Parole : Élite, sens des mots et illusion démocratique

En ces temps de parole, amplifiée par le règne tout puissant des médias, il est bon d’inlassablement rappeler que le choix du sens, de la valeur, du ton, est un puissant instrument de pouvoir donné aux communicants, aux discourants, aux parlants, à ceux-là mêmes qui possèdent ou collaborent avec ces mêmes médias.

Tout est étudié dans un discours écrit ou pré-écrit s’il est oral, mais également dans un débat qui donne l’apparence d’une spontanéité trompeuse. Ces hommes, ces femmes  usent de mots choisis et appris, avec une apparente conviction et innocence alors que les termes de leur indignation ou de leur enthousiasme ont été soigneusement étudiés.  Ils y sont formés, éduqués, jusqu’à leur attitude corporelle, par des conseils en communication qui les exercent de longues heures afin de leur permettre d’atteindre leur but : convaincre qu’ils ont raison et faire croire qu’ils sont détenteur de  « la » Vérité, à l’exclusion de toute autre. 

Une question se pose : Comment peut-on atteindre la vérité si l’on utilise une forme de mensonge pour la présenter ?

Qu’est-ce que l’art oratoire, ou éloquence ? C’est l’art de parler en public, le talent de l’orateur, l’ensemble des gestes, des mouvements, des jeux de physionomie utilisés par l’orateur pour rendre son discours plus efficace. C’est la manière de s’exprimer de façon à émouvoir, à persuader par le discours. C’est l’art de s’exprimer avec une élégance persuasive. C’est ce qui peut persuader le cœur ou l’esprit.

Le discours politique est une parole s’appuyant sur un texte un contexte et enfin une intention. Il doit avoir une dimension linguistique communicationnelle et sociologique.

Plus généralement, le discours politique peut être envisagé simplement comme une parole publique sur la chose publique et non pas simplement la lutte pour l’accession au pouvoir même si ce paramètre est important. C’est donc le but d’agir sur l’autre de le faire agir, penser, croire. (1)

C’est donc, selon cette définition, un art de la manipulation, déjà fort pratiqué dans l’antiquité et étudié sous le nom de rhétorique.

Rien de nouveau sous le soleil, pensez-vous. 

Et bien si ! Il y a une nouveauté qui fait passer cet exercice, réservé  longtemps à une élite intellectuelle qui connaissait cette science des mots et pouvait en éviter les pièges : Son échelle devenue universelle grâce au moyens technologiques modernes. Cet énorme changement d’échelle en modifie également l’impact.

Audience élargie ne signifie pas pour autant plus de démocratie. Cette apparence plus démocratique parce que plus accessible de la parole n’est qu’une illusion. En effet,  cette science dans sa construction comme dans son utilisation reste bien le fait d’une élite, d’un pouvoir, politique, intellectuel et marchand en ce qu’il est lié aux deux précédents.

Lorsque le peuple a la parole dans les médias,  son  discours est la plupart du temps commenté, interprété, jugé et classé comme admissible ou inadmissible quand il n’est pas carrément transformé, méprisé ou brocardé. Et le pire, c’est que nous sommes souvent dans le camps des rieurs… Le jeu n’est pas égal, le dernier mot est (presque) toujours là encore aux plus forts. 

Le peuple parle dans des médias qui le filtrent, il entend mais n’a pas les clefs pour éviter les pièges de la manipulation et c’est en cela que la question du rapport des mots et de la démocratie se pose.

C’est en cela conjointement que la culture est si fondamentale dans l’éducation des esprits.  La suppression ou la mise à l’écart de certaines disciplines comme les langues anciennes latin ou grec n’est pas anodine. Elle permet de maintenir la masse dans l’ignorance des racines de son langage et donc de fausser et transformer celui-ci sans qu’elle ait de références pour en saisir le dévoiement.  

Il aurait été bon ici de traiter également les notions de concepts, de leur rapport ou non avec la réalité et tous les jeux de langage qui vont avec. Mais cette réflexion qui fait l’objet d’études universitaires complexes tant en philosophie qu’en sciences sociales ou linguistiques est hors de ma modeste portée.

Les exemples choisis dans le texte ci-dessous sont simples, concrets et mettent clairement en lumière la façon dont on peut donner à un discours social la couleur de l’idéologie dominante et comment cela devient un instrument de totalitarisme sans que la plupart de ceux qui l’entendent ne le conscientise.

Les échéances électorales et les orientations sociales en jeu vont nous noyer sous certains mots. Voici quelques clés.

Galadriel

 

«Lorsque les mots perdent leurs sens,

les gens perdent leur liberté»

CONFUCIUS

Si les mots ont un sens, leur mauvaise utilisation peut nuire gravement à la démocratie. La manipulation du langage est une constante de tous les régimes totalitaires.

Cela leur permet de changer le monde à leur avantage. Aucun mot n’est anodin, surtout utilisé par des spécialistes en communication. Il y a les classiques comme « la guerre propre » ou « la moto verte ».

