Dossier Charlie Hebdo : Se poser, tenter d’analyser pour comprendre

Ne restons pas désarmés par cette tragédie. Pour réagir justement, il faut analyser les racines du drame. Sur le plan politique et géo-politique, nous avons de sérieuses pistes (1), Tout ceux qui s’intéressent à la marche du monde se souviennent de la déclaration de H.Clinton devant le sénat américain reconnaissant que les US ont soutenu et organisé Al Qaeda, mais ce n’est pas le seul plan intéressant de l’histoire. Il y a aussi la question politique, sociale et économique intérieure.  Il est facile de discriminer les petit beurs de banlieue, dealer à la dérive (selon l’image implantée dans les esprits par les médias), pour régler le problème.

Qu’est-ce qui peut bien amener un enfant à écouter les sirènes extrêmistes ? 
Quel vide intérieur cela vient-il combler ?
Qu’est-ce qui a pu changer à ce point ces dernières années pour créer cette folie ?
Quelle est la part des choix politiques et médiatiques qui ont été faits (ou pas faits) qui  ont conduit à cette situation ?

Je vous propose deux analyses assez fouillées d’Investig’Action et Jacques Sapir  ainsi que l’interview du psychiatre Boris Cyrulnik pour réfléchir à la question, Ceci, afin de nous permettre de ne pas stagner dans un jugement émotionnel à l’emporte-pièce, moutonnier et piloté qui ne peut que conduire notre société en enfer…

Une fois encore, il ne s’agit pas d’excuser mais d’analyser et de tenter d’être honnêtes et justes. Un peu d’empathie peut nous y aider…

Comprenons-nous bien, pas question de culpabiliser. C’est difficile d’avoir l’œil partout, j’en suis la première consciente. Ni vous ni moi ne sommes coupables d’un laisser-aller inconscient ou volontaire du pouvoir, quelque soit sa couleur.  Notre pauvre bulletin de vote nous donne le choix qu’ entre la peste et le choléra, et ça ne risque pas de s’arranger… (Vous aurez tout de même noté que les banlieues, c’est intéressant lorsqu’il s’agit de voter pour des charlots qui ne ménagent pas leur promesses. Ensuite, on les laisse dans leur caca).

 

Alors, si nous voulons vraiment faire du neuf il faut absolument  faire

l’effort d’examiner les faits sans concession pour comprendre les

erreurs du passé.

Galadriel

(Mise en garde : Cet article est proposé à votre intelligence et à votre cœur.  Il développe la gestion de l’immigration, pas la question de l’immigration. qui est un autre sujet.  On peut avoir une vision différente des choses et argumenter.  Mais tout commentaire délibérément provocateur, raciste et/ou non respectueux sera supprimé. Si l’on a besoin de vider sa bile, il y a de nombreux blogs sur le net où ça ne pose aucun problème. Merci)

 

I – Avoir 20 ans dans les quartiers populaires : mépris de classe et humiliations de race

25 Novembre 2014

Le mi-mandat de François Hollande a été l’occasion d’une émission télévisée avec le président de la République soigneusement préparée et tout aussi attentivement scrutée par les « experts » et « chroniqueurs » divers en charge d’éclairer « l’opinion ».

Les quartiers populaires et leurs habitants ont été les grands absents, tant dans l’émission télévisée elle-même que dans les commentaires de nos chroniqueurs compétents.

Pourtant, lors des dernières présidentielles de 2012, les quartiers populaires sont au cœur de la campagne socialiste. « Avec François Hollande, nous avons fait un choix qui n’était pas évident : celui de ne pas vouloir annoncer un « plan gadget » de plus, mais plutôt d’aborder de manière transversale la priorité donnée aux quartiers populaires (1) » déclare par exemple au Monde, Razzy Hammadi, le chargé de la politique de la ville auprès de François Hollande.

Pourtant les quartiers populaires connaissent une véritable descente aux enfers depuis plusieurs décennies que les choix économiques de François Hollande confortent et accélèrent. Regardons nos quartiers populaires.

Paupérisation, précarisation, discrimination

Avec sensationnalisme les médias lourds reviennent régulièrement sur les quartiers populaires pour en souligner les « dangers » : réserves de « djihadistes », espaces soi-disant de « non-droit », violences endémiques, lieux de deals incontrôlables et incontrôlés, etc.

Ces images chocs sont décontextualisées. Les contextes historiques et économiques sont éludés avec un double résultat : une réduction des quartiers populaires à la négativité avec l’occultation des résistances et des initiatives populaires pour résister à la dégradation de leurs environnements ; une imputation des responsabilités de la situation aux habitants, aux jeunes, aux parents, etc.

Pour ne citer qu’un exemple, citons celui du reportage d’Envoyé spécial consacré au quartier de la Villeneuve à Grenoble, intitulé « La Villeneuve : le rêve brisé ». Véritable caricature imbibée de mépris de classe, ce reportage a suscité la réaction suivante d’habitants du quartier :

« Nous habitants de La Villeneuve de Grenoble et de tous les quartiers populaires, citoyens, élus, sommes choqués, blessés et indignés par le reportage diffusé sur France 2 le 26 septembre 2013 dans l’émission « Envoyé spécial » : « Villeneuve, le rêve brisé ». Nous sommes en colère, car ce reportage ne montre qu’une face de notre quartier. En colère car il cède à la facilité et au sensationnel. Il est tendancieux, ce qui est indigne de notre service public de l’audio-visuel (2).

