Scandale ! L’impunité des banques

CECI N’EST PAS UNE HALLUCINATION !

La loi de finance 2014 est passée et l’article 60 qui prévoit l’amnistie des banques pour les emprunts toxiques a été finalement adoptée, après que les sénateurs l’aient rejeté une première fois.

(Avec à la clé une aide de 1,5 milliards d’euros (piochés dans nos impôts ?) accordée aux collectivités locales asphyxiées pour leur permettre de rembourser qui ? DEXIA et ses prêts pourris à l’origine de tous les problèmes.

Qu’est-ce qui disait, notre président ? Ah oui ! je me souviens… qu’il est « l’ennemi de la finance » et aussi : « Le changement c’est maintenant ! »

Crédit : les banques autorisées à mentir sur le taux effectif global (TEG)

INTERVIEW :  Ganaëlle Soussens, avocat au barreau de Paris, explique comment la loi de Finances 2014 va permettre aux banques d’éviter toute poursuite lorsqu’elles indiquent un TEG erroné.

A quoi sert le taux effectif global (TEG)?

Le TEG est une information que l’établissement prêteur doit donner à l’emprunteur. L’emprunteur est ainsi en mesure de connaître le coût réel de l’emprunt qu’il contracte. C’est aussi un élément de comparaison entre plusieurs offres de prêt. Cette information permet de comprendre qu’un taux nominal faible mais associé à de nombreux frais peut être moins intéressant qu’un taux nominal plus élevé mais sans frais associés comme les frais de dossier ou les frais de garanties. 

Quelle est actuellement la législation bancaire en vigueur en matière de TEG?

Aujourd’hui lorsque le TEG calculé par le banquier et mentionné dans le contrat de prêt est erroné ou omis, l’erreur ou l’omission est sanctionnée. La clause du contrat qui stipule le taux d’intérêt est ainsi frappée de nullité. Par conséquent le taux d’intérêt qui va s’appliquer depuis l’origine du prêt et jusqu’à son terme sera le taux de l’intérêt légal.

Que va changer la loi de finances 2014?

Le projet de loi de finances 2014 tend à modifier ce mécanisme pour les seuls prêts souscrits par des personnes morales, pour le moment…S’il est adopté en l’état, l’article 60 de la loi de finances 2014 viendrait valider a posteriori les contrats dans lesquels ne figurent tout simplement pas de TEG. Et, pour les contrats de prêt dont le TEG est erroné, la sanction serait considérablement diminuée. Il s’agit en fait d’une disposition consentie aux banques dans le cadre de l’article 60 qui prévoit une sécurisation c’est-à-dire une sortie honorable aux collectivités territoriales plombées par des emprunts toxiques. Ce qui va permettre de limiter les risque pour l’Etat et Dexia, la banque des collectivités locales en faillite, qui ne vit aujourd’hui que de l’argent public.

Et quel est l’intérêt pour les banques?

Si la loi de Finances 2014 est votée en l’état, les banques vont tout simplement jouir d’une impunité. Impunité pour le passé et blanc seing pour l’avenir. Les banques ne pourront plus être poursuivies si leurs contrats de prêt n’indiquent pas de TEG ou des TEG faux. Le gouvernement va ainsi accorder aux banques une véritable loi d’amnistie.

Quel va être l’impact pour les emprunteurs? 

Pour le moment le dispositif ne vise que les prêts souscrits par des personnes morales, c’est à dire tous les emprunteurs sauf les personnes physiques. Cette catégorie d’emprunteur va se trouver privée d’une information substantielle relative au coût du financement qui lui est accordé. C’est exactement ce qui est arrivé aux collectivités, comme Dexia, qui ont souscrit des emprunts toxiques. Le législateur valide la pratique et crée dans le même article de loi un fonds de soutien aux collectivités piégées.

A quoi peuvent s’attendre les particuliers?

Les particuliers risquent également de perdre le bénéfice des informations qu’apporte la connaissance du TEG. D’un côté la loi définit les modalités de calcul et précise ce qui doit être intégré dans ces calculs. De l’autre côté, le gouvernement prive la loi de cette substance en faisant disparaître la sanction du non respect de la loi, qui plus est de manière rétroactive.

