DE LA PEUR A LA PAIX

La paix est-elle possible dans une société où les éléments qui la composent sont eux-mêmes plein de peurs et de violence ?

Le sujet est d’une actualité brûlante.  Comment identifier le processus individuel qui nous mène à la violence ? Comment changer nos paradigmes et individuellement accéder à une sagesse intérieure ?

Cultiver la non violence, exclut-il  l’esprit de résistance ? Serions-nous des moutons soumis parce que nous refusons les guerres, les petites individuelles, les masquées,  et celles plus évidentes de notre société ?

Comment sortir de ce cycle infernal ?

Analyse :

A) A la source de la violence

1/ La peur

Thierry Janssen a initié l’écriture de son livre au lendemain des événements du 11 septembre 2001. En dehors de la médiatisation qui en a été faite, ces événements ont marqué les esprits, par l’extrême violence qu’ils représentaient. Une réaction naturelle à une telle violence est la colère, accompagnée de l’envie de faire disparaître au plus vite leurs auteurs. Pourtant, en y réfléchissant, assassiner un assassin, que ce soit par voie légale ou non, ne fait que rajouter au cycle infernal de la violence.

Cela suscite le questionnement : pourquoi vouloir tuer les terroristes et agir alors en miroir avec eux?

En fait, la colère sous-jacente à cette violence est générée par la peur que nous avons des auteurs de cette même violence. La peur de la violence est donc capable d’engendrer une violence tout aussi destructrice et assassine. Si nous sommes capables de la violence, de tuer quand nous avons peur de ceux qui tuent, il est fort probable que ces derniers, eux aussi, tuent parce qu’ils sont eux-mêmes aux prises avec la peur. Les humains sont donc aux prises avec les peurs qui les entraînent vers la violence, nourrissant un cercle vicieux, terriblement meurtrier.

Devenir conscient de ce mode de fonctionnement peut être le début d’un changement, qui commence par la propre conscience de nos peurs et de notre violence, ainsi que la compréhension et le pardon de celles des autres.

Pourtant il existe une alternative aux peurs, qui n’est possible que si nous devenons plus conscients. Et c’est l’amour. Cela démarre d’abord par un amour pour soi. S’accepter tels que l’on est dans toute notre réalité dans l’harmonie entre notre corps, nos émotions et notre intellect. La confiance que l’on a en soi peut alors s’élargir sur la confiance dans les autres. C’est le seul chemin capable de mener vers la paix.

« Si l’ombre ne peut exister sans lumière, la lumière, elle, peut rayonner sans ombre… il suffit qu’elle inonde la totalité de l’espace. L’ombre est inconscience. La lumière est conscience. » L’ombre est la peur, la conscience, l’amour.

La peur, non seulement entraîne la colère et la violence, mais elle est porteuse de souffrance. L’amour, sous toutes ses formes : pardon, indulgence, bienveillance, générosité, partage, …, dissout la peur.

Devant des conflits complexes, issus de mille et une causes et influencés par mille et une autres, il est difficile de comprendre les tenants et aboutissants. Pourtant, derrière toutes les informations, vraies ou fausses, auxquelles nous avons accès, ce sont toujours les vieilles blessures, et les peurs de les revivre, qui sont à la base de tous les conflits, de quelque niveau qu’ils soient. Ce que le gens vivent à grande échelle est du même ressort que ce que chacun de nous vit lors de querelles individuelles. Le fait de le vivre en groupe amplifie la force destructrice de ces processus, ce qui explique que des communautés humaines aient pu être à l’origine des pires atrocités tout au long de l’histoire de l’humanité.

Car lorsque la peur est collective, les individus sont prêts à tout, en agissant au nom de la collectivité, en se déchargeant de leur propre responsabilité. Tant que des communautés, des peuples, des nations, tout comme des individus, vivront en fonction de leurs blessures du passé, ils resteront dans l’incapacité d’arrêter le cercle vicieux des violences.

Notre société adule la guerre. Nous honorons nos guerriers, et avons des écoles militaires, mais n’avons pas d’école de paix, où l’on apprendrait de manière ludique à se connaître, à se respecter, et à respecter l’autre. Cela exigerait une transformation profonde de notre système de pensée. Et mieux vaudrait nous investir vers un progrès intérieur que sur les progrès technologiques capables de nous transporter vers la lune.

2/ Le refoulement

Lorsque l’on étudie le cerveau humain, on peut le représenter en trois niveaux :
le cerveau reptilien, responsable de toutes les fonctions vitales et déterminées par l’instinct,
le système lymbique (commun à tous les mammifères), responsable des émotions et sentiments,
le néocortex, qui gère toutes nos fonctions intellectuelles, c’est-à-dire, en gros : la pensée.
Les trois cerveaux permettent donc trois niveaux de conscience : instinctuelle, émotionnelle et intellectuelle.