Rappelons donc quelques éléments de ces contextes occultés en prenant comme point d’appui les Zones Urbaines Sensibles (ZUS) qui sont des révélateurs d’un processus de dégradation qui touche l’ensemble des quartiers populaires.

Le premier constat est le déploiement depuis plusieurs décennies d’un processus de paupérisation dans les quartiers populaires. Le rapport 2013 de l’Observatoire National des Zones Urbaines Sensibles (ONZUS) nous offre quelques indicateurs statistiques significatifs sur les 751 quartiers considérés comme « sensibles » : le taux de chômage y est en 2012 de 24, 2 % contre 10,1 % au niveau national, le taux de pauvreté est de 36,5 % soit 2,6 fois plus élevé que sur le reste du territoire (14,6 %), le revenu annuel moyen des habitants est de 12 500 euros c’est-à-dire 54 % seulement du taux moyen national (3).

La situation des jeunes est encore plus dramatique. Il ne s’agit pas d’une dégradation conjoncturelle mais d’une mutation structurelle s’étalant désormais sur plusieurs décennies comme en témoigne les rapports des années antérieures du même organisme. Pour ne prendre en exemple que les dernières années et le seul taux de chômage des 15-64 ans, le même rapport nous révèle l’évolution suivante : 16, 7 % en 2008, 18, 5 % en 2009, 21,9 % en 2010, 22,7 % en 2011, 24, 2 % en 2012 (4).

Les rapports 2014 du Secours Catholique (5) et du Secours Populaire (6) convergent vers le constat d’une aggravation de la paupérisation sur l’ensemble du territoire et à plus forte raison dans les territoires les plus pauvres. La situation est encore plus dramatique pour les nouvelles générations avec un taux de chômage de 45 % pour les 15-25 ans (contre 22,7 % pour les 25-49 ans en ZUS et 23, 1 % pour les jeunes hors ZUS).

L’inscription dans la durée du processus de paupérisation ne peut que susciter des tendances au développement d’un rapport craintif, sceptique, désespéré, etc., à l’avenir. Ce qui est surprenant ce n’est pas que des quartiers explosent régulièrement mais le fait qu’ils n’explosent pas plus souvent. L’explication est logique : ils n’explosent pas parce qu’une partie de leurs habitants implosent.

Le second processus en œuvre dans les quartiers populaires est le processus de précarisation. Le travail et la classe ouvrière existent encore dans les quartiers populaires contrairement aux affirmations nombreuses d’il y a quelques années.

En revanche le rapport au travail est de plus en plus intermittent, passager, irrégulier, entrecoupé de périodes longues d’inactivité. L’organisation de la précarité est aussi institutionnellement produite par les fameux « contrats aidés » aux multiples noms, structurant progressivement un marché du travail segmenté aux droits inégaux. Le CDD, l’intérim et le contrat aidé sont pour un nombre toujours croissant d’habitants des quartiers populaires, et de manière encore plus prégnante pour les jeunes, l’horizon maximum d’attente.

L’entrée dans la vie active par l’emploi précaire c’est concrètement la perte de plusieurs horizons d’autonomie se répercutant sur toutes les sphères de la vie sociale : accès au logement autonome, rapports affectifs et amoureux, estime de soi et santé, agenda des priorités, etc.

Avoir vingt ans dans les quartiers populaires c’est objectivement, pour la majorité des jeunes, être dépossédé du droit à la projection et être assigné à une temporalité de l’immédiat.

Les jeunes issus de l’immigration post coloniale subissent de surcroît des discriminations massives et systémiques dans l’accès à l’ensemble des biens rares (formation, logement, emploi, etc.) et en particulier dans l’accès à l’emploi en général et à l’emploi stable en particulier.

Pour avoir été sous-estimées et même niées pendant des décennies, y compris dans les organisations des classes populaires, ces discriminations racistes n’en sont pas pour autant neuves. Les parents de ces jeunes les ont subies mais l’impact destructif est plus important pour les nouvelles générations.

Le sentiment d’injustice est d’autant plus insupportable pour ces jeunes qu’ils sont nés et ont été socialisés en France. Ne se percevant pas comme étrangers, ces jeunes ressentent, à juste titre et encore plus que leurs parents, les discriminations subies comme une injustice fondamentale, brutale et injustifiable.

L’absence ou la place secondaire des discriminations racistes dans les programmes des organisations politiques ou syndicales renforce encore la certitude d’être traité comme une population de seconde zone. Depuis l’enquête du Bureau international du travail de 2008 (7) plus personne ne peut nier le caractère massif des discriminations d’autant plus que les résultats ont été confirmés depuis par de nombreuses autres recherches (8).

Cette enquête par testing met en exergue que 4 employeurs sur 5 privilégient le candidat du groupe majoritaire (non issu de l’immigration postcoloniale) sur ceux issus de groupes minoritaires (français Noirs ou Arabes).

Toutes les analyses qui occultent les discriminations racistes ne peuvent que devenir aveugles à la réalité des quartiers populaires.