A l’internationale, lorsque l’armée américaine ou israélienne bombarde par exemple toute une population, il s’agit, d’une simple « incursion », ou une d’une « frappe préventive », les victimes civiles sont, elles, des « dommages collatéraux ». La résistance palestinienne ou irakienne est réduite au rang de « terrorisme », et la critique d’Israël devient un acte d’ « antisémitisme ».

Mais cette nouvelle fraude des mots est utilisée quotidiennement pour nous façonner et nous faire accepter le système tel qu’il est.

Pour faire croire que dans une entreprise tout le monde est logé à la même enseigne, on ne parle plus de salariés mais de : «collaborateurs».

Bien sûr parfois il arrive que l’on soit obligé de se séparer de ses collaborateurs, lorsque par exemple les actionnaires demandent plus de dividendes, pardon, lorsque que l’on veut consolider l’entreprise pour lui permettre d’affronter la concurrence ».

On licencie moins (bien), mais on restructure plus ! Les «restructurations» sont obligatoires pour faire face aux défis de notre temps : c’est à dire une meilleure exploitation des salariés. On se sépare donc d’une partie de ses collaborateurs, et pour ceux qui restent on négocie «la flexibilité», que l’on peut traduire par la mise à la disposition de l’employeur, ce que l’on appelait autrefois exploitation patronale. Bien sûr si une entreprise est obligé d’organiser un licenciement collectif, c’est pour le bien être des salariés, c’est pourquoi l’on parle de « plan de sauvegarde de l’emploi »!

Il faut aussi améliorer la «communication», c’est à dire intensifier la propagande du Medef via le gouvernement et les différents médias pour baisser «les charges patronales», autrefois dénommées cotisations sociales patronales. Faire comprendre aux salariés que leurs «acquis sociaux» doivent être supprimés pour faire face aux difficultés de l’entreprise et affronter la mondialisation. En clair pour rémunérer grassement les actionnaires avec des stocks options, des bonus et des parachutes dorés.

Répéter inlassablement que les caisses sont vides que «l’état providence» ne peut pas tout. Mais peut-être devrions nous plutôt parler d’état re-distributeur, ce qui sous-entend que s’il y a redistribution c’est qu’au départ il y a des inégalités. Et l’on retombe sur l’épineux problème du partage des richesses. Et comme la redistribution ne se fait que dans un sens, il faut en conclure que la providence ne se fait que pour une poignée de privilégiés proches du pouvoir, pour lesquels les caisses ne sont jamais vides !

Pour faire avancer le pays nos gouvernants parlent constamment de «réforme de l’état», que l’on peut traduire par destruction des services publics. Ceci dans le but de brader la santé, l’éducation, l’énergie … aux entreprises des amis choisis par le pouvoir. Ces entreprises auront des collaborateurs, et pour améliorer la rentabilité on effectuera des restructurations. La baisse des charges et la flexibilité ne suffisant pas, l’Etat providence, qui fonctionne très bien pour eux, viendra à leur secours, et le contribuable mettra la main à la poche. En bref, le public finance le privé, mais chut … il ne faut utiliser que le politiquement correct, aussi il est préférable de dire que ce sont les fonctionnaires qui coutent cher à l’état !

Il faut sortir le pays de «l’immobilisme», attention ne pas croire que l’on parle de ces familles qui sont aux affaires depuis des générations. Non, on parle de ces millions de travailleurs qui après de difficiles luttes ont réussi à améliorer leurs conditions. Cela n’a jamais plu à une droite revancharde. D’ailleurs attention, la police ne cogne pas sur les manifestants, elle intervient seulement de manière « musclée ». De même, les grévistes qui s’opposent aux « réformes » font preuve de « crispation », et tout le monde sait que la grève est une « prise d’otages », quant aux brèves séquestrations de patrons cela s’appelle des « violences », voire des « actes terroristes »… et bien sûr, la violence des licenciement est légitime car elle s’inscrit dans la loi voulu et voté par … le Medef, pour le bien de tous !

Après toutes ces réformes vous avez de grandes chances de vous retrouver au chômage, c’est à dire en «période d’inactivité». Et là vous risquez de culpabiliser car qui dit inactif dit un peu fainéant. Mais le bon côté de la chose, c’est que même si vous êtes au fond du trou, que vous devenez un déchet, sachez que maintenant avec le parler écologique on «valorise les déchets». Évidemment, certain « irréalistes » ou « irresponsables », vont vous dire qu’il existe des alternatives à l’orthodoxie économique ou politique, mais vous savez que ce n’est pas vrai et de vous-même vous les qualifierez de « bisounours », d’ « utopistes », ou alors de … gauchistes !

http://www.lesmysteresdarkebi.com/archives/2015/09/27/32689300.html

(1) L’art du discours politique

http://tpe-emma-illona.e-monsite.com/

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