Propos recueillis par Pierrick Pédel pour Challenges

POUR CEUX QUI VEULENT SAVOIR CE QUI S’EST DIT DANS L’HÉMICYCLE, EXTRAITS DU DÉBAT :

M. Gilles Carrez, Président de la commission des finances
Je saisis l’occasion de cet amendement pour dire deux ou trois mots de cet article, à l’égard duquel nous avons été nombreux à exprimer notre réticence. Nous estimons en effet – je parle notamment pour Charles de Courson qui ne pouvait être présent cet après-midi – que la question qu’il traite aurait dû l’être par négociation entre les prêteurs, c’est-à-dire les banques, et les collectivités emprunteuses. Mettre en place un fonds national, qui en appelle donc au contribuable national,…

M. Claude Goasguen Commission des Finances à l’Assemblée Nationale
Bien sûr !

M. Gilles Carrez
…au secours de banques qui ont proposé des produits qu’elles n’auraient pas dû proposer, ou au secours de collectivités qui ont emprunté en parfaite connaissance de cause, n’est pas acceptable.

Mes chers collègues, ces banques nous ont tous démarchés pour nous proposer des produits miracles permettant de faire baisser les frais financiers, voire de les annuler, avant les élections municipales de 2008 et avant les cantonales de 2011. Tout cela est parfaitement connu. Je ne veux pas parler des petites collectivités, car il existe un problème réel pour les toutes petites communes ; mais les autres – prenons, au hasard, le département de Seine-Saint-Denis – savaient parfaitement de quoi il s’agissait, et c’est en parfaite connaissance de cause qu’elles ont emprunté. Pour nous, qui combattons l’aléa moral – c’est toute la philosophie du texte sur la régulation bancaire –, il n’est pas normal de voler au secours de ceux qui ont eu des comportements peu responsables – et je mets dans le même panier le prêteur et l’emprunteur. Ce n’est pas de cette façon que l’on parviendra à responsabiliser les collectivités locales.

Qui plus est, le second volet de l’article organise une validation législative qui a pour effet d’interdire d’ester en justice et de former des contentieux. Or, si les collectivités territoriales, en contrepartie, bénéficient du fonds, l’interdiction, elle, vaut pour tous les emprunteurs. Cela signifie que des entreprises ou des hôpitaux qui ont emprunté se voient privés, par cette validation législative, du droit d’ester en justice sans pour autant bénéficier du fonds. Il y a là une rupture manifeste d’égalité, qu’il faudra plaider, car cet article n’est pas acceptable. Je suis heureux de dire ici que plusieurs de nos collègues de la commission des finances, parmi lesquels Karine Berger ou Valérie Rabault, ont soulevé ce problème immédiatement et ont proposé des amendements pour restreindre l’application de cette validation législative qui priverait d’un droit fondamental des emprunteurs ne bénéficiant pas de l’aide du fonds. Je tenais à le rappeler.

À mon sens, l’article 60 ne traite pas la question de la bonne manière. De plus, il comporte une très grave rupture d’égalité, s’agissant de la validation législative. Le Conseil constitutionnel ne pourra qu’examiner avec attention ce point, car interdire d’ester en justice est un acte très grave auquel il ne doit être fait recours que le plus rigoureusement possible.

Claude Goasguen.
C’est clairement anticonstitutionnel !

M. Christian Eckert  Rapporteur général.
Personne n’est dupe ici : certains passent leur temps à préparer leur recours au Conseil constitutionnel.

M. Claude Goasguen.
Mais oui ! Cela relève aussi du rôle des parlementaires !

M. Christian Eckert :
Je pense, monsieur le président de la commission, qu’il faut restituer les choses dans leur contexte, ce que je vais faire avec un peu de passion. Votre groupe politique n’a jamais traité ce problème. Jamais ! Qu’avez-vous fait sur les emprunts toxiques et l’affaire Dexia ? Premièrement, vous avez fait perdre quelques milliards à l’État ainsi qu’à la Caisse des dépôts et consignations.

M. Gilles Carrez,
Nous avons fait une mission !

M. Christian Eckert,
Vous avez fait une mission ? Très bien ! Mais vous avez aussi fait perdre quelques milliards à l’État.

M. Gilles Carrez
Qui a envoyé Dexia aux États-Unis ?

M. Christian Eckert
Deuxièmement, vous avez logé les emprunts toxiques dans une structure liée à la Caisse des dépôts et consignations, elle-même garantie par l’État. En cas de défaillance de la Société de financement local, la SFIL, qui reste possible, vous le savez comme moi, c’est donc l’État qui paiera les conséquences, évaluées par certains à quelque 15 milliards d’euros.