Quand par peur de prononcer le mot « race » ou que par coquetterie intellectuelle on se contorsionne pour mentionner une telle inégalité sans la nommer et/ou sans vouloir la mesurer, on contribue objectivement à la reproduire. De même, toutes les analyses qui confondent les réactions à la violence systémique subie (pouvant bien sûr se tromper de cibles) et le racisme systémique et la violence massive qui en découlent, en amalgamant les deux sous le vocable de racisme (9), alimentent volontairement ou non (le résultat est le même) le racisme systémique. Qu’on le veuille ou non, la classe se vit aussi de manière racisée dans le capitalisme mondialisé contemporain.

Reconnaître la réalité pour ce qu’elle est, est la première étape pour pouvoir la transformer.

L’occultation dans les reconstructions médiatiques des quartiers populaires de ce contexte matériel révèle un mépris de classe. Que celui-ci soit volontaire ou non, conscient ou non, ne change rien à l’existence de ce mépris de classe déformant la réalité.

Essentialisation, racialisation et politique de la race

Les quartiers populaires sont également l’objet dans les discours politiques et médiatiques d’un traitement essentialiste et racialiste conduisant à la promotion de plus en plus ouverte d’une politique de la race.

L’essentialisation est l’adoption d’une grille explicative d’un sujet ou d’une question niant les déterminants historiques, économiques, politiques, sociaux, etc. La négation de ces déterminants conduit logiquement à expliquer la réalité à partir d’une « essence » qui caractériserait un groupe social, une culture ou une religion.

Ce groupe social, cette culture ou cette religion est dès lors considéré comme invariable historiquement, homogène et indépendant des interactions avec la société globale. Les causes conduisant à la multiplication contemporaine des traitements essentialistes des quartiers populaires peuvent se déduire de facteurs objectivables : d’une part, le besoin pour le gouvernement de masquer le lien de cause à effet entre une politique libérale de destruction des sécurités sociales et des services publics par la mise en avant d’autres causalités. D’autre part, la recherche du sensationnalisme à finalité d’audimat pour les journalistes qui conduit à simplifier les réalités et à produire de la peur, (qui est un) ingrédient fréquent de la « sensation ».

Donnons un exemple d’essentialisation des quartiers populaires parmi de nombreux autres.

Les jeunes des quartiers populaires, tant dans de nombreux reportages des médias lourds que dans les déclarations politiques implicites, apparaissent comme étant une population particulière et homogène.

Ils seraient caractérisés par la violence dans leurs relations sociales et par la désocialisation (10). Les filles ne sont pas présentes dans cette image essentialiste si ce n’est en tant que victimes du virilisme des garçons qui serait une autre caractéristique essentielle des jeunes des quartiers populaires (11). Le jeune des quartiers populaires apparaît dès lors non pas comme le résultat d’un fonctionnement social mais comme un sujet fondamentalement porteur de dangerosité. Bien sûr dans un tel cas de figure la solution n’est pas à chercher dans la suppression des inégalités mais dans le contrôle et la répression.

La racialisation ou l’ethnicisation est le même processus recherchant l’« essence explicative » dans un facteur de « race ». Il faut bien entendu prendre le terme de « race » dans ses évolutions historiques.

Nous savons en effet, depuis Frantz Omar Fanon, que la mécanique raciste s’adapte aux évolutions des contextes pour maintenir son efficacité. Fanon a en particulier souligné en 1956 la mutation du racisme biologique au racisme culturel du fait à la fois des progrès scientifiques, des horreurs de la seconde guerre mondiale et de la colonisation (12). Mais l’histoire se poursuit après Fanon et le racisme continue à prendre de nouveaux visages.

En particulier la traduction du facteur « race » en caractéristique religieuse est un des nouveaux visages de ce racisme sous la forme de l’islamophobie. Tous ceux qui pinaillent sur l’utilisation du terme islamophobie soit sincèrement, par coquetterie intellectuelle ou par calcul, contribuent au même résultat : l’enracinement et la banalisation de l’islamophobie.

Force est de constater la multiplication des grilles explicatives racialistes ou ethnicistes dans les médias et les discours politiques. Parlant des « émeutes urbaines » c’est-à-dire en fait des « révoltes des quartiers populaires », Alain Finkielkraut peut déclarer :

« En France, on aimerait bien réduire ces émeutes à leur dimension sociale, les voir comme une révolte des jeunes des banlieues contre leur situation, contre la discrimination dont ils souffrent, contre le chômage. Le problème est que la plupart de ces jeunes sont des Noirs ou des Arabes avec une identité musulmane. Regardez ! En France il y a aussi des immigrés dont la situation est difficile — des Chinois, des Vietnamiens, des Portugais — et ils ne prennent pas part aux émeutes. C’est pourquoi il est clair que cette révolte a un caractère ethnique et religieux. » (13)

En 2010 le sociologue Lagrange publie son ouvrage Le déni des cultures (14) dans lequel il prétend expliquer l’échec scolaire et la délinquance par la culture d’origine des africains subsahariens. Selon cet auteur, à condition sociale égale, l’origine culturelle serait explicative des conduites sociales et en particulier de la délinquance. Il est bien sûr invité sur tous les plateaux. Il faut citer notre premier ministre Manuel Valls à propos des Rroms pour mesurer l’ampleur prise par la racialisation ou l’ethnicisation des grilles explicatives :

« C’est illusoire de penser qu’on règlera le problème des populations roms à travers uniquement l’insertion [ …] Oui, il faut dire la vérité aux Français [ …] Ces populations ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres et qui sont évidemment en confrontation (avec les populations locales) [ …] C’est illusoire de penser qu’on règlera le problème des populations roms à travers uniquement l’insertion [ …] Il n’y a pas d’autre solution que de démanteler ces campements progressivement et de reconduire (ces populations) à la frontière. » (15)

Non seulement tous les Rroms sont homogénéisés dans une catégorie unique aux comportements identiques, mais celle-ci est de surcroît culturellement déterminée pour ne pas s’enraciner en France. Les modes de vie incriminés n’ont bien sûr rien à voir avec les traitements discriminatoires qu’ils subissent.