La collaboration entre ces trois niveaux, implique que lorsque le néocortex est aux commandes, il peut stopper l’arrivée des informations des autres niveaux, via le refoulement, c’est-à-dire que l’information secondaire des niveaux instinctuels et émotionnels, est renvoyée à l’inconscient (par exemple, un bruit de fond, une respiration qui s’accélère, un battement de cils). Le refoulement permet dès lors d’employer nos potentiels intellectuels au plus loin de nos capacités.

Quand nos instincts et émotions sont en contradiction avec nos raisonnements, ou qu’ils sont trop douloureux à gérer, nous les refoulons également, et les rendons inopérants, inconscients. Il devient alors possible de commettre des actes inhumains et de perpétrer des atrocités avec une rationalité évidente, mais sans éprouver la moindre part d’émotion. Thierry Janssen n’hésite pas à citer Hitler et Polpot, ayant commandité la mort de centaines de milliers de gens. « Les plus grands tyrans sont sans doute des êtres profondément blessés, dont le moyen de survie a été de refouler leur souffrance afin de ne plus jamais la ressentir, et ce pour le plus grand malheur de l’humanité. »

Pourtant, en méconnaissant ce mécanisme, nous restons incapables de tirer les enseignements de l’histoire afin de ne pas perpétuer les malheurs. Et nous fonctionnons tous de la sorte, quand par exemple nous mangeons goulument en même temps que nous regardons les cadavres du journal télévisé. Et cette méconnaissance nous rend tout simplement inhumains, tout en étant inconscients de l’être.

Une pensée, un raisonnement qui fait fi de l’émotion nous ment. Ecouter nos émotions peut donc nous ramener à la vérité. Pourtant la culture occidentale privilégie de loin la pensée sur l’émotion. Nous vivons dans notre mental, déconnectés de notre corps et de nos émotions, et sommes dès lors tous capables, non seulement du meilleur, mais surtout du pire.

En faisant fi des signes émotionnels et physiques, nous créons un déséquilibre dans notre fonctionnement. Tout d’abord, cela nous laisse incapables de répondre à nos besoins, car incapables de les entendre; et de cette manière cela nous mène à somatiser. Ensuite, le mental finit par fonctionner à vide. Un raisonnement purement mental peut expliquer sa propre logique, mais il ne peut expliquer la logique de la vie. Les logiques purement mentales peuvent ainsi mener vers des folies meurtrières, déconnectées de toute conscience. Si nous nous identifions à notre seule pensée, nous n’avons plus accès à l’intelligence supérieure, à une conscience spirituelle, nous sommes alors capables de trouver les arguments les plus cartésiens qui justifieront la logique des pires horreurs.

3/ La projection

En plus des peurs et du mécanisme de refoulement, nous avons recours à beaucoup de comportements souvent inadaptés, qui vont aider les violences à se manifester.

Nous menons bien souvent nos relations en utilisant inconsciemment le mécanisme de la projection, qui consiste à interpréter les pensées et émotions de l’autre, par supposition non fondée, en fonction de nos attitudes mentales et émotionnelles qui nous sont propres, souvent inconscientes, et non généralisables. Et ainsi, ce que nous projetons sur les autres, confirme ce que nous croyons déjà. Nous interprétons le monde avec nos lunettes qui n’ont pas la couleur de la réalité. Or nous ne pouvons savoir ce que les autres pensent réellement. Car soit, ce qu’ils en disent ne colle pas forcément à la réalité, soit ils ne nous le disent tout simplement pas.

Nous pensons souvent que les autres pensent la même chose que nous. Ou nous jugeons négativement chez l’autre ce que nous ne voulons pas voir chez nous. Nous admirons chez l’autre les qualités que nous voudrions avoir. Et nous confondons cela avec l’empathie qui est la véritable capacité à comprendre autrui et ressentir comme lui. Connaître et reconnaître cette pensée en miroir, peut nous servir à nous découvrir, et nous faire évoluer. S’observer et s’accepter tel que l’on est vraiment, permet de pouvoir observer et accepter les autres tels qu’ils sont réellement, et éviter les malentendus, les jugements, les conflits. En refusant la projection, nous cessons de nourrir nos peurs, et évitons de créer des situations qui mènent à la violence.

4/ L’attitude défensive

Bien que l’être humain soit grégaire, il vit en permanence relié à des peurs : peur d’être abandonné, rejeté, trahi, ignoré. Les peurs engendrent tous les sentiments négatifs : de l’angoisse à la méfiance, de la colère à la haine, en passant par la culpabilité et bien d’autres encore. Ces peurs nous mettent donc sur la défensive et entravent nos relations, et cela depuis notre plus tendre enfance, et depuis la nuit des temps.

