Réflexions sur le survivalisme

 

Le sac de sucre…

Si la réelle portée du survivalisme est intimement liée a la construction personnelle d’un univers durable, cohérent, riche d’indépendance et de liberté a l’échelle de notre cercle d’influence immédiat pour tout simplement et positivement influencer la qualité de nos vies, effondrement ou pas…c’est au travers de nos préparations, de cette organisation matérielle et solide, que le survivaliste devient visible et donc compréhensible pour son entourage.
 
Apres tout, « liberté », « cohérence » et « indépendance » sont des termes si personnels, si subjectifs et conceptuels, qu’il est plus facile de nous définir par le matériel, par la solidité de nos préparations et ce qu’elles impliquent, que quelques sentiments symboliques de révoltes solitaires inscrits sur les murs de nos sous sols lourdement désintéressés par le poids des étages supérieurs.
 
Parler d’indépendance et de liberté est toujours risqué…d’une part parce que l’indépendance et la liberté sont des notions relatives, et d’autre part parce que nous vivons une époque ou l’intention d’indépendance, d’auto-suffisance, d’autonomie, de pouvoir personnel, de cohérence, d’implication, de résilience et d’affirmation de sa conscience, semble menacer l’équilibre du paradigme ambiant, qui, simplement exprimé, nous pousse de plus en plus a dépendre de tout et de rien…
 
 
Dans ce contexte, plus ou moins complexe selon le niveau d’esclavagisme des esprits alentours, il est beaucoup plus simple de se pencher sur « le sac de sucre » du survivaliste, et de peut être s’en moquer, que de se pencher sur son intention d’indépendance et de liberté, lui beaucoup plus nuancée et subtile.
 
 
Face a ce complexe processus d’indépendance qu’est le survivalisme, il peut être question a un moment ou a un autre de perdre de vu le réel intérêt d’une telle démarche, et de succomber au fatidique: « …et si il ne se passe jamais rien ? »
 
Cette « question », souvent chuchotée par simple envie d’affirmer un quelconque sentiment de conformisme collectivisé, implique mathématiquement que le survivaliste ne peut résonner que de la catastrophe, qu’il ne peut vivre et prendre tout son sens que dans l’enchevêtrement hâtif d’une situation d’urgence et de ses séquelles sur notre fabrique.
 
 
Il serait alors question d’une co-dépendance structurelle entre le survivalisme et l’effondrement de la normalité…et le survivaliste, devient des lors, aux yeux du monde qui l’observe ou dans sa propre conception plus ou moins juvénile, un être totalement gouverné par l’événement.
 
On pourrait presque dire que sans la catastrophe, le survivaliste ne peut exister, car sans elle, la totalité de sa démarche, de sa structure (philosophique, intellectuelle et physique) n’a aucun sens…
 
A quoi sert la préparation a un effondrement de l’économie, si l’économie ne s’effondre jamais ?
A quoi sert la préparation a un dysfonctionnement de nos systèmes de supports, si ceux-ci ne sont jamais en dysfonctionnement ?
A quoi sert de préparer un plan d’évacuation, si nous ne sommes jamais confrontés a devoir évacuer ?
A quoi sert le sac de sucre dans la cave du survivaliste, si la troisième guerre mondiale n’éclate jamais ?
 
Le survivaliste serait-il la victime d’un romanticisme sournois, attiré malgré lui, comme Ulysse par le chant des sirènes, a s’échouer sur les récifs d’un rêve post apocalyptique, pour peut être se vanter d’avoir prévu, survécu, ou finalement pleinement exister de tout son poids ?
 
 » Viens ici ! Viens a nous ! Ulysse tant vanté ! 
L’honneur de l’Achaïe…arrête ton croiseur: viens écouter nos voix ! Jamais un noir vaisseau n’a doublé notre cap, sans ouïr les doux airs qui sortent de nos lèvres; puis on s’en va content et plus riche en savoir, car nous savons tous les maux, tous les maux que les dieux dans les champs de Troade, ont infligés aux gens et d’Argos et de Troie, et nous savons aussi tout ce que voit passer la terre nourricière. »
 
 
 
Il n’y a aucun doute qu’un pourcentage plus ou moins important d’individus intéressés par le survivalisme semblent voir la catastrophe et l’implosion de la fabrique comme un univers propice a l’expression refoulé de certains comportements, ou encore l’expression d’une justice politisée.
 
Certains survivalistes semblent même y voir une opportunité…mais soyons très clair, cette projection fantasmée et souvent glorifiée par la culture ambiante est un leurre…un chant de sirène.
 
