(*)
Conscient des moyens limités des Etats-Unis, Obama ajouterait volontiers : « Et ne combattez pas tous vos ennemis en même temps ». Depuis 2001, les Etats-Unis étaient de plus en plus agressifs à la fois contre l’Iran, la Russie et la Chine. Mais un événement décisif se produisit en 2011. Washington piégea Moscou et Pékin en prétendant vouloir seulement une no fly zone pour protéger les civils libyens, son vrai but étant de renverser Kadhafi. Une fois mais pas deux. Quand Obama, avec Hollande, voulut bombarder Damas (cette fois avec le médiamensonge des armes chimiques), la Chine et la Russie mirent leur veto. Il y eut même une aide militaire discrète. Un tournant historique comparable à la bataille de Stalingrad en 1943. Le monde a pu voir que les Etats-Unis ne peuvent plus agresser comme ils veulent. L’Empire est tout nu.

Alors, Obama recule-t-il sur l’Iran, pour concentrer ses forces sur son objectif fondamental : affaiblir la Chine et la Russie ?


« La Chine et la Russie ne vont certainement pas maintenir les sanctions (contre l’Iran) pendant encore dix ou quinze ans pour se plier aux diktats du Congrès (US). »(*) Obama estime dorénavant impossible d’agir sans tenir compte de Pékin et Moscou.

5. Brzezinski voulait « diviser la Russie en trois »

« La Chine et la Russie ne vont certainement pas maintenir les sanctions (contre l’Iran) pendant encore dix ou quinze ans pour se plier aux diktats du Congrès (US). »(*) Obama estime dorénavant impossible d’agir sans tenir compte de Pékin et Moscou. La mentalité des va-t-en guerre réclamant des frappes militaires, Obama la résume avec ironie : « Nous ne devrions pas nous soucier de ce que pense le reste du monde, car, une fois que nous agissons, chacun va s’aligner ». Eh non, dit-il, les temps ont changé, les Etats-Unis doivent s’adapter et jouer plus finement.
Washington n’a pas toujours parlé ainsi. En 1997, son grand stratège Brzezinski pressait d’affaiblir Moscou au plus vite : « Si la Russie rompt avec l’Ouest et constitue une entité dynamique, capable d’initiatives propres ; si elle (…) forme une alliance avec la Chine, alors la position américaine en Europe sera terriblement affaiblie ».(*) Langage impérialiste clair : une Russie incapable d’initiatives propres serait une colonie. De fait, Brzezinzki voulait la diviser en trois : « Une Russie européenne, une république de Sibérie et une république extrême-orientale ».(*) Notre commentaire à l’époque : « Détacher l’Asie centrale et le Caucase de Moscou, c’est permettre aux multinationales US de contrôler à leur guise pétrole, gaz et minerais »(*) (hasard bien sûr, Brzezinski fut employé par une filiale de BP).

En Russie, certains pensaient : « Maintenant que nous sommes passés au capitalisme, ils nous traiteront en amis ». Mais les grandes puissances n’ont pas d’amis, seulement des intérêts. Pour les USA, une Russie même capitaliste ne pouvait être un allié respecté, seulement une proie dans la guerre globale de recolonisation du monde déclenchée en 1991 (l’attaque contre l’Irak était un avertissement au monde entier).
Washington appliqua donc avec énergie le Plan Brzezinski : 1. Infiltrer l’économie russe. 2. Contrôler sa politique. 3. Encercler et neutraliser son armée. Une vraie guerre non déclarée : infiltrations dans les compagnies russes, soutien aux sécessions terroristes du Caucase, changements de régime au Caucase et en Asie centrale, financement de 1.500 ONG anti-Kremlin, diabolisation médiatique de Poutine, multiplication des bases en l’Europe de l’Est (en dépit des promesses faites à la chute du Mur), «  bouclier anti-missiles » pour empêcher toute riposte russe à une attaque, coup d’Etat de la CIA en Ukraine notamment pour chasser la Flotte russe de la Mer Noire…

