Nucléaire : Centrales, démantèlement impossible ? (vidéo)

La France qui a malheureusement tout misé sur l’énergie nucléaire, au détriment d’une mixité plus raisonnable, se trouve aujourd’hui confrontée à un énorme défi : le démantèlement de ses centrales vieillissantes ou définitivement mises à l’arrêt.

Voici quarante ans, leurs concepteurs n’avaient pas prévu que, devenus trop vieilles et donc dangereuses, ces centrales devraient être un jour démontées, et qu’il faudrait stocker leurs déchets hautement radioactifs.

Sur les 58 réacteurs nucléaires français, 33 ont plus de 30 ans et devront être démantelés prochainement. EDF n’a pas provisionné l’argent nécessaire au démantèlement de ses centrales comme la loi lui imposait de le faire. Aujourd’hui EDF n’a pas les moyens financiers d’assumer les coûts astronomiques du démantèlement de ses centrales. EDF préfère prolonger au maximum l’exploitation de ses réacteurs et tente d’obtenir du gouvernement une prolongation jusqu’à 60 ans. C’est une fuite en avant de plus en plus dangereuse.

Le plus grave est que EDF ne dispose pas, non plus, des compétences techniques pour réaliser les démantèlements. La centrale nucléaire de Brennilis, fermée en 1985, en est le parfait exemple. Depuis 30 ans, seulement 50% du démantèlement a été réalisé.

Le nucléaire devrait fournir des sujets aux documentaristes pendant au minimum quelques centaines d’années. Car le problème essentiel de l’énergie nucléaire est celui-ci : quoi qu’il arrive, ses conséquences sur les sociétés humaines seront très durables, en raison de la radioactivité qu’elle génère. De nouvelles enquêtes télévisées apportent des lumières originales sur un sujet qu’on pourrait croire rebattu. C’est le cas de ce film très intéressant réalisé par Bernard Nicolas, qui s’intéresse au sort des réacteurs nucléaires parvenus en fin de durée de fonctionnement. Ils sont près de quinze chaque année dans le monde.

Le problème, comme le montre de manière très pédagogique le film avec des reportages en France, en Allemagne et aux États-Unis, est que l’industrie ne maîtrise pas cette technique difficile.

Pourquoi si difficile ? Parce que, après trente à quarante ans de production d’électricité par la fission de l’atome, tous les matériels intégrés dans le réacteur sont irradiés à un degré plus ou moins important. La technique de démontage s’avère très délicate si l’on veut éviter la contamination des travailleurs. De même, il faut ensuite enfermer très soigneusement les différents matériaux et liquides radioactifs pour éviter qu’ils contaminent l’environnement.

« PAS DE FUITE AVANT 300 000 ANS »

De surcroît, le démantèlement crée un problème de stockage des pièces de la centrale devenues déchets radioactifs. Le plus souvent, elles seront stockées aux abords mêmes de la centrale. Pour combien de temps ? « Au moins vingt ans, précise Jay Hyland, directeur de la sécurité nucléaire de l’Etat du Maine, aux Etats-Unis, probablement trente-cinq à quarante ans, ou peut-être même cent ans… Je ne sais pas. »

L’espoir des nucléaristes serait de les enfouir sous terre. Mais là non plus, rien n’est vraiment maîtrisé. Dans la mine de sel d’Asse, en Allemagne, on a commencé il y a quarante ans à enfouir des déchets nucléaires. En 2004, la montagne de granit voisine a commencé à bouger et le site d’enfouissement à se fissurer. Et il faut y injecter du béton en permanence. On prépare un autre site dans une mine de fer à Konrad.

« Dans le pire des scénarios, assure Anja Schulte-Lutz, de l’Office fédéral contre les radiations, il n’y aura pas de fuite avant 300 000 ans. » Mais, observe l’écologiste Udo Dettmann, « on nous a dit il y a quarante ans qu’Asse était sûr, et l’on s’est trompé. On n’est pas certain que, dans quarante ans, on ne nous dira pas de nouveau qu’on s’était trompé. »

Le film rappelle enfin que le démantèlement des centrales a un coût, qui pourrait atteindre des centaines de milliards d’euros. L’électricité nucléaire se payera longtemps après qu’elle se sera éteinte…

 

Bernard Nicolas – (France, 2013, 52 minutes). Diffusion le mardi 21 mai 2013 à 20h50 sur Arte.

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