Or ces peurs sont, pour la plupart, d’une certaine manière, le fruit de notre intellect, qui va élaborer toutes sortes de stratégies pour se protéger, mais cela va nous isoler des autres. Ces stratégies vont : du masque, au contrôle, à la manipulation, la rigidité et la conformité. Or nous n’avons pas conscience que ces stratégies nous mènent plus à souffrir qu’autre chose. Et nos peurs et nos attitudes défensives, nous mènent à considérer les autres comme des ennemis, et finissent par nous conduire vers les guerres de toutes sortes. Et les guerres nous maintiennent dans la peur : cercle vicieux.

Et très souvent, ces peurs sont infondées, créées par l’intellect sur base de ses interprétations erronées de la réalité (projection).

5/ Les masques que nous portons

Une des stratégies pour gérer notre peur et nous socialiser malgré elle est de la masquer. Cela nous permet de nous faire reconnaître et aimer…. pour qui nous ne sommes pas. Mais cela nous empêche aussi de vivre notre vraie vie, de ressentir nos vrais sentiments, consciemment. En contrôlant nos masques, nous allons aussi tenter de contrôler les autres. Pour maintenir notre masque, et le magnifier, nous rejetons toujours les fautes sur autrui. Nous trompons autrui, mais aussi nous-mêmes, nous interdisant l’authenticité et l’honnêteté dans la relation. Surtout, que notre fragilité et nos faiblesses ne puissent devenir apparentes! Et dans la plupart des cas, nous sommes prêts à nous battre farouchement pour défendre ces apparences.

Le moment où notre tendance sera la plus forte pour endosser un masque, est celui où nous devons nous présenter publiquement : pour faire passer un message, ou nous vendre (pour obtenir un emploi par exemple) à des inconnus. Ce sont des situations où la peur peut nous envahir. Pourtant, dissimuler notre peur est rarement le plus adéquat, surtout que nos émotions, par le truchement des signes de notre corps, risquent de nous dévoiler. Avoir le courage d’accueillir la peur, de se montrer tel que l’on est, et même d’avouer cette peur, est le gage pour que l’on soit pris pour qui l’on est, et non pour un autre : notre masque. C’est la voie vers la confiance. Et l’état d’esprit qui se dévoile donne une assurance intérieure. «  Car on ne reçoit qu’en fonction de ce que l’on demande, et montrer un masque, c’est demander quelque chose qui est pour quelqu’un d’autre que nous, à savoir notre masque. » Avec le risque, ensuite, d’accuser celui qui donne, pour ce qu’il a donné au masque.

6/ Devenir conscient de nos erreurs et les reconnaître

Notre personnalité tâtonne dans la pénombre et la peur, se complaisant dans l’habitude et répétant toujours les mêmes erreurs. Notre essence, si nous y sommes attentif, nous éclaire la voie, loin de la peur. Nous pouvons la laisser nous guider, et nous enseigner, loin du contrôle, de la lutte, dans la compréhension des choses et leur positivité.

Elle nous apprend que : « Toute cause entraîne une conséquence, et dans ce jeu-là, nous sommes souvent l’auteur des causes et la victime des conséquences.

En vivant sous le dictat de la personnalité, nous prenons le chemin de la peur, de la méfiance, de la négativité, en passant par le jugement, le dénigrement, l’angoisse, la victimisation jusqu’à la dépression. Nos murs de protection sont nos jugements et nos croyances, héritées de notre éducation, que nous érigeons bien souvent comme des bunkers. » « Notre négativité cache notre peur. »

En s’observant et se connaissant mieux, nous pouvons devenir conscient et accepter nos limites et nos besoins, sans projeter sur les autres la responsabilité de leur non respect. Et cette acceptation conduit à reconnaître et accepter les limites et les besoins d’autrui. Nous reconnaissons notre humanité et celle de tous les humains. Et c’est ainsi que nous pouvons trouver la paix.

B) De la violence au dialogue

Suite et fin ICI :

http://sechangersoi.be/4Articles/vivreenpaix.htm#transmettre

NOTE :

Approche théorique du livre de Thierry Janssen : « Vivre en paix »,
paru aux éditions Robert Laffont 2003, Marabout 2008.
Les propos ci-dessous ont été directement inspirés par le livre,
de manière théorique, mais n’en présentent pas
véritablement un résumé, ni n’en reflètent l’esprit.
Par respect pour l’auteur, et par souci de concision,
les témoignages, récits et exemples du livre n’ont pas été repris,
même si ce sont eux qui donne tout le relief à l’ouvrage.

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