Mais le Plan Brzezinski a échoué. Plaçant ses intérêts avant ceux des multinationales US, Moscou s’allia à Pékin pour créer en 2001 l’Organisation pour la Coopération de Shanghaï. Autres membres : les républiques d’Asie centrale riches en pétrole et gaz qui échappèrent ainsi aux convoitises et aux bases militaires US. Manœuvres militaires conjointes russo-chinoises dès 2005, coordination face aux mouvements terroristes manipulés par la CIA, Inde et Pakistan bientôt membres, Iran et Afghanistan « observateurs  » intéressés… L’Asie échappe à Washington. Le pôle Pékin – Moscou tant craint par Brzezinski et Kissinger s’est bientôt élargi aux BRICS (Brésil, Inde, Afrique du Sud) et représente enfin une alternative pour les pays plus petits du Sud, étranglés par l’Occident.
Aujourd’hui, plus de doute : puisque les Etats-Unis refusent un monde multipolaire, multiplient les guerres, tentent de saper l’économie russe, l’intérêt de Moscou est évident : se détourner du dollar et s’allier au yuan, se détourner de Wall Street vers les Bourses de Hong Kong et Shanghaï, vendre le gaz non plus seulement en Europe mais aussi en Chine. Et fournir aux Chinois le système de défense aérienne S-400 et bientôt S-500 permettant de tenir tête aux menaces des missiles US.(*)

Et l’Europe, sur ce Grand Echiquier ?


Qu’Obama craigne un conflit avec la Chine ou la Russie, ne surprendra pas. Mais avec l’Europe aussi ? Cette amitié, « fondée sur des valeurs » nous dit-on, ne serait pas éternelle ?

6. L’Europe suivra-elle les USA jusqu’en enfer ?

Obama avertit les néocons opposés à l’accord nucléaire avec l’Iran : « Nos plus proches alliés en Europe (n’acceptent plus) les sanctions. Une guerre renforcerait l’Iran et isolerait les Etats-Unis »(*) Un haut diplomate à Washington confirme : « Si le Congrès US rejette l’accord, ce serait un cauchemar et une catastrophe. »(*) Bien sûr ! Immédiatement après l’accord les firmes allemandes se sont ruées à Téhéran pour signer des contrats bloqués par Washington depuis des années ! En fait, le principe «  Les grandes puissances n’ont pas de principes, seulement des intérêts » s’applique aussi aux alliances : une « amitié » éternelle peut vite se transformer en conflit aigu.
Pour contrôler l’Eurasie, Brzezinzki proposait en 1997 de bien contrôler l’Europe : « Le problème central pour l’Amérique est de bâtir une Europe fondée sur les relations franco-allemandes, viable, liée aux Etats-Unis et qui élargisse le système international de coopération démocratique dont dépend l’exercice de l’hégémonie globale de l’Amérique. »(*)
« Démocratique » signifiant « soumis aux USA », Brzezinski emploie l’UE pour empêcher une alliance Berlin – Moscou. La Russie étant un partenaire géographiquement « naturel  » des sociétés allemandes, la politique US sèmera donc la zizanie. L’Ukraine a servi à cela. Quand l’UE obtint à Kiev un accord entre toutes les parties pour des élections anticipées, Washington organisa le lendemain un coup d’Etat en s’appuyant sur des groupes néonazis ! L’envoyée spéciale US Nuland le résumant avec classe : « Fuck the EU ! » (Baisez l’UE !)

Nouveau ? Non, dès 1997, Brzezinski annonçait : «  L’Europe doit être un tremplin pour poursuivre la percée de la démocratie en Eurasie. Entre 2005 et 2010, l’Ukraine doit être prête à des discussions sérieuses avec l’OTAN. » Brzezinski voulait centrer l’Europe sur un axe Paris – Berlin – Varsovie – Kiev. Contre Moscou. Il craignait que l’unification européenne échoue (on y vient ?), et que Berlin se tourne vers l’Est. « Les trois grands impératifs géostratégiques se résumeraient ainsi : éviter les collusions entre les vassaux (sic) et les maintenir dans l’état de dépendance (…), cultiver la docilité (sic) des sujets protégés ; empêcher les barbares (sic) de former des coalitions offensives ».(*)
Stratégie dépassée ? Non. Récemment, l’influent analyste US Georges Friedmann, à qui on demandait « Daesh est-il une menace pour les Etats-Unis ?  », a répondu de façon ahurissante : «  Ce n’est pas une menace existentielle. On doit s’en occuper de manière convenable, mais nous avons d’autres intérêts en politique internationale. L’intérêt principal (…), c’est la relation entre Allemagne et Russie, car unis, ils pourraient nous menacer. Notre but principal est de nous assurer que cela n’arrivera jamais. »(*) Pour empêcher les multinationales européennes de se tourner vers la Nouvelle Route de la Soie proposée par Pékin, la clé est d’empêcher toute entente entre Berlin et Moscou. Et détourner l’UE de l’énergie russe. Bref, derrière les sourires officiels à la télé, les «  amis » occidentaux ne s’aiment pas du tout. L’espionnage NSA l’a confirmé : il n’y a pas d’amis dans le business.

