Je vous parle d’un temps que les moins de 40 ans….

Plaidoyer pour une décroissance joyeuse

C’est toute une mentalité à changer…  Lorsque l’on pense décroissance, l’on pense moins de consommation. Lorsque l’on pense moins de consommation, l’on voit poindre l’effondrement des industries de production et le chômage. Selon certain analyste, c’est faux, c’est même le contraire ! (1)

Enfin, si l’on pense bio, durable, on pense « cher » et l’on se dit que ce n’est pas pour nous.  En réalité, ce raisonnement ne tient pas vraiment.

En effet, si nous supprimions toutes les dépenses inutiles de nos budgets, nous pourrions consacrer ces économies à l’achat de produits de meilleures qualités, d’une meilleure longévité. C’est juste une répartition différente de nos budgets.

C’est ainsi que nous vivions avant le grand boum consommateur des années 60. Nos grand-parents et arrière grand-parents achetaient peu,  solide et durable. C’était même le critère premier. La civilisation kleenex n’avait pas encore imprégné la société. On consommait local, on marchait ou pédalait beaucoup, et utilisait la voiture que lorsqu’elle était indispensable. On jetait peu, on réparait. On était économe. Et comme chaque investissement était important, il portait en lui le respect des choses.

Ces habitudes de consommation donnaient du travail à une multitude d’artisans dont les professions se sont réduites depuis à une peau de chagrin parce que c’est devenu un luxe : Les exemples les plus frappant sont ceux des menuisiers-ébénistes, et des tailleurs, des cordonniers, des ferronniers, tailleurs de pierre… 

Les meubles étaient fabriqués en bois nobles pour les mariages et duraient toute une vie. Ils passaient ensuite d’enfants à enfants. Maintenant, on se fournit chez IKEA ou BUT et après trois déménagements, il faut en changer.  Les vêtements sur mesure n’étaient pas un luxe. Les hommes allaient chez le tailleur, les tissus étaient quasiment inusables. Les femmes allaient chez les couturières. On avait deux ou trois paires de chaussure que l’on portait jusqu’à l’usure après les avoir fait réparer maintes fois chez le cordonnier. Bien ciré, le cuir vieillit très bien. Mais qui prend encore le temps de cirer ses chaussures ? 

On n’avait pas, sauf peut-être les grands bourgeois, des dizaines de tenues dans nos armoires, dont une partie que nous ne mettons pas. Nous les avons acheté sur une impulsion, et… finalement, nous n’aimons pas les porter., ou plus bête encore, nous les « oublions » au profit de ceux que nous préférons..  Qui n’a jamais fait ça ? Enfin, si il n’y avait pas de dépots-vente ou d’Ebay, les choses circulaient. On donnait. On donnait à plus malheureux que soi, à la famille, aux amis, on partageait aussi le surplus des potagers et des vergers. On faisait beaucoup ensemble. Les confitures, les confits, les pâtés les conserves ce qui donnait lieu à de joyeuses réunions. 

Je n’ai pas le sentiment d’avoir eu une famille extraordinaire. Il me semble que c’était un comportement commun.

Ce temps-là, je l’ai vécu, et je n’ai pas le souvenir de n’avoir jamais manqué de rien. J’ai eu une enfance joyeuse, sans télé, sans game boy, nous n’étions pas noyés sous des tonnes de jouets et de gadget.

Ce qui nous était accordé devait être mérité. Nous désirions vivement les cadeaux promis et nous investissions pour les obtenir. Ce que nous n’avions pas, nous l’ inventions, le   fabriquions, de bric et de broc, sûrement  : avec des boites des allumettes et des rondelles de liège, nous faisions de courses de voiture, nous peuplions des villages en carton avec des bonshommes en marrons d’inde, jouions aux indiens avec des arcs et des flèches fait avec des branches de noisetiers, nous racontions des histoires dont nous étions les héros… Cela nous rendait fiers et heureux. (J’étais la seule fille au milieu de 3 garçons, les poupées j’ai pas trop connu 🙂 ).

Le plus étrange, c’est qu’en écrivant ça, j’ai l’impression de décrire une enfance idéalisée..

N’en croyez rien. L’éducation était sévère, la discipline non négociable. On nous imposait des principes parfois étroits et étouffants, une morale sociale qui rentrait de temps en temps à coup de claques, mais la transgression n’en était que plus attirante…

La société n’était pas parfaite, loin de là, ce n’est pas ce que j’essaye de démontrer. D’ailleurs, qui pourrait prétendre qu’à aucune époque de l’évolution humaine l’on ait atteint l’idéal ? Mon propos n’est pas comme souvent les vieux de prétendre que c’était mieux « avant ». Mon propos est de démontrer que hors de ce consumérisme à tout va qui nous conduit au désastre, on peut vivre bien, que d’autres l’on déjà expérimenté avant nous et que décroître, ce n’est pas si terrible..

