Quand nos sénateurs voudraient avoir la peau du loup

Le loup fait débat : Les 250 loups français seraient-ils plus agressifs, plus malins, plus dangereux que les loups espagnols (2500)  ou italiens (entre 600 et 800 individus) ?

Et si il s’agissait plutôt d’éduquer les éleveurs à la protection de leurs troupeaux et de financer,  par exemple, des chiens dressés en nombre plutôt que de rembourser les brebis attaquées ?

Il y a sûrement une solution raisonnable, sinon, comment font nos voisins ?

Lundi dernier, le Sénat a voté un article de loi autorisant les éleveurs à abattre les loups. Au Palais du Luxembourg, c’est presque une tradition. L’espèce est pourtant strictement protégée. Explications.

La loi d’avenir agricole scellera-t-elle le destin du loup ? Lundi soir, à la veille de l’adoption du texte au Sénat, l’ensemble des élus, à l’exception de ceux d’Europe Ecologie – Les Verts, se sont prononcés en faveur d’un article autorisant les éleveurs de brebis à abattre le prédateur. L’article 18 bis ajouté en catimini par le nouveau chef des sénateurs socialistes, Didier Guillaume, « autorise les éleveurs à pratiquer sur leur commune des tirs de prélèvement (destinés à tuer ndlr) pendant six mois, lorsqu’ils ont subi sur leur élevage des attaques avérées de loups ». Les 250 loups français vont-ils perdre leur tranquillité ? Les éleveurs sont-ils sur le point d’obtenir gain de cause ? Terra eco fait le point.

Aujourd’hui, a-t-on le droit de tuer un loup ?

Oui, mais sous conditions. L’animal est « strictement protégé » par deux engagements internationaux : la convention de Berne et la directive Habitats faune-flore (en pdf), un texte européen dont la valeur est supérieure au droit français. Mais en cas de « dommages importants à l’élevage », des dérogations peuvent être accordées. Ainsi, en 2013, les préfets ont autorisé plus de 360 chasseurs, éleveurs ou agents de l’Etat, désignés nommément, à tuer des loups dans des circonstances encadrées. Pour ne pas nuire à l’espèce, l’Etat décide du plafond chaque année : en 2013/2014, 24 loups pouvaient être abattus contre 11 sur la saison précédente. Au total, 7 animaux ont été tués. « L’animal est furtif et malin, explique Eric Marboutin, chef de projet du réseau loup à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), pour le chasser, une dérogation ne suffit pas. »

Pourquoi une nouvelle offensive contre le prédateur ?

Parce que les sénateurs estiment que le loup, dont la population augmente de 20% par an, n’est plus une espèce en danger. Ils considèrent également que le Plan loup (en pdf), adopté l’an dernier, est inefficace pour prévenir les attaques. Ce plan met l’accent sur les mesures de protection. Cela passe par l’adoption de patous, ces chiens dressés pour en découdre avec le loup, la construction de parcs et le recrutement de bergers. Malgré ces mesures, le loup attaque toujours. La Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Rhône-Alpes (Dreal) comptabilise 6 786 brebis victimes en 2013 contre 6 666 l’année précédente, soit 0,08% du cheptel français.

Pourquoi c’est le Sénat qui monte au front ?

« Car les sénateurs sont ancrés dans les territoires », avance Stéphane Mazars, sénateur de l’Aveyron. L’an dernier déjà, l’élu du Parti radical de gauche (PRG) était rapporteur d’une proposition de loi visant à créer des zones de protection renforcée contre le loup. Dans ces zones, la chasse aurait été autorisée. Mais l’Assemblée nationale n’a pas suivi. C’est pourquoi les sénateurs profitent de la Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt pour revenir à la charge. « Celle loi c’est un cheval de Troie », avoue Stéphane Mazars.

Si le nouvel article entre en vigueur que va-t-il changer ?

Le lieu et la période à laquelle les éleveurs pourront faire feu sur les loups. Les dérogations actuelles ne sont valables qu’un mois renouvelable et l’éleveur ne peut tirer qu’à proximité de son troupeau si celui-ci est attaqué. Si l’article de loi passe, ils pourront, après une attaque, rendre justice eux-mêmes sur toute leur commune. Pour Joël Labbé, sénateur écologiste opposé au texte, « cette mesure est contraire à la convention de Berne, et n’a aucune chance de passer ». Un avis que partage l’association de protection du loup Férus pour qui cet article est « hors-la-loi ». « Les sénateurs veulent faire d’une dérogation la règle », s’emporte Jean-François Darmstaedter, son président.

Cet article a-t-il malgré tout une chance de passer ?

Oui. Les Etats sont libres d’interpréter « les dommages importants » évoqués par la convention de Berne à leur guise. Les associations pourront attaquer la loi ou les arrêtés ministériels mais « s’ils sont bien formulés, rien n’indique que les tribunaux administratifs leur donneront raison », estime Stéphane Mazars. Mais c’est la convention de Berne elle-même que les sénateurs entendent changer. La sénatrice UMP Hélène Masson-Maret a même déposé un amendement pour que le loup sorte de la catégorie « strictement protégée ». Mais celui-ci a été rejeté. « La représentation nationale n’est pas compétente, cette décision relève de l’Europe », souligne le ministère de l’Agriculture.

Et dans les autres pays, ça se passe comment ?

La situation est très contrastée. Certains pays, comme la Norvège, sont restés à l’écart des textes internationaux. La chasse au loup y est donc autorisée. Les signataires de la convention de Berne ont, pour leur part, pris des engagements à géométrie variable. En Espagne, le loup est strictement protégé au Sud mais peut être chassé au Nord. C’est en Italie que l’animal est le plus serein. Il est « strictement protégé » partout et aucune dérogation n’est accordée.

http://www.terraeco.net/Comment-les-senateurs-tentent-d,54723.html

ET AUSSI

Analyse d’un « pro loups » : http://www.reportage.loup.org/html/acteur/franco.html

Le site officiel consacré aux loups : http://www.rdbrmc-travaux.com/loup/index.php?lang=fr