La relation USA – UE a deux aspects : unité et rivalité. Les multinationales européennes ont besoin du gendarme US pour intimider le tiers monde et en tenir la Chine à distance. Mais les multinationales US profitent de chaque guerre pour voler des parts de marché à leurs rivales européennes. Et Washington est très forte pour faire payer par ses « amis » des guerres qui servent ses intérêts au détriment des « amis ».
En fait, derrière l’ennemi direct et déclaré, chaque guerre possède un second niveau de conflit. En 91, Bush attaque l’Irak aussi pour saper les contrats français et russes. En Yougoslavie, Clinton veut neutraliser la France et surtout empêcher la formation d’une Euro-armée. En Libye, Obama (avec Sarkozy) sape les contrats allemands et italiens signés avec Kadhafi. En Syrie, Obama (avec Hollande) travaille encore contre l’Allemagne. En Ukraine, idem. Et toutes ces guerres US créent des chaos qui rejaillissent sur l’Europe « amie » (crise migratoire, attentats terroristes, perte de partenaires économiques).

A terme, l’Otan est pour l’Europe un suicide. Suivra-t-elle les USA jusqu’en enfer ? L’avenir du monde en dépend.


Pourquoi tant de guerres ? Et pourquoi Obama craint-il qu’elles provoquent un conflit mondial ? Qui veut la paix, doit comprendre les causes profondes du phénomène de la guerre.

7. « It’s the economy, stupid ! »*

Résumons son important discours du 5 août : Obama craint qu’une guerre avec l’Iran aggrave les tensions avec Moscou et Pékin, voire l’Europe : « Nous aurions à couper des pays comme la Chine du système financier américain. Et puisqu’elle se trouve être parmi les principaux acheteurs de notre dette, de telles actions pourraient déclencher de graves perturbations dans notre propre économie et soulever au plan international des questions sur le rôle du dollar comme monnaie de réserve mondiale ». Bref, un conflit mondial. Car la montée en puissance de la Chine menace en effet trois instruments essentiels de la suprématie des USA : 1. Les aventures militaires. 2. Le contrôle sur la Banque mondiale. 3. Le dollar comme monnaie centrale du commerce et de la finance.

Ce qui cause les guerres, ce n’est pas le caractère de tel ou tel président des Etats-Unis, – ce sont juste des employés des multinationales – mais bien l’économie : les intérêts de ces multinationales. Après la période 1945 – 1965 (exceptionnelle, pour trois raisons : 1. Il fallait beaucoup reconstruire. 2. Les travailleurs avaient conquis la Sécu, donc du pouvoir d’achat. 3. L’URSS offrait un contrepoids à l’Occident capitaliste), après 1965 donc, les taux de profit de l’économie occidentale ont dégringolé, la crise et la concurrence accrue ont alors augmenté l’exploitation des travailleurs, creusant l’écart riches – pauvres. L’URSS disparue, le néolibéralisme put entamer sa croisade de destruction des conquêtes sociales concédées. Résultat : aujourd’hui, les Rolls Royce se vendent à merveille mais les travailleurs qui produisent s’appauvrissent et consomment beaucoup moins. L’économie capitaliste est un serpent qui se mord la queue : à qui vendre quand on écrase les salaires et augmente le chômage ? Paradoxalement le néolibéralisme a donc été victime de son succès.

