Comprendre notre économie : Pourquoi la croissance est le problème et pas la solution ?

Comment le dogme de la croissance est en réalité la principale raison de la montée des inégalités et de l’endettement

L’article décrit le lien qui existe entre la création monétaire et la croissance. Il montre comment la création monétaire permet la croissance jusqu’au moment où les gains de productivité ne permettent plus un accroissement des biens en rapport avec la création monétaire. A partir de ce moment la croissance est structurellement impossible. Vouloir la continuer malgré tout implique de continuer la création monétaire ce qui conduit inexorablement, si on combat en même temps l’inflation, à un déséquilibre économique entre ceux qui détiennent la dette et ceux qui en sont les débiteurs accentuant continuellement la montée des inégalités. La croissance n’est plus la solution aux déséquilibres économiques, elle en est l’origine.

Cet article a pour objet de montrer que dans notre système économique actuel la croissance est le problème, pas la solution. Pour comprendre cet aspect, il est nécessaire de revenir sur le rôle de la monnaie par rapport à la croissance.

Sauf à de rares exceptions et de nos jour, la monnaie a toujours était basée sur une matière limitée. Pour simplifier prenons l’or comme matière. Dans un tel système, l’ensemble de la valorisation des biens est équivalent à la quantité d’or disponible. De ce constat, nous n’avons que trois possibilités :
1. Il y a une augmentation des biens sans augmentation de la quantité de monnaie (donc pas plus d’or) alors les biens se dévalorisent, c’est la déflation ;
2. Il y a une augmentation de la quantité de monnaie (donc plus d’or) sans augmentation des biens, alors les biens augmentent, c’est l’inflation ;
3. Les biens augmentent en fonction de l’augmentation de la quantité de monnaie, ni inflation, ni déflation.

Le premier cas est théorique car au fur et à mesure que de nouveaux biens arrivent sans augmentation de la quantité d’or alors compte tenu que les biens se dévalorisent les acteurs économiques ralentissent d’eux mêmes la production de nouveaux biens car il devient non rentable de les produire.

Le second cas est également un cas théorique depuis la révolution industrielle. En effet, compte tenu des gains de productivités il n’est pas possible de trouver une quantité d’or supérieure à la valorisation des biens produits. Ce cas n’est possible que si le support monétaire n’est pas lié à un actif physique limité.

Le troisième cas est le fonctionnement traditionnel du monde économique dès lors que la monnaie est basée sur un actif limité. Dans cette situation, on comprend alors aisément le point fondamental suivant : la monnaie crée la croissance. Autrement dit, lorsqu’il y a une augmentation de la masse monétaire de 10 alors en contrepartie le système économique va produire des biens qui seront valorisés 10.

Le monde économique a connu ce système monétaire au cours du XIXème siècle, d’une remarquable stabilité car il ne pouvait y avoir d’inflation car la création monétaire était limitée au stock d’or. Si on découvrait plus d’or, on augmentait la masse monétaire en proportion, cette augmentation monétaire permettait de faire progresser la croissance. Comme l’or découvert l’était toujours en proportion limité, il était toujours possible d’augmenter les biens correspondant à l’augmentation de la masse monétaire.

Ainsi, dans ce système, l’inflation était impossible mais la croissance était limitée à la découverte de nouvelles mines d’or. C’est ainsi qu’il y a eut une expansion économique suite aux découvertes des mines d’or en 1850 (Californie) puis un ralentissement après 1870 et un net rebond après la découverte des mines d’or à la fin du XIX siècles (Alaska, Australie, Afrique du Sud).

Mais corréler la croissance à un stock d’or n’a en réalité pas de sens car la production de biens n’est en aucun cas dépendant d’une limite artificiellement donnée mais doit correspondre à des besoins réels de la population.