L’essentialisation et la racialisation passent un seuil qualitatif en se traduisant dans des politiques spécifiques : des politiques de la race.

Au niveau national comme au niveau municipal se multiplient les exemples de politiques spécifiques pour des populations « particulières ». Il faut être bien naïf pour continuer à croire que la loi sur les signes religieux à l’école ne signifie pas concrètement une politique spécifique pour un foulard spécifiquement musulman. De même les municipalités ne ramassant pas les ordures des campements Roms installés sur leur territoire adoptent une politique spécifique concernant une population particulière. La banalisation de l’essentialisation et de la racialisation prépare le terrain à une politique de la race de plus en plus assumée.

Au mépris de classe que vivent les habitants des quartiers populaires s’ajoute pour ceux issus de l’immigration une « humiliation de race » avec toutes les conséquences prévisibles d’encouragement aux passages à l’acte violents contre les populations désignées comme indésirables et dangereuses.

Violence sociale et violence contre soi

Les habitants des quartiers populaires subissent une violence sociale systémique d’autant plus destructrice qu’elle ne se présente pas et n’est pas perçue comme telle. C’est un des privilèges des classes dominantes que d’user de la violence économique en la présentant comme une simple gestion neutre et sans conséquence.

Dans les faits les décisions libérales prises par le gouvernement socialiste détruisent nos quartiers, assomment notre jeunesse, poussent au désespoir une partie d’entre nous, « suicident » une autre partie dans la toxicomanie, mènent à la folie une autre partie encore comme en témoignent les patients pauvres et issus de l’immigration des hôpitaux psychiatriques, etc.

Cette violence invisible est sans commune mesure avec les violences de réactions et/ou de défense qui éclatent régulièrement dans les quartiers populaires.

A cette violence économique s’ajoute la violence idéologique sous la forme du « mépris de classe » et de « l’humiliation de race » dont nous avons mentionné ci-dessus quelques formes parmi de nombreuses autres.

La violence des mots qui stigmatisent les quartiers populaires, des explications de nos difficultés qui rabaissent leurs habitants, des programmes moralisants censés aider ces quartiers populaires, etc., est également sans commune mesure avec « l’impolitesse » et/ou la « vulgarité » que les reportages sensationnalistes imputent aux habitants des quartiers populaires. Comme le souligne justement Monique Pinçont-Charlot et Michel Pinçon, la violence des dominants est invisible, élégante, polie :

« Mobilisés à tous les instants et sur tous les fronts, les plus riches agissent en tenue de camouflage, costume-cravate et bonnes manières sur le devant de la scène, exploitation sans vergogne des plus modestes comme règle d’or dans les coulisses. Cette violence sociale, relayée par une violence dans les esprits, tient les plus humbles en respect : respect de la puissance, du savoir, de l’élégance, de la culture, des relations entre gens du « beau » et du « grand » monde. » (16)

Les habitants des quartiers populaires ne sont pas inactifs face à cette violence destructrice. Les solidarités de proximité tentent d’amoindrir l’impact destructeur de la violence économique et idéologique. Les médiations spontanées de voisinage évitent de nombreux drames.

Les multiples groupes de Rap analysent et dénoncent culturellement (et donc politiquement) la descente aux enfers des quartiers populaires. De nombreuses initiatives de mobilisation se prennent dans des luttes pour le logement, contre les crimes racistes, contre les discriminations, etc.

Ce sont toutes ces réactions de vie qui sont passées sous silence dans les multiples reportages médiatiques traitant des quartiers populaires.   Mais l’ampleur de la violence économique et idéologique est telle, que ces mobilisations citoyennes ne peuvent pas l’enrayer de manière significative. A côté des réactions de vie se développent des autodestructions individuelles et/ou collectives. « On nous traite comme des esclaves, on se révolte comme des animaux » (17) me disait un jeune de Seine-Saint-Denis dans une interview consacrée aux révoltes populaires de 2005. Frantz Fanon a souligné l’émergence et le développement de cette autodestruction dans le rapport colonial. « Cette agressivité, souligne-t-il, sédimentée dans ses muscles, le colonisé va la manifester d’abord contre les siens. C’est la période où les nègres se bouffent entre eux (18) ». La situation est identique dans nos quartiers populaires et elle perdurera tant que n’est pas disponible un canal commun pour peser sur le rapport de force.