Pour ne pas que vous pensiez que je me considère comme un modèle de vertu, je dois ajouter que j’ai atteint l’âge adulte avec les 30 glorieuses dont l’abondance joyeuse m’a entraîné, inconsciente,  dans son tourbillon consumériste. Pour notre génération, c’était neuf, c’était facile, et toutes les analyses qui nous prédisaient à terme une catastrophe écologique, humaine, économique, passaient pour de mauvais coucheurs, des empêcheurs de consommer en rond, ils étaient inaudibles dans le bruit ambiant.

La télé, le marketing nous ont empoisonné l’esprit, nous ont ramolli, nous ont fait croire que tout est permis et possible,  que posséder c’est être. Ceci n’est pas neuf. Ce sont bien les avoirs, et leur étalage qui ont de tout temps permis aux riches de se différencier des modestes et des pauvres.

Ce qui a changé, c’est que le curseur s’est déplacé du manque en quantité au manque en qualité.  La quantité est devenue accessible, pas la qualité. Nous sommes dans une société creuse, bling bling une société de copies bas de gamme dans laquelle on peut faire semblant d’avoir, avec du made in China des biens pour lesquels on a aucun respect parce qu’ils ne nous apportent qu’un plaisir fugitif. Mais nous voyons bien au résultat que cela ne nous conduit nulle part sinon à la frustration :  nous ne sommes pas dupes, nous faisons semblant et nous carburons au Lexomyl…

Ce que nous savons tous au fond de nous, c’est que la vraie joie est celle du coeur, et pas celle du porte-monnaie. Mais ça, on ne nous le dit pas à la télé.

Décroitre, c’est accepter de lâcher-prise  sur le matériel, mais aussi réapprendre le respect de notre environnement, c’est apprendre  à sortir du troupeau et à l’assumer, c’est développer la créativité, la solidarité, c’est  la voie d’une richesse beaucoup plus grande, celle de l’esprit et du coeur.

Galadriel

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(1)

Moins de croissance, c’est plus d’emploi

lL n’est pas d’antienne plus tenace que celle de la croissance, rabâchée en chœur par les médias perroquets. C’est qu’il s’agit là d’une croyance quasiment mystique : « Pour combattre le chômage, il faut une croissance forte. » Mais en fait, moins de croissance serait au contraire bénéfique à l’emploi.

 

Nous avons vécu pendant des décennies sur une croyance qui avait une (relative) validité : pour créer de l’emploi et combattre le chômage, il faut une croissance « suffisamment forte ». Pourtant, même au cours de cette période, des « Trente Glorieuses » aux années 1990, cette croyance avait plusieurs limites :

1) La qualification « suffisamment forte » dépend de plusieurs facteurs. D’abord, du niveau des gains de productivité (= produire autant de quantités avec moins de travail) qui réduisent l’emploi s’il n’y a pas de croissance du volume produit. Pour ajouter des emplois, à durée du travail identique, il faut que la croissance soit supérieure aux gains de productivité.

2) Avec un même taux de croissance, on peut créer plus d’emplois si la durée moyenne du travail diminue. C’est ce qui s’est produit, massivement, de1966 à 2002 (cf. le graphique 1). Si l’on en était resté au niveau de 1966, on aurait peut-être aujourd’hui six millions de chômeurs EN PLUS ! Ce mouvement a pris fin depuis 2002, ce qui n’est pas pour rien dans l’explosion du chômage (le taux de chômage était de 7,7 % en 2001).


– Graphique 1 –

3) Dernière raison : la forte croissance passée a signé l’entrée de l’humanité dans une crise écologique redoutable. C’est à la fin des Trente Glorieuses que le niveau des émissions de gaz à effet de serre a commencé à dépasser celui que la nature peut absorber sans dommage pour le climat. Difficile dans ces conditions de voir la quête de croissance comme un facteur de progrès.

Quoi que l’on fasse, la croissance va prendre fin

Au cours des dernières années, on a assisté à d’intéressantes « conversions » de quelques économistes de renom, admettant ce qu’une poignée de précurseurs avaient affirmé bien plus tôt : il ne faut plus trop compter désormais sur le retour d’une « belle » croissance, au moins dans les pays riches. Il faut dire que la courbe historique des taux de croissance depuis 1950 (graphique 2 pour la France) a de quoi faire réfléchir.

Pour la plupart des commentateurs « autorisés », cette tendance est effrayante. Il n’est qu’à lire le dossier du Monde du 2 septembre, avec ce gros titre en première page : « Et si la croissance ne revenait jamais… le scénario noir… ».


– Graphique 2 –

Créer des emplois sans croissance

SUITE DE L’ARTICLE : http://www.reporterre.net/spip.php?article6287

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