Tribune : Dieu est-il mort ?

Il est toujours délicat d’ouvrir un débat sur des questions existentielles. Dieu ou pas ? Lorsque l’on est croyant, on met sa confiance, sa foi dans le fait qu’Il existe. Sans preuve indiscutable, on fait le pari de cette existence et l’on organise sa vie autour de ce choix  de ses conséquences et ses espérances. Certains vous diront que les preuves sont là et que c’est notre refus ou notre aveuglement qui nous empêche de les voir. Pourquoi pas ? 

D’autres disent encore que Dieu n’est pas, comme le présentent les religions monothéistes un Être tout puissant et extérieur à nous, mais qu’Il est la vie-même et qu’elle, donc nous, en sommes l’expression. Pourquoi pas ?

Et d’autres encore….

La tribune que je vous propose parie qu’il n’existe pas et que cela nous exempt ni de la sagesse ni de la vertu. Tout est en nous explique-t-elle, et nous n’en avons pas besoin Pourquoi pas ?

Dieu est-il mort ??

Jacques-Robert SIMON

Dans la nuit des temps, la force et la capacité de détruire l’autre assuraient pour l’essentiel sa survie et celle de ses proches. Mais très vite, les « moins puissants », en se liguant quelque peu, purent exterminer leurs adversaires. Pour ne pas passer l’essentiel de leur temps à essayer d’exterminer « l’autre », il fallait un chef, une autorité qui puisse permettre une certaine cohérence d’action, synonyme d’efficacité. Le plus fort tint d’abord évidemment ce rôle. Mais il constata vite que s’entourer de quelques mystères augmentait considérablement son pouvoir de diriger et surtout sa pérennité : il était le seul intercesseur auprès de forces inconnues qui décidaient in fine de tout. L’alliance du pouvoir et du « magique » était dès l’origine constitutionnelle et utilitaire. L’extension d’un groupe tribal, devenu grâce à l’accession aux techniques une civilisation, est associée à la nécessaire unité du divin sur la zone de domination de cette tribu.

Dieu était né !

Les premiers pas de Dieu furent conformes aux attentes. Les « dix paroles » commencent par préciser que l’on ne doit pas avoir de dieu concurrent, ni se prosterner devant des idoles. Les autres commandements sont raisonnables et permettent en effet une vie tribale sans trop de soucis : pas de meurtres, pas d’adultère, pas de vol, pas de faux témoignages, pas de revendication des biens d’autrui. Tout va dans le sens de la cohésion sociale.

Le nouveau testament marque un tournant radical par rapport à tout ce qui précède et une notion différente de Dieu émergea !

Examinons quelques-unes des propositions mises en avant.

La loi fait seulement connaître le péché !

Une vie en Société implique le respect d’une construction de réglementations : comment conduire sa voiture ou économiser l’énergie, respecter le code du travail, ne pas polluer son environnement … Ces exemples cités ne relèvent pas de la Loi telle que nous souhaitons l’évoquer. Si l’on oppose loi et péché, c’est le comportement moral qui est examiné, c’est à dire l’aptitude à « vivre avec les autres », en leur accordant autant de libertés qu’à soi-même. Dans ce cadre, respecter scrupuleusement une loi, c’est se contraindre à le faire. L’Homme « moral » a intériorisé au plus profond de lui même ce qu’il convient de faire pour accéder à l’humain, une Loi n’est qu’un pâle substitut à cette contrainte morale. La Loi n’est alors qu’un palliatif et est donc dérisoire, par comparaison.

Ceux qui jugent les autres sans être meilleurs eux-mêmes 

L’humilité tout d’abord, et la sincérité ou la sainteté (ce qui est sain) de jugement sont évidemment essentielles pour accéder à la sagesse, encore faut-il en être conscient ! Une longue ascèse, qui ne doit pas être assimilée à un refus de la vie, doit être entreprise pour y parvenir. Alors, alors seulement, les yeux qui servent à regarder les autres seront les mêmes que ceux qui servent à se regarder soi-même. Une fois que surprises et dégoûts sont surmontés, il est possible de se comporter selon les caractéristiques que l’on associe généralement, souvent à tort, à l’humain. Alors « on » aura tôt fait de s’apercevoir que la parole « Qui suis-je pour juger ! » s’applique toujours et pour tous.

C’est la foi qui sauve, et non le fait d’être croyants ou païens 

Que d’efforts mais pour quelle récompense puisque les délices de la Terre ne sont pas prohibés mais vils, donc sans aucune importance ? Pour être sauvé ! Certes, mais sauvé de quoi ? Une interprétation consiste à évoquer une résurrection, une autre vie après la mort, récompense d’un comportement plein de vertus, mais plus encore d’intelligence, mené tout au long d’une existence matérielle. A peu près personne ne peut croire qu’il s’agira après cette résurrection de renouveler une vie ordinaire. Cette « autre vie » existera-t-elle dans les mémoires ? C’est une hypothèse. Ou bien cette promesse est-elle faite tout en sachant pleinement que c’est un leurre pour que les préceptes soient appliqués par pure croyance ? Cette escroquerie serait coupable. Pourtant lorsqu’on pas grand-chose à offrir à autrui, il reste le rêve ou un substitut, l’espérance !

Mais écartons-nous de ces hypothétiques récompenses pour nous tourner vers d’autres, très réelles. Mener une vie de « vertus » permet essentiellement d’échapper à sa propre petitesse, à son caractère misérable. Elle permet (du moins quelquefois) de connaître les véritables richesses que sont l’Amour, les Amours sous toutes leurs formes : l’Amour de sa femme, l’Amour de son métier, l’Amour de la Science, des Arts, l’Amour des autres … Donc, « on » est bien et tout à fait certainement sauvé de quelque chose, on est sauvé de la médiocrité.

Il est d’ores et déjà évident que croire ou ne pas croire en Dieu ou dieu n’a strictement aucune importance puisque l’essentiel est de puiser en vous ce qu’il y a de plus précieux.

Dieu n’est donc pas mort, car il n’a jamais été vivant !

Je me souviens de Noël, enfant, je croyais au Père Noël, à sa barbe blanche, à la cheminée par laquelle il se faufilait avec les cadeaux qu’il apportait. Puis un beau matin, j’ai saisi la patinette qu’ « il » m’avait offert durant la nuit. J’en eus les mains pleines de peinture. Quelques explications s’imposaient ! Mes parents m’expliquèrent avec toutes les précautions du monde, que le Père Noël, c’était mon père, et qu’il avait repeint la patinette d’occasion qu’il s’était procuré aux puces de Montreuil. Après un moment de désarroi, j’ai compris que je ne perdais pas au change : mieux valait un père bricoleur et aimant qu’un ectoplasme hors de portée.

Source : Agoravox

L’auteur :

Jacques-Robert SIMON

Jacques-Robert SIMON : Chimiste, Chercheur au CNRS, Professeur à l’Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles de la ville de Paris (ESPCI). Devenu auto-entrepreneur afin d’éditer des textes scientifiques en Français et des commentaires politiques sans a priori militant.

 

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