Les discours politiques et médiatiques contribuent par leur réductionnisme et leur essentialisme à maintenir cette violence contre soi en désignant des cibles de proximité, des « coupables » de voisinage, des « ennemis » dans la famille. « Si vous n’êtes pas vigilants, les médias arriveront à vous faire détester les gens opprimés et aimer ceux qui les oppriment ». disait Malcom X. Le rom, le jeune dit « des cités », la femme voilée, les musulmans, le voisin, etc., la production de cibles médiatiquement et politiquement construites tourne à grand rendement depuis plusieurs décennies pour déstructurer les quartiers populaires et annihiler leurs capacités de résistance et d’offensive.

Ce faisant, les dominants créent les conditions pour pouvoir appauvrir massivement sans risque de réaction collective, pour pouvoir multiplier les guerres coloniales sans ripostes importantes.

Il est temps de reprendre l’initiative.

Saïd Bouamama

 

Notes :

1. Razzy Hammadi, interview au Monde du 30 mars 2012.

2. Pétition, « Après « Villeneuve : le rêve brisé », http://www.petitions24.net/apres_vi…

3. ONZUZ, rapport 2013, Les Editions du Conseil Interministériel à la Ville (CIV), décembre 2013.

4. Idem, p.8.

5. Secours Catholique, Ces pauvres que l’on ne voit plus, rapport statistique du Secours Populaire, http://www.onpes.gouv.fr/Ces-pauvre….

6. Secours Populaire, La pauvreté s’étend et s’enracine, https://www.secourspopulaire.fr/la-….

7. E. Cediey et F. Foroni, Les discriminations à raison de l’ « origine » dans les embauches en France, une enquête nationale par tests de discrimination selon la méthode du Bureau International du Travail, OIT, Genève, 2007.

8. Par exemple Emmanuel Duguet, Yannick L’Horty, Loïc du Parquet, Pascale Petit, Florent Sari, Discriminations à l’ehttp://www.cee-recherche.fr/publica… des jeunes franciliens et intersectionalité du sexe et de l’origine : les résultats d’un testing, .

9. C’est le cas malheureusement d’une grande organisation antiraciste française comme le MRAP qui inscrit dans son programme la lutte contre le supposé « racisme anti blanc » directement importé de l’appareil idéologique d’extrême-droite.

10. Eric Marliere, Jeunes en cité. Diversité des trajectoires ou destin commun ?, L’Harmattan, Paris, 2005.

11. Nacira Guenif-Souilamas, Eric Macé, Les féministes et le garçon arabe, Aube, Paris, 2006.

12. Frantz Fanon, Racisme et culture in Pour la révolution africaine, La Découverte, Paris, 2001.

13. Alain Finkielkraut, Interview au journal Ha’aretz, 17 novembre 2005.

14. Hugues Lagrange, Le déni des cultures, Seuil, Paris, 2010.

15. Manuel Valls, déclaration sur France inter le 24 septembre 2013.

16.Monique Pinçont-Charlot et Michel Pinçon, La violence des riches, Chronique d’une immense casse sociale, La découverte, Paris, 2013, Avant-propos.

17. Said Bouamama, Des gentils « beurs » à la méchante « racaille », Culture et société, n° 15, pp. 61-68.

18. Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre (1961), La Découvert, Paris, 2002, p.53-54.
Source :

http://www.michelcollon.info/Avoir-20-ans-dans-les-quartiers.html?lang=fr

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 II – Les leçons d’un massacre

8 janvier 2015

Par

Le massacre commis par les assassins au siège de Charlie Hebdo a choqué, bouleversé, indigné. Mais il nous interpelle aussi. Il est de la tache de la police de complètement éclaircir les complicités dont les auteurs de ce crime atroce ont pu bénéficier. Ce sera l’objet de l’enquête et, il faut l’espérer, du procès à venir pour ces assassins. Mais, d’ores et déjà, deux problèmes émergent : celui de la Nation, et donc de la souveraineté, et celui de la laïcité.

L’échec de l’intégration est d’abord le refus de la Nation

Ce que révèle les dérives sectaires, certes très minoritaires, mais qui existent néanmoins dans une partie de la jeunesse française, c’est le sentiment d’anomie quant à l’identité.

[NDLR : L’anomie  est l’état d’une société caractérisée par une désintégration des normes qui règlent la conduite de l’humain et assurent l’ordre social. (Wikipédia)]

Une partie des jeunes, issus de l’immigration, ne peuvent pas s’intégrer car ils ne savent pas  à quoi s’intégrer. Une expression importante, et oh combien juste, de Mai 1968 était que l’on ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance. De même, on ne s’intègre pas à un PIB.

Ces jeunes qui parfois manifestent de manière bruyante leur attachement au pays d’origine de leurs parents savent qu’en réalité ils sont rejetés par les sociétés d’Afrique du Nord. Ils ne se sentent pas Français, car on n’ose plus parler de la France. Pourtant, que les choses aillent mal, et l’on y revient immédiatement. Dans son allocution du 7 janvier, le Président de la République n’a fait nulle part mention de l’Europe. C’est un oubli des plus révélateurs.

Mais, ces jeunes savent bien qu’ils sont nés quelque part et que leur histoire personnelle est irréversible.