Ainsi, un système monétaire basé sur l’étalon-or n’est pas compatible avec une économie en expansion basée sur la production de masse. C’est ce que le monde économique va découvrir au cours des années 1960, les Etats-Unis pour ne pas arrêter la croissance émettent toujours plus de dollars, la masse de dollars en circulation n’est plus en rapport avec la valorisation de leur stock d’or. Continuer la croissance impliquait nécessairement que le système abandonne toute référence à un support physique limité. C’est ce qui fut fait au cours des années 1970.
Cependant, dès lors, le monde économique peut se retrouver dans la situation 2, auparavant évoquée, c’est-à-dire la possibilité d’augmenter la masse monétaire sans que cette masse ne génère de biens supplémentaires. Pour quelles raisons structurelles, ce cas arrive ?

Essentiellement parce que le système économique n’a pas besoin de ces biens supplémentaires, il est arrivé à saturation. L’injection de monnaie dans le système ne crée pas plus de croissance, autrement dit, il ne crée pas plus de biens. S’il ne crée pas plus de biens alors les biens produits et existants se revalorisent, c’est l’inflation.

Mais ce constat est valable uniquement si l’injection monétaire supplémentaire dans le système est équitablement répartie. Car c’est le système dans sa globalité qui n’est pas capable d’accroitre les biens par rapport à la masse monétaire créée.

A partir de ce moment, la croissance est structurellement impossible. Une autre vision pour comprendre qu’à partir d’une certaine production de biens, la croissance devient impossible est de prendre l’angle de la productivité.

En effet, au fur et à mesure que la productivité augmente, il y a un basculement qui s’opère entre la production de biens vers les services. Or les services sont peu concernés par l’augmentation de la productivité. Ainsi, pour prendre une image, lorsqu’auparavant on augmentait la masse monétaire de 10, 8 allait à la production de biens qui pouvait compenser l’augmentation de la masse monétaire par une augmentation de la productivité. Désormais ce sont 2 qui vont aller vers la production et 8 vers les services qui eux, ne pouvant pas augmenter la productivité, vont augmenter leur prix. La croissance ralentie d’elle-même, mécaniquement, structurellement.

C’est ce que n’ont pas compris les apôtres de la croissance. Les années 1970 sont le parfait exemple de cet aspect, les revalorisations salariales entretiennent l’inflation sans pour autant faire repartir la machine économique.
Alors les gouvernements vont mettre en place la plus grande imposture économique de tous les temps : ils vont continuer la création monétaire afin de continuer la croissance tout en faisant croire qu’il n’y a pas d’inflation.

Comment réaliser cette imposture ? Tout simplement en favorisant les inégalités car les inégalités ne crée pas d’inflation pour ceux qui ne bénéficient pas de l’accroissement monétaire.

Autrement dit, l’accroissement monétaire nécessaire à la croissance ne va plus être réparti sur la totalité de la population mais uniquement sur une petite partie de celle-ci.

La croissance est sauvée, l’inflation « sur le panier moyen de la ménagère » également, en revanche tous les biens destinés aux personnes qui bénéficient de la création monétaire vont subir une forte inflation qui se traduit par une montée en gamme de produits destinés à cette population, la seule à pouvoir s’offrir ce types de produits : montée en gamme des produits (voitures, bijoux, montres, …), collection d’arts, immobilier bien situés, bateaux de plaisance, etc.

La création monétaire crée également un surplus d’épargne pour une tranche de la population qui en demande en contrepartie des intérêts qui auto alimente la création monétaire. La conséquence de la montée des inégalités fait que les Etats ont moins de recettes pour autant de dépenses, c’est le début de leur endettement qui inexorablement ne peut que croitre tant que la croissance est alimentée par la création monétaire.

En conclusion, tant que les gouvernements auront comme seul objectif de favoriser la croissance, ils seront obligés de favoriser la création monétaire qui elle même favorise les inégalités, asphyxiant peu à peu le système économique écrasé sous les dettes. Ainsi le principe que la monnaie crée la croissance doit être remplacée par la monnaie crée les inégalités.
La croissance est bien le problème, elle n’est pas la solution !

Source de l’article : lois-economiques.fr via « nous contacter »

 

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