Alors, comment les multinationales s’en sortent-elles ? En rétablissant le pouvoir d’achat de leurs travailleurs ? Non, la loi de la concurrence les en empêche. Seule solution : conquérir à l’extérieur de nouveaux débouchés pour tous leurs capitaux ne trouvant pas où s’investir. Mais toutes les colonies ayant été distribuées ou étant devenues indépendantes, la guerre est donc le seul moyen d’en reconquérir. Pour gagner, et même juste pour survivre, il faut absolument contrôler matières premières, marchés et main d’œuvre bon marché. Et surtout en priver les rivaux.
Et quand la crise s’aggrave, toutes les échappatoires, bulles et autres spéculations n’ayant fait que creuser davantage le trou, alors la guerre devient la seule issue pour les multinationales. Autre avantage : en déchaînant le chauvinisme, on peut détourner le mécontentement. Alors que des mouvements sociaux se préparent en Europe et aux USA, tout devient «  la faute aux Arabes, aux Russes, aux Chinois, aux réfugiés… ». Jamais au système. Vers 1900, le milliardaire britannique Cecil Rhodes conseillait : « Si vous voulez éviter une guerre civile (il voulait dire : une révolution), il vous faut devenir impérialistes. »

Les guerres sont toujours économiques : quelles multinationales contrôleront les ressources des colonies ? Et les guerres mondiales ont toujours le même enjeu : quelle superpuissance dominera le monde ? La grande crise de 1900 provoqua la Première Guerre mondiale qui permit aux grandes puissances de se « repartager » l’acier, le charbon, les colonies d’Afrique, les routes stratégiques des Balkans, le pétrole.(*) La grande crise de 1929 provoqua la Seconde Guerre mondiale (le capital allemand finançant Hitler pour la « revanche ») Aujourd’hui, aux USA, certains pensent que seule la guerre peut empêcher la chute de l’Empire que provoquerait la formation d’une alliance Pékin – Moscou – Berlin. Et Obama dit, à sa manière, qu’un nouveau conflit mondial nous menace.

Deux possibilités. Soit faire l’autruche et traiter Obama, lui aussi, de « complotiste ». Soit réfléchir avec tous les citoyens conscients : comment recréer un mouvement pouvant défendre la paix mondiale ?


Empire en déclin, les Etats-Unis se préparent-ils à un grand conflit mondial ? L’élite US semble divisée. Et que peuvent faire les citoyens du monde ?

8. Que fera le prochain président des USA ?

C’est la pagaille à Washington ! Netanyahou invité à défier Obama en plein Congrès. Obama dénonçant les républicains va-t-en-guerre. Kissinger critiquant la Maison-Blanche pour son imprudence envers la Russie («  Quand on entend que des escadrons musulmans se battent sous le drapeau ukrainien, on a perdu le sens des proportions »(*)). Bref, l’élite US est profondément divisée : gérer habilement le déclin de l’Empire ou tenter la grande aventure militaire ? Cette division n’est pas nouvelle. En 2008, nous écrivions : « Après l’échec de Bush, l’élite apparaît assez divisée. La première option possible est militariste : multiplier les guerres, gonfler au maximum les commandes militaires, intimider aussi les alliés et les rivaux. » « L’autre option, défendue par Brzezinski : des formes de violence moins directes, moins visibles. En comptant davantage sur les services secrets, les manœuvres de déstabilisation, les guerres par pays interposés, et sur la corruption aussi.  »(*)

Pour la première option, nous exposions le plan effrayant concocté par cinq hauts responsables militaires occidentaux (dont John Shalikashvili ex-chef de l’état-major US et commandant en chef de l’Otan en Europe). Ce plan prévoyait « un directorat réunissant les Etats Unis, l’UE et l’OTAN, coordonnant toutes les opérations dans la sphère atlantique ». Un super – gouvernement mondial, donc. Ciblant explicitement le danger chinois « sur le plan de la finance et en Afrique », bafouant le droit international en prônant la guerre préventive, militarisant les médias (« cette campagne médiatique pourrait préparer les esprits à une intervention armée »), anti-démocratique (« nous choisissons de ne pas formuler nos propositions pour la réforme de l’UE de façon aussi détaillée que pour l’OTAN, pour éviter de consulter les populations ». Osant même déclarer : « A première vue, l’arme nucléaire peut sembler disproportionnée ; mais si l’on tient compte des dommages qu’elle prévient, il est possible qu’elle soit raisonnable. » Sans commentaires !