Ce sentiment peut conduire à des réactions très diverses. Certains peuvent trouver en eux-mêmes les ressources pour chercher malgré tout à s’intégrer. On s’incline ici devant Ahmed Merabet, 42 ans, enfant de l’immigration, policier de la brigade VTT du commissariat du XIème, lâchement assassiné de sang froid par les tueurs qui ont frappé Charlie Hebdo ; de même on s’incline devant Franck Brinsolaro, policier du service de la protection, qui avait en charge la protection de Charb. Il en va aussi, mais on en a moins parlé et il faut le regretter, de nombreux soldats français morts dans les opérations extérieures. Par exemple au Mali, comme le sergent-chef Thomas Dupuy, ou encore en Afghanistan ; ces hommes témoignaient de cet attachement à la France terre d’adoption devenue patrie et pour laquelle ils sont morts. Oui, l’intégration fonctionne, mais elle ne touche désormais qu’une partie de ceux qu’elles devraient toucher. Il est à craindre, si l’on n’y prend garde que ce processus ne s’amplifie

L’illusion du religieux, la prégnance du narcissisme.

D’autres se tournent vers la religion et peuvent finir dans le fanatisme.

Mais, derrière l’apparence d’une montée de la religiosité, c’est en réalité à une montée des affirmations identitaires et narcissiques que l’on assiste. Les crispations autour des tabous alimentaires et vestimentaires, sur les signes extérieurs (comme la question du voile chez les musulmans) ont avant tout pour but d’identifier brutalement une communauté, de la séparer du reste de la population et de l’enfermer sur des références mythifiées pour le plus grand profit de quelques uns.

Ces pratiques, en produisant des mouvements de réactions, font en réalité progresser la division des individus entre eux au lieu d’y mettre fin. Dans la quête de la pureté, et toute religion distingue le « pur » de « l’impur », il ne peut y avoir de mouvement collectif, si ce n’est de petites communautés en proie aux réactions violentes d’autres communautés. C’est d’ailleurs la le piège qui nous est tendu par les meurtriers, comme l’a bien souligné Robert Badinter au journal de FR2 le mercredi 7 janvier. Il est frappant que Marine le Pen, dans sa courte déclaration (toujours sur Fr2) ait dit en substance la même chose.

Par ce retour au religieux, on croit ainsi se protéger de l’anomie. En réalité, on s’y précipite tête baissée.

Il faut ici faire le constat de l’échec d’une intégration pour une partie des populations immigrantes car ces dernières n’ont pas eu de références qu’elles pouvaient assimiler. L’intégration est un processus d’assimilation des règles et des coutumes, qui est en partie conscient (on fait l’effort d’apprendre la langue et l’histoire de la société dans laquelle on veut s’intégrer) mais qui est aussi en partie inconscient.

Pour que ce mécanisme inconscient puisse se mettre en place, encore faut-il qu’il y ait un référent. La disparition ou l’effacement de ce dernier au nom d’un « multiculturalisme » qui ne désigne en fait que la tolérance à des pratiques très différentes, est un obstacle rédhibitoire à l’intégration. De fait, de même que pour échanger il faut instituer des objets que l’on n’échange pas, pour intégrer et aboutir à un principe de tolérance des individus il faut définir des limites très claires, des points sur lesquels il n’est pas question de transiger.

Ici encore, on découvre les dégâts produits par un relativisme outrancier qui se pare des atours des sciences sociales pour mieux en subvertir les enseignements.

La trahison des élites et la perte de souveraineté.

Il faut en suite souligner l’immense responsabilités des élites politiques, de l’UMP comme du PS, qui abandonnent la France à petit pas, soit parce qu’ils ne croient plus en notre pays (mais comment fait alors la Corée du Sud ?), soit par intérêt bête et méchant, la volonté de vivre la vie des élites mondialisées.

Ce qu’oublient tous ces politiques qui ont cédé aux sirènes de la pipolisation c’est que pour plus de 95% de la population française, la vie réelle se passe dans le cadre des frontières de ce pays que l’on nomme France.

Pour ceux qui ne croient plus en la France, on aurait pu s’attendre à la tentative au moins de construire une Europe véritablement fédérale, sur le modèle de l’Allemagne ou des Etats-Unis. C’est un projet que l’on peut comprendre. Mais ce projet a échoué. Il aurait fallu le proposer quand le mur de Berlin est tombé.

A la place, on a voulu perpétuer le méthode traditionnelle de la construction européenne, celle des « petits pas ». Nous en payons aujourd’hui le prix, avec une France qui n’est plus tout à fait un pays puisque l’on a abandonné nombre de prérogatives régaliennes, de la monnaie au budget, aux institutions européennes, et une Europe qui ne sera jamais un pays comme on le constate tous les jours, et en particulier dans la réduction du budget européen, qui se trouve aujourd’hui être inférieur à 1,3% du PIB. Le système confédéral qui en résulte, et qui en résulte par défaut, produit la crise tant économique que politique que l’Europe traverse. Cette crise qui a dévasté la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Espagne et l’Italie et qui demain, si nous n’y prenons garde, dévastera la France.

La Cour Constitutionnelle allemande à bien vu le problème, elle qui a rappelé dans un de ses arrêts de 2009 qu’il n’y avait pas de peuple européen, et que seuls les différents pays étaient le cadre de la démocratie.

De cette entre-deux où nous végétons nait l’anomie. De l’anomie naissent des monstres. Tous les responsables politiques français qui n’ont pas voulu entendre ce qu’avait dit clairement notre peuple il y a dix ans de cela, lors du rejet du projet de Constitution européenne par référendum, en sont responsables. Ils sont donc profondément disqualifiés pour appeler aujourd’hui à l’unité nationale.

