Les écolos, les nouveaux ennemis intérieurs
« Adversaire radical de la destruction de la biosphère par le système capitaliste, donc de ce système, le mouvement écologiste en devient de fait l’adversaire principal. »
Greenpeace a pénétré dans la centrale de Fessenheim mardi 18 mars. Une façon spectaculaire et non-violente de rappeler le danger que fait peser cette centrale – et d’autres -, ainsi que la nécessité d’engager une véritable transition énergétique.
Réponse du gouvernement, par le communiqué de Philippe Martin, ministre de l’Ecologie : en vertu de la Loi de programmation militaire, les installations nucléaires seront désormais considérées comme « zones nucléaires à accès réglementé ».
C’est le mot « militaire » qui ici importe. On ne saurait mieux dire que les centrales nucléaires ne sont pas, ne peuvent pas être, des usines comme les autres. Elles recèlent un danger tel qu’elles doivent être surveillées de la même manière que, précisément, les installations fabriquant la bombe atomique.
Mais un autre terme interpelle, dans ce communiqué : « renseignement amont ». Ce qui est dit là, c’est que le travail policier de surveillance va encore se développer à l’encontre de ceux qui pourraient avoir l’intention de pénétrer, comme Greenpeace, dans des centrales, mais aussi, on peut le craindre, à l’encontre de tous ceux qui luttent pour que l’on sorte du nucléaire.
Le même jour, Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne (deuxième syndicat agricole de France, qui représente des centaines de milliers de paysans), a refusé de se rendre à une convocation de la gendarmerie. Assumant l’action collective qui avait été menée contre le projet nuisible de ferme usine des mille vaches, il souligne le fonctionnement à deux vitesses de la justice : « Quand la Confédération paysanne vient taguer un chantier illégal, son porte-parole se retrouve placé en garde à vue… Mais quand un notable local profère des menaces à l’encontre d’un de ses opposants, la plainte reste bloquée dans les tuyaux de la justice… ».
On rappellera aussi la violence démesurée exercées par les forces « de l’ordre » à l’encontre des manifestants contre le projet de Notre Dame des Landes à Nantes le 22 février dernier : tirs tendus de flash balls par des policiers qui n’étaient pas menacés, et qui se sont traduits par plusieurs blessés graves.
Tout ceci indique que le pouvoir est de plus en plus déterminé à criminaliser le mouvement écologiste, à exercer à son encontre une surveillance policière, à faire passer une contestation légitime pour un danger à la paix civile.
Cela s’inscrit dans la tendance autoritaire du régime oligarchique (voir à ce propos la logique décrite succinctement). Et signifie que le mouvement écologiste doit faire preuve d’une maturité politique plus grande : ce mouvement décrit la destruction radicale de la biosphère qu’opère le capitalisme, il doit comprendre que cette radicalité tend à s’exercer aussi dans le champ politique.
Adversaire radical de cette destruction, donc de ce système, le mouvement écologiste en devient de fait l’adversaire principal. Il faut le savoir. Pour s’organiser mieux, collectivement, et dans la non-violence.
Source : Hervé Kempf pour Reporterre.