 
 
Notre sac de sucre n’est pas la promesse d’une catastrophe, ou l’espoir inconscient d’une implosion de la fabrique pour pouvoir enfin revêtir nos parades camouflées et sortir le 12 tacticool, mais bien la construction d’un mode de vie qui nous invite a matérialiser toujours un peu plus d’indépendance et de liberté.
 
Il est le reflet physique, presque symbolique, d’une prise de conscience particulière, qui exprime non pas l’idée de s’affranchir du système par la destruction de celui-ci, comme un enfant frustré et ne pouvant pas briller ou s’assumer devant les règles de jeu en place, mais bien par la construction, en parallèle, d’une manière de vivre que nous pouvons comprendre et qui nous est utile au quotidien.
 
Démolir, déconstruire, anéantir, rejeter, refuser, décroître…sont des gestes d’une mécanique grossière portée sur la réactivité émotionnelle, et donc facilement accessible et visible, et ayant le pouvoir d’extérioriser nos frustrations ou nos désirs, et ceci immédiatement.
 
Il est beaucoup plus facile de s’abandonner a l’auto destruction, qu’a l’auto construction.
Il est aussi parfois et pour certains, beaucoup plus facile de s’imaginer survivre, que de travailler a vivre.
 
 
 
– Je ne m’intéresse pas a la Permaculture pour survivre a la faim dans le cadre d’un effondrement total et systémique du monde tel que nous le connaissons, je m’y intéresse pour contribuer a la construction d’une vie locale, saine et cohérente avec mon environnement, pour pouvoir manger des aliments sains, pour limiter le trajet de certains produits, et m’affranchir (c’est a dire avoir la liberté de choisir de participer ou non) de l’agri-business, de la monoculture et de la destruction de nos sols.
 
 
 
– Je ne m’intéresse pas a la chasse pour le plaisir de tuer un animal, ou pour pouvoir me nourrir après une apocalypse quelconque, je m’y intéresse pour m’affranchir de la manière actuelle dont nous concevons l’élevage, et de la déconnexion programmée et hypocrite de notre rapport a la mort.
 
 
 
– Je ne m’intéresse pas a des énergies alternatives pour pouvoir continuer d’utiliser mon frigo quand la troisième guerre mondiale éclate, je m’y intéresse pour réduire l’impact de mes factures mensuelles sur mes finances, pour ne pas être dépendant du système pour mon électricité en cas de pannes, pour m’affranchir du monopole énergétique de compagnies douteuses et de certains enjeux écologiques que devrons subir nos enfants…
 
 
 
– Je ne m’intéresse pas a l’hygiène et la santé pour pouvoir me faire des points de sutures après une fusillade quand l’effondrement de l’économie globale nous aura plongée au 18eme siècle…je le fais pour pouvoir intelligemment porter assistance a une personne blessée, a mon voisin, pour pouvoir fabriquer mon propre savon bio sans tests sur les animaux, pour pouvoir éviter de tomber malade et m’interdire la productivité, pour faire des économies, pour peut être réduire l’impact sur le monde hospitalier du pouvoir des grandes compagnies pharmaceutiques…
 
 
 
– Je ne fais pas de la récupération des eaux de pluie pour pouvoir continuer de boire durant la prochaine pandémie, je le fais pour réduire le gaspillage ambiant d’une ressource critique, pour réduire mes factures, pour arroser mes légumes, pour ne pas être dépendant du système si il y a une coupure, parce que c’est facile et que ça a du sens.
 
 
 
– Je ne m’intéresse pas aux armes a feu pour tuer quelques pilleurs de riz durant une guerre civile, je m’y intéresse pour avoir un moyen adapté de défendre la vie de mes proches dans un cadre extrêmement précis et strict, pour pouvoir récolter ma propre viande, aussi dans un cadre extrêmement précis et strict, pour contribuer a un certain équilibre de la force, et finalement pour le plaisir que me procure le tir le dimanche entre amis.
 
– Je ne fais pas des réserves de nourriture pour pouvoir bouffer quand tout le monde a faim, je le fais pour m’affranchir d’un système de distribution « juste-a-temps », pour faire des économies, pour mitiger les fluctuations de prix causées par la spéculation sur les produits de base, pour ne pas avoir a prendre la voiture le dimanche matin quand je m’aperçois que je n’ai plus de sucre, et donc payer plus de taxes, utiliser plus d’essence…
 
 
 
 
A  L. & P.

http://lesurvivaliste.blogspot.fr/2013/02/le-sac-de-sucre.html

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