L’Europe fédérale étant impossible, et avec elle le mythe d’une « Europe sociale », antienne du PS et d’une partie de la gauche et aujourd’hui désormais pleinement déconsidérée il faut donc rapidement revenir en arrière et redonner à la France les instruments de sa souveraineté.

Cela passe par la monnaie, bien entendu avec la dissolution de la zone Euro, mais aussi par les différentes règles contraignantes quant au budget. Il est souhaitable que ceci se fasse à l’échelle européenne. Mais ce qui est souhaitable n’est pourtant pas toujours possible. Il est nécessaire que cela soit fait de toute manière, que nos partenaires le veuillent ou non.

Sociétés hétérogènes, sociétés denses.

Mais, construire une Nation, ou la reconstruire, impose de réfléchir à ce qui peut faire lien entre des individus différents ayant des croyances différentes.

Quelle peut être la nature de ce ciment ? On pense qu’aujourd’hui, en ces temps que l’on veut « mondialisés », que l’économique est supposée l’emporter sur le politique.

Les relations « de marché », se substitueraient donc aux relations faisant la trame de la société. Cette dernière ne serait donc que la résultante d’une somme de « contrats », entre deux ou plusieurs personnes, et pourrait donc s’appréhender à travers chaque contrat particulier.

Ceci implique une dépersonnalisation de l’action et le rôle des normes qui en découle, dépersonnalisation qui repose sur des principes voisins de ceux de l’économie monétaire parfaite décrite par G. Simmel[1]. Mais Simmel lui-même était conscient qu’une société dont le ciment ne serait pas un ensemble d’institutions combinées et inter-agissantes, qui ne sauraient alors être séparées les unes des autres dans l’analyse, ne pourrait aboutir qu’à l’anomie[2].

Nous vivons en réalité dans des sociétés à forte densité économique, mais aussi sociale. Disons tout de suite que cette définition de la densité n’est pas celle du géographe ou du démographe, même si elle leur emprunte naturellement certains aspects.

Les sociétés modernes ont en effet pour caractéristiques d’être dense, non seulement humainement (sens géographique et démographique) mais aussi en raison des interactions de plus en plus développés et de plus en plus puissantes entre les acteurs. Ces interactions découlent de ce que l’on peut appeler le « progrès des forces productives » pour reprendre une formule de Marx. Ce sont les effets d’externalité toujours plus importants qu’induisent les moyens matériels mis en œuvre depuis le XIXème siècle. Nous devons à Durkheim la paternité de la notion de densité sociale. Dans son ouvrage Les règles de la méthode sociologique il établit la notion de densité dynamique et de densité matérielle de la société[3]. cette densité dynamique correspond aux nombres de relations qui existent entre les unités d’une société donnée:

« La densité dynamique peut se définir, à volume égal, en fonction du nombre des individus qui sont effectivement en relations non pas seulement commerciales mais morales; c’est-à-dire, qui non seulement échangent des services ou se font concurrence, mais vivent d’une vie commune« [4].

La densité matérielle correspond quant à elle à la densité démographique, mais aussi au développement des voies de communication et de transmission. Pour Durkheim, ces deux densités sont nécessairement liées: « Quant à la densité matérielle (…) elle marche d’ordinaire du même pas que la densité dynamique et en général peut servir à la mesurer »[5].

L’hétérogénéité des agents dans une société qui est matériellement dense induit alors une hétérogénéité et une multiplicité des formes d’interactions. La complexité qui en résulte ne peut être traitée que par des ensembles d’institutions et de formes organisationnelles. Ces ensembles institutionnels et ces formes organisationnelles doivent être complémentaires, soit dans les règles qu’elles produisent soit dans les effets que ces règles engendrent. Cette double complémentarité fait obstacle à toute tentative de reproduire la logique de l’atomisme à l’échelle des institutions. Il faut dès lors prendre en compte la nécessité de l’action collective[6]. On retrouve ici l’apport de la philosophie pragmatique de Dewey[7]. Le rapport à l’institutionnalisme ouvre donc la question de son rapport au holisme méthodologique[8].

La laïcité, compagne obligée de la souveraineté.

Mais, reconnaître l’importance d’un point de vue analytiquement holiste, pose alors la question de savoir sur quelle base va-t-o construire les règles et les institutions, bref les formes collectives, dont on a besoin. Il y a la nostalgie d’un âge mythique où était affirmée la trilogie « Un Roi, une Loi, une Foi ».

Cette nostalgie s’exprime tant chez les fondamentalistes musulmans que chez les identitaires. Mais, cet idéal mythique a été fracassé un fois pour toute par l’hétérogénéité des croyances qui s’est imposée comme un fait majeur avec la Réforme.

Les guerres qui ont résulté ont été parmi les plus atroces et les plus inexpiables que l’Europe a connues. La seule solution résidait dans le découplage entre la vie publique et la vie privée, et le cantonnement de la religion à cette dernière. Ceci a été reconnu et théorisé à la fin des Guerres de Religion par Jean Bodin dans une œuvre posthume, l’Heptaplomeres[9], compagnon secret des Six livres de la République. Son contenu ne fait que prolonger celui des Six livres. De quoi s’agit-il donc ? Bodin imagine que sept personnages, qui tous pratiquent la médecine[10] et qui professent tous une foi différente, sont réunis dans un château. Chacun son tour, ils vont chercher à convaincre les six autres. Naturellement, c’est à chaque fois un échec, et pour une raison simple : la foi n’est pas affaire de raison. Quand le septième de ces personnages a parlé se pose alors une question redoutable : que vont-ils faire ?

