La stérilisation du langage c’est l’euthanasie de votre esprit critique.

Aujourd’hui, je voulais vous parler de la stérilisation du langage. C’est très important la stérilisation du langage, surtout lorsque l’on parle de censure. Si j’ai choisis ces deux mots « stérilisation » et « euthanasie » ce n’est pas par hasard, et c’est un choix délibéré sur lequel je vais revenir.

Vous connaissez sans doute le grand débat philosophique « Qu’est-ce qui est le premier ? La pensée ou le langage ? ».

Non, rassurez-vous, je ne vais pas me lancer dans un débat de philo, c’est juste pour vous montrer l’importance du langage et des mots dans la pensée. Comment exprimer une pensée structurée et efficace sans les mots adéquats pour le faire ? C’est tout le sens de ce débat philosophique qui existe depuis Platon (peut-être même avant d’ailleurs).

Le langage et les mots sont donc la matière première de l’expression de votre pensée. Réduire le nombre de mots à votre disposition c’est avant tout réduire notre façon de penser ou de pouvoir exprimer notre pensée.

De même « adoucir » les mots est évidemment essentiel afin d’adoucir vos réactions. Les mots contrôlent notre attitude ou en tout cas peuvent conditionner nos réponses. Prenons un exemple (c’est de l’humour), si je dis « libéralisation du rail » à un cheminot de la CGT je sais que ce mot « libéralisation » va immédiatement provoquer chez lui une réaction de rejet et qu’il va me dire « grève » !

Si je dis chaque jour à des milliers de concitoyens qu’ils vont se faire virer comme de vieilles chaussettes dans le cadre d’un plan de licenciement (j’adore cet exemple), ils ne vont pas bien le prendre. Non, il faut adoucir les mots pour adoucir les réactions. D’où l’idée vraiment très drôle du concept de « plan de sauvegarde de l’emploi » qui est la terminologie actuellement en vigueur pour dire que l’on se fait licencier.

Nos élites cherchent donc à modifier notre langage pour modifier notre mécanisme de pensée, modifier nos réactions évidemment dans le sens qui les arrange, à savoir celui du « calme ». Nous pouvons multiplier ces exemples à l’infini. Par exemple, on ne dit plus « mouroirs » mais « service d’accompagnement à la fin de vie » ou encore « unité de soins palliatifs »… Comme si on pouvait « pallier » la mort…

Lorsque je raconte cela à ma femme, elle me dit « arrête mon chéri, tu flirtes avec la théorie du complot voyons »… Ha, la théorie du complot, voilà un terme euthanasiant tout débat. Le gouvernement ment au peuple sur … Bouh, le vilain complotiste… (Comme si les États disaient toujours la vérité.)

Pourtant, aujourd’hui j’ai pu montrer une preuve indiscutable à ma femme. Elle était là, et dans ses yeux j’ai vu qu’elle avait vu et bien compris exactement ce que je lui explique depuis des années mais sans réussir à apporter un élément de preuve irréfutable et convaincant (lorsque je n’arrive pas à convaincre ma tendre épouse c’est qu’en général je ne suis pas très clair dans mes explications).

C’est Bernard Kouchner, notre « french doctor » porteur de sacs de riz, qui a gaffé involontairement alors qu’il était interrogé ce matin sur France Inter, c’est à 3 minutes et 10 secondes dans la vidéo ci-dessous. Il a dit :
« Tout d’abord, n’employons plus le mot «euthanasie». D’abord il y a « nazi » dedans, ce qui n’est pas gentil, et puis on a tout de suite l’impression qu’il y a une agression vous voyez, et que l’on va forcer les gens. Oui… il faut employer des mots qui sont doux. La fin de vie doit être quelque chose que l’on partage avec les siens et qui est un témoignage d’amour plus que de brutalité… »

Merci mon brave Bernard. Merci. Tout d’abord, expliqué comme ça, j’ai hâte de partager ce moment d’amour avec les miens. On va se faire une belle fête lors de mon accompagnement vers la fin de vie…

Plus sérieusement, je trouve que l’allusion de Kouchner à l’euthanasie contenant le mot « nazi » est très éclairante sur ce qu’elle suggère.

