Bêtise et avidité : Qualifier une espèce de « rare » accélère son extinction !
Inscrire une plante ou un animal parmi la longue liste des espèces rares est censé être protecteur. Un chercheur français a démontré le contraire : sa disparition en est précipitée.
Faut-il communiquer sur la raréfaction d’espèces ? Jusqu’à il y a peu, on répondait oui sans hésiter. C’est même sur ces espèces rares – parce que le nombre d’individus les composant est peu élevé ou concentré dans des endroits bien précis du globe – que se focalisaient les efforts de communication des programmes visant à protéger la biodiversité. Et ce pour deux raisons : ce sont souvent les plus fragiles et le public est particulièrement sensible à leur sort.
Mais un chercheur français a démontré à l’inverse que qualifier une espèce de « rare » peut en réalité contribuer à son extinction. En cause, l’attrait irrationnel d’une partie de l’humanité pour la rareté : « Lorsqu’une espèce devient rare, elle acquiert plus de valeur, est plus exploitée et devient donc encore plus rare », explique Franck Courchamp, directeur de recherche à l’Institut national d’écologie et environnement, interrogé par le site Actu-environnement.com à l’occasion du sommet sur la criminalité contre les espèces sauvages, qui se tient ce mercredi et ce jeudi à Londres. Un cercle vicieux qui peut la mener tout droit à l’extinction…
L’éco-tourisme, pas toujours si écolo que ça…
D’après ses recherches, six types d’activités humaines seraient responsables de ce « vortex d’extinction », selon les mots du chercheur : le marché du luxe, avec l’exemple emblématique du caviar – dont le prix ne cesse d’augmenter, et les populations d’esturgeons de diminuer ; la chasse aux trophées, qui explique notamment la diminution continue de la population de tigres malgré les campagnes de protection ; la médecine traditionnelle, qui réclame champignons rares et autres cornes de rhinocéros… ; les nouveaux animaux de compagnie comme certains lézards ou singes ; la collection de spécimens d’orchidées, d’insectes, etc. ; et, pour finir, l’éco-tourisme.
Habituellement présentée comme respectueuse de l’environnement, cette pratique peut en réalité présenter un grave trouble pour la reproduction ou les modes de vie des espèces. Un exemple : les tétras. La population de ces énormes coqs de bruyère vivant en Ecosse est passée de 20 000 à seulement 900 en moins de trente ans. La raison ? Leur spectaculaire parade amoureuse attirait tant de visiteurs que cela a gêné leur reproduction…
Ainsi, une course à l’exploitation s’enclenche dès que la rareté d’une espèce est reconnue. Faut-il alors la taire ? La première chose à faire, selon Franck Courchamp, est de rendre illégale, et sans attendre, l’exploitation de l’espèce menacée. « Si un laps de temps de deux ans s’écoule entre le fait que cette espèce soit déclarée comme rare et l’interdiction, il y aura un engouement extrême lié à la rareté mais également à la fermeture du marché imminente : l’espèce va être surexploitée de manière intensive », explique-t-il. Autre précaution à prendre : ne pas révéler son emplacement géographique, afin de ne susciter aucune tentation. Le commerce d’espèces menacées est le deuxième marché illégal au monde, juste après celui de la drogue.
Le snobisme caviardé…
Franck Courchamp a, avec sa collègue Agnès Gault, mené une expérience aussi révélatrice qu’affligeante en 2008. Tous deux se sont invités dans des cocktails parisiens huppés et ont proposé aux invités de classes socio-professionnelles élevées le même caviar, présenté sous deux appellations différentes : « rare » et « commun ». Résultat, avant même de l’avoir goûté, 54% des personnes interrogées ont indiqué une préférence pour le « rare ». Après dégustation, le pourcentage est monté à 70%. Expérience réitérée dans des supermarchés de la région parisienne, Les Ulis, Massy, Arcueil. Là encore, 52% des goûteurs ont préféré le « rare » avant sa consommation, et 72% après l’avoir avalé…
SOURCE : http://www.terraeco.net