Mais en 2008, les multinationales choisirent Obama (lui versant nettement plus de fonds qu’à Clinton et McCain). Pour quel bilan finalement ? Ses « succès  » en Libye, Ukraine et Syrie ne créent-ils pas de nouveaux problèmes ? La stratégie du chaos ne brise-t-elle pas les alliances qu’il souhaitait ?
En fait, tous les présidents US ont combiné carotte et bâton. Même Obama augmente le budget militaire : pour entraîner Moscou et Pékin dans une nouvelle course aux armements ? Les médias occidentaux accusent «  l’agressivité chinoise  » « oubliant » que les USA dépensent 4% de leur PIB pour l’armée (Pékin 2,1%), soit 460 milliards $ (Pékin 95). Pourtant, Stoltenberg, chef de l’Otan, prétend imposer aux pays européens de «  dépenser plus et mieux » pour la guerre (*). Baisser encore le niveau de vie pour financer des bombardiers apportant le malheur partout ?
Finalement, « Que fera le président ? » n’est pas la bonne question. Mais bien : «  Qu’allons-nous faire pour les arrêter ? L’élection présidentielle est présentée comme un spectacle, mais il faut la transformer en une lutte de masse mondiale : pression maximum sur les Etats-Unis pour les obliger à renoncer à leurs plans mortels.
Le tragique, c’est qu’au moment où la guerre gronde, le mouvement anti-guerre a disparu. Le reconstruire passe par ces étapes : 1. Analyser et exposer les stratégies de guerre cachées par les médias. 2. Etudier les grandes pages de l’histoire des mouvements anti-guerre. 3. Et surtout, lier les guerres aux problèmes quotidiens des gens. Où qu’on se trouve, nous affrontons le même ennemi : les multinationales. Si on les laisse dominer le monde et toutes ses richesses, matières premières ou travail, l’écart riches – pauvres croîtra, et aussi la guerre qui sert à maintenir l’injustice. Aux armes, citoyens ! Contre la guerre !

Notes :

1) http://www.washingtonpost.com/news/…
2) Le grand échiquier : L’Amérique et le reste du monde [« The Grand Chessboard : American Primacy and Its Geostrategic Imperatives »], Bayard,‎ 1997.
3) Project for a New American Century (PNAC), Rebuilding America’s Defenses, septembre 2000.
4) http://www.michelcollon.info/Quelle…
5) – Le Grand Echiquier, p. 59-61.
6) Le Grand Echiquier, p. 263
7) Henry Kissinger , Does America need a Foreign Policy ?, New York 2001, p. 111-112.
8) La Stratégie du chaos, Investig’Action, Bruxelles, 2011, p 246.
9) www.washingtonpost.com/news/post-politics/wp/2015/08/05
10) Le Soir (Belgique) 23 avril 2008.
11) www.washingtonpost.com/news/post-politics/wp/2015/08/05
12) Le Grand Echiquier, p. 61.
13) Le Grand Echiquier, p. 258-259.
14) Michel Collon, Monopoly, L’Otan à la conquête du monde, Bruxelles, 2000, p. 107.
15) Pepe Escobar, Chine : la Route de la Soie vers la gloire, Asia Times, Le Grand Soir, 18 novembre 2014.
16) www.washingtonpost.com/news/post-politics/wp/2015/08/05
17) Politico,com 6 août 2015.
18) Le Grand Echiquier, p. 103, 107, 108.
19) Le Grand Echiquier, p. 68.
20) Conférence au Chicago Council, 4 février, traduction Arrêt sur info, https://youtu.be/u1a0FD6iiek à 2’.
21) Vidéo Investig’Action http://www.michelcollon.info/14-18-On-croit-mourir-pour-la.html
22) Henry Kissinger : briser la Russie est devenu l’objectif, l’intégrer devrait être le but, The National Interest, 4 septembre 2015.
23) www.michelcollon.info/Quelle-sera-demain-la-politique.html
24) Le Soir (Belgique), 31 janvier 2015.

Source : Investig’Action

UN AUTRE POINT DE VUE PLUS OPTIMISTE ?

La 3ème Guerre mondiale n’aura pas lieu

http://www.voltairenet.org/article188843.html

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