Une cliente rapporte son verre au bar, l’Urssaf réclame 9 000 €

Celle-là, je ne pouvais pas la laisser passer ! Alors, même si vous êtes le meilleur ami du patron et qu’il est débordé, ne bougez pas de votre chaise ! Ne ramenez pas votre verre au bar pour en commander un autre, ou en allant aux toilettes, ne ramassez pas un papier par terre qui traîne sur votre trajet… Surtout ne l’aidez en rien, big-brother- Urssaf, veille….

Maryka Le Floch et son mari n'entendent pas payer les 9.000 € réclamés par l'Urssaf. Photo Yvonnig Le Coupannec

Rapporter son verre au comptoir d’un bar, un geste condamnable ? Cette question, en apparence saugrenue, est au coeur d’un conflit qui oppose la gérante d’un bar de Locmiquélic et l’Urssaf. L’administration lui réclame 9.000 € pour travail dissimulé.

 

 

Chez Mamm Kounifl, on ne s’embarrasse pas de protocoles inutiles. On peut y manger à la bonne franquette, en accord avec le décor, et boire un verre au pied de la petite scène. L’établissement de Locmiquélic est un refuge prisé des amateurs de café-concert depuis des lustres. « C’est notre marque de fabrique. On veut que le client se sente à l’aise, un peu comme s’il était chez lui », décrit Maryka Le Floch. Avec son mari, la gérante fait tourner cette affaire depuis dix ans. Les soirs d’affluence, chez Mamm Kounifl, c’est « service au comptoir ». Les clients vont chercher leurs consommations. Il leur arrive aussi de rapporter leurs verres sur un plateau à l’heure de la seconde tournée, y compris en terrasse. Rien d’anormal pour le couple, qui accueille une clientèle hétéroclite et défend un esprit Pub. L’établissement a d’ailleurs été labellisé « Café de pays ».

« Contrôle musclé »

Ce 30 juin 2012, un contrôle inopiné de l’Urssaf va briser ce bel ordonnancement. « Je ne m’en suis toujours pas remise », raconte la gérante, encore sous le choc de l’intervention « musclée ». « Vers minuit trente, une cliente a rapporté un plateau. Elle est passée par le comptoir pour aller aux toilettes. C’est là que tout a basculé. Mon mari s’est fait plaquer contre la vitre par un homme. Une femme s’est jetée sur moi en me montrant une carte tricolore. C’est là que j’ai compris que c’était un contrôle de l’Urssaf. Ils m’ont dit que j’étais prise en flagrant délit de travail dissimulé. Ils considéraient que les clients se comportaient comme des serveurs ». Dans le bar, c’est la stupeur. La gérante conteste, invoquant simplement l’esprit de convivialité de son établissement. Choqué, le couple, sans nouvelles trois semaines après le contrôle, envisage même de porter plainte. Pour eux, de tels agissements ne peuvent être le fait que de faux agents.

L’affaire est classée sans suite par le parquet

Fin juillet, c’est la douche froide. Un courrier en recommandé leur enjoint de payer une amende de 7.900 € pour travail dissimulé, avec saisine du procureur de la République. La machine s’emballe. Fin novembre, la brigade de gendarmerie de Port-Louis leur signifie leur placement en garde à vue pour travail illicite. Finalement, au regard du rapport, « truffé d’anomalies » selon la gérante, la garde à vue se transforme en simple audition, à la demande du parquet de Lorient. Entre-temps, le couple a recueilli de nombreux témoignages de clients, accréditant leur version. Le 27 novembre 2012, le procureur de la République de Lorient décide de classer sans suite l’affaire, faute d’infraction caractérisée.

L’Urssaf réclame 9.000 €

Reste une procédure au civil. L’Urssaf réclame aujourd’hui (après pénalités) près de 9.000 € à la gérante. « C’est de l’acharnement. Nous n’avons commis aucune infraction », affirme le couple, défendu par une avocate du barreau de Lorient, qui considère « qu’il n’y a jamais eu de lien de subordination envers les clients visés par la procédure ».Contactée, l’Urssaf Bretagne n’a pas donné suite à nos sollicitations. Le dossier sera tranché par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vannes. La date de l’audience n’a pas encore été arrêtée.

Régis Nescop pour le Télégramme

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