La réponse est éclairante à deux titres. La première est qu’ils décident de ne plus parler entre eux de religion, autrement dit celle-ci est exclue du débat public et devient une « affaire privée », même si, par courtoisie, ils s’engagent tous à aller aux célébrations des uns et des autres.

La seconde est qu’ils décident d’œuvrer en commun « pour les bien des hommes ». Une autre fin aurait été possible. Ils auraient pu décider de se séparer et de travailler séparément chacun dans leur communauté. Il y a là la seconde « invention » de Bodin. On insiste, à juste titre, sur la première qui est la distinction entre une sphère publique et une sphère privée. Elle est essentielle. Mais, elle ne doit pas masquer la seconde, qui n’est pas moins importante. L’invention de la sphère privée, et du cantonnement de la foi à cette dernière, ne prend sens que parce que des personnes de fois différentes se doivent de cohabiter ensemble. Que Jean Bodin insiste sur l’action en commun de personnes aux convictions religieuses différentes est très important. Cela veut dire qu’il y a des choses communes, des Res Publica, qui sont plus importantes que les religions. Cela signifie aussi que ce que nous appellerions dans notre langage la « laïcité » est une des conditions de l’existence des sociétés à composition hétérogènes[11].

En retranchant de l’espace public les questions de foi on permet au contraire au débat de se constituer et de s’approfondir sur d’autres sujets. En ce sens, Bodin pose le problème de l’articulation de l’individualisme avec la vie sociale, problème qui est au cœur du monde moderne.

Souveraineté et laïcité

Il nous faut aujourd’hui réagir.

Non pas en exigeant un durcissement des peines et de l’arsenal répressif. Cela peut être nécessaire, mais il faut savoir que l’on reste, là, dans le domaine essentiellement symbolique.

On fait de la gesticulation politique. La réaction doit être plus profonde et, en un sens, plus radicale. Face à la montée de l’anomie et de ses monstres il faut reconstruire d’urgence les conditions d’exercice de la souveraineté du peuple dans le cadre de la Nation. Mais, pour cela, il est impératif d’avoir une attitude ferme en ce qui concerne la laïcité, qui est la garantie fondamentale de nos libertés. Oui, nous devons nous rassembler et retrouver les fondements de la Res Publica. Mais nos dirigeants élus ou anciens élus sont les derniers à pouvoir le faire

Les assassins ne paraissent forts que parce que nous sommes faibles, et oublieux des principes dont nous sommes porteurs. Nous les avons laissé monter sur nos épaules. Redressons nous et ils joncheront la terre !

Jacques Sapir

Références :

[1] Simmel G., Philosophy of Money, Routledge, Londres, 1978; publié originellement sous le titre Philosophie des Geldes, 1900

[2] Deutschmann C., “Money as a Social Construction: on the Actuality of Marx and Simmel”, Thesis Eleven, n°47, novembre 1996, pp. 1-20

[3] E. Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, Presses Universitaires de France, coll. Quadrige, Paris, 1999 (première édition, P.U.F., Paris, 1937).

[4] Id., pp. 112-113.

[5] Id. pp. 113.

[6] D. Truman, The Governmental Process , A. Knopf, New York, 1958.

[7] J. Dewey, John Dewey: Philosophy, Psychology and Social Practice , édité par J. Ratner, Putnam’s Sons, New York, 1963.

[8] M-C. Villeval,, « Une théorie économique des institutions? », in Boyer et Saillard, edits, Théorie de la régulation. État des savoirs, La Découverte, Paris, 1995, pp.479-489.

[9] Bodin J., Colloque entre sept sçavants qui sont de différents sentiments des secrets cachés des choses relevées, traduction anonyme du Colloquium Heptaplomeres de Jean Bodin, texte présenté et établi par François Berriot, avec la collaboration de K. Davies, J. Larmat et J. Roger, Genève, Droz, 1984, LXVIII-591.

[10] Ce qui n’est pas sans importance car la médecine, sous l’impulsion de personnes comme Ambroise Paré, et par la pratique de la dissection des cadavres, est devenue la science du corps humain, et a commencé la démarche qui en fera un savoir scientifique.

[11] On trouvera un commentaire éclairant de sa contribution aux idées de tolérance et de laïcité dans: J. Lecler, Histoire de la Tolérance au siècle de la réforme, Aubier Montaigne, Paris, 1955, 2 vol; vol. 2; pp. 153-159

http://russeurope.hypotheses.org/3253

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III – L’ANALYSE DE BORIS CYRULNIK

« ON MANIPULE DES ENFANTS PAUMÉS. LES MÉTHODES EMPLOYÉES PAR LES EXTRÉMISTES SONT POLITIQUES, CE SONT CELLES DE L’INQUISITION ET DU NAZISME »

http://www.tv7.com/point-de-vue-de-boris-cyrulnik-neuropsychiatre_3979593465001.php

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(1) http://fawkes-news.blogspot.fr/2015/01/la-france-paye-58-millions-de-dollars.html

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