Évidemment, nous savons tous qu’il n’y a strictement aucun rapport entre un état nazi et l’euthanasie si ce n’est – ce qui est important finalement car là est le problème – que justement l’état nazi aimait bien accompagner (sans forcément beaucoup de douceur) certaines catégories de personnes, dont les malades et les handicapés (non productifs et « racialement » impurs), vers une fin de vie accélérée.

Or en euthanasiant nos malades, sommes-nous forcément très différents ? La fin de vie est un débat très complexe, chaque situation est différente, chaque cas particulier, chaque souffrance différente. En Belgique, où la loi est plus « avancée » que chez nous, des enfants mineurs sont euthanasiés. Voilà la réalité. Où sont les limites, où sont les abus, quels sont les garde-fous ?

Certains parmi vous seront pour, d’autres contre. Telle n’est pas la question, et je ne prétends pas ici donner une vérité sur ce débat. En fait, si. Je vais me permettre de donner une vérité mais pas de trancher ce débat plus exactement.

La vérité est la suivante. Si nous voulons pouvoir débattre avec intelligence collectivement, nous ne devons pas réduire le langage et euthanasier notre langage.

Si l’on change les mots que l’on utilise, il n’y a plus de débat car ce changement de mots vise uniquement à troubler votre appréciation des choses et de la réalité pour vous faire accepter d’aller dans une direction qu’autrement vous refuseriez peut-être de prendre.

Ce qui est valable pour ce débat l’est pour tous les domaines, qu’il s’agisse de science, d’histoire ou d’économie. Peu importe.

Limiter votre pensée c’est vous obliger à penser quelque chose que vous ne pensiez pas auparavant, et c’est exactement les méthodes de manipulations des masses et des foules que des gouvernements, qui n’ont plus que de démocratique que le nom, utilisent à notre détriment chaque jour.

Lorsque l’on vous explique qu’une banque est trop grosse pour faire faillite, cela vous empêche d’envisager la solution de la faillite comme étant sans doute la bonne solution (et c’était la bonne solution). Là encore nous pourrions multiplier les exemples à l’infini.
Rentrer en résistance c’est aussi résister aux changements de langage et aux artifices verbaux. La mort n’est pas quelque chose de beau et de doux. Lorsque l’on meurt, on est seul et cela fait terriblement peur.

Le véritable problème que cache ce débat sur la mort (et pas sur la fin de vie ce qui est trop doux pour décrire la triste réalité), c’est à partir de quel âge allons-nous aider les gens à mourir et qui décidera d’arrêter de payer les médicaments de telle ou telle personne et sur la base de quels critères ? N’oubliez pas qu’aux USA plusieurs dizaines de députés voulaient passer une loi interdisant le remboursement des frais médicaux à partir de 76 ans ce qui revenait à dire que seul les riches de plus de 76 ans auraient le droit de vivre, les autres étant accompagné dans ce grand moment de joie et de partage par la douceur de la société dans son ensemble vers un passage momentanée vers une fin de vie digne.

Le véritable problème de ce débat n’est pas que dans tel ou tel cas l’on puisse abréger des souffrances insupportables (cette expression non plus n’est pas douce), mais que nous ne pourrons sans doute pas payer à tout le monde une médecine de plus en plus coûteuse surtout avec le vieillissement global de la population.

Alors l’euthanasie deviendra une quasi-nécessité « économique ». Voilà le véritable sujet des années à venir et voilà pourquoi il va falloir pousser la population dans son ensemble à être favorable à l’euthanasie massive en changeant les mots, les concepts et le langage utilisé pour dédiaboliser le fait de mettre fin à la vie des autres.

Ne soyons donc pas naïfs dans notre appréciation des mots et des concepts que l’on nous sert car bien souvent, s’ils servent les intérêts de ceux qui nous gouvernent, ils desservent les intérêts des peuples.

N’oubliez jamais, quel que soit le sujet, que « lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté ».

Charles Sannat : http://www.lecontrarien.com/

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