Je veux bien que l’on passe son temps à essayer de démolir des solutions certes imparfaites. Tout le monde sait bien que notre dispositif est imparfait, car s’il existe une solution parfaite, monsieur le président et ancien rapporteur général de la commission des finances, pourquoi le gouvernement précédent ne l’a-t-il pas mise en œuvre ? On a donc trouvé une solution, qui n’est pas parfaite et qui possède un certain nombre d’inconvénients, mais qui essaie de préserver l’intérêt de l’État – car c’est bien l’État qui sera appelé en dernier recours en cas d’effondrement de la SFIL, lequel a d’ailleurs failli se produire il y a quelque temps – ainsi que l’intérêt des collectivités territoriales, parmi lesquelles certaines ont probablement fauté quand d’autres ont été des victimes. Je ne suis pas Dieu, ni juge, pour faire le tri entre les victimes et les coupables : c’est pourquoi nous avons prévu un plafond d’accompagnement des collectivités, à hauteur de 45 %. M. Gorges, qui n’est pas un gauchiste de la première heure, a rendu un rapport dans lequel il fait le constat d’une responsabilité partagée entre les banques et les collectivités. C’est aussi pour cela que ce fonds a été construit de façon aussi paritaire que possible, équilibré entre un financement de l’État et une participation des banques, qui fournissent environ 50 % de son montant, par le biais d’une contribution exceptionnelle.

Je veux bien aussi entendre toutes les leçons du monde sur l’équilibre peut-être incertain de cet article, mais celui-ci apporte selon moi la moins mauvaise solution à un problème terriblement difficile, pour que les collectivités ne souffrent pas trop longtemps et que ce ne soit pas l’État, c’est-à-dire le contribuable, qui assume les errements du passé. Car c’est tout de même la majorité précédente qui, pendant dix ans, a eu la responsabilité de la conduite des affaires de Dexia !

Voilà ce que je tenais à vous dire, mes chers collègues, avec quelque passion car ce sujet nous a tous beaucoup mobilisés. Je rappelle qu’une validation législative doit procéder de l’intérêt général le plus large possible – j’essaie, moi aussi, de préparer la réponse au recours que vous vous apprêtez à faire au Conseil constitutionnel ! C’est la prise en compte de cet intérêt qui nous a conduits à faire porter sur les contrats anciens l’impossibilité d’ester sur le motif de l’absence de mention du taux effectif global, alors que les contrats futurs continueront à bénéficier des dispositions communes. Notre dispositif a quelques inconvénients, mais beaucoup de mérites face à la situation explosive que vous nous avez laissée.

M. Gilles Carrez
Je me suis efforcé de présenter la question de façon non polémique et strictement juridique. À aucun moment je n’ai prononcé le nom de Dexia. Je me suis borné à dire que je trouvais dangereux pour l’État de mettre le doigt dans un engrenage qui, à mes yeux, ne devrait relever que de l’exécution du contrat entre le prêteur et l’emprunteur. Je ne reviendrai pas sur les errements de Dexia, sauf pour rappeler qu’une des erreurs majeures, c’est l’aventure américaine, avec l’acquisition de Financial Security Assurance en 2000, nous nous en souvenons tous.
M. Lefebvre a abordé le cœur du sujet, et je vais lire le début de la deuxième partie de l’article 60 : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les contrats de prêt et les avenants à ces contrats conclus antérieurement à la publication de la présente loi entre un établissement de crédit et une personne morale, en tant que la validité de la stipulation d’intérêts serait contestée par le moyen tiré du défaut de mention du taux effectif global […] ».

Cela veut dire qu’un hôpital ou une entreprise qui a signé un contrat sans avoir préalablement été informé par fax du TEG ne pourra plus ester en justice, alors que la collectivité locale, elle, aura le droit de poursuivre au fond. C’est tout de même ennuyeux. Nous en avons débattu, monsieur le rapporteur général, sans aucun esprit polémique. Pour ma part, je n’avais pas vu le problème et je vous avais plutôt suivi sur ce sujet. Qui l’a vu ? Valérie Rabault et Karine Berger. Depuis, j’y ai réfléchi, j’ai reçu des courriers, rencontré des gens, et je me suis rendu compte qu’il y avait une difficulté. Nous sommes ici pour faire une loi qui tienne la route, c’est la mission du législateur. Or je constate qu’il y a rupture d’égalité dans cette affaire.

M. Claude Goasguen.
Vous savez aussi que, parmi les pouvoirs des parlementaires, il en est un qui est inaliénable : celui de saisir le Conseil constitutionnel – une législation récente l’a d’ailleurs étendu à d’autres personnes. Par conséquent, nous accuser de vouloir le saisir parce que nous sommes parlementaires, c’est surprenant. J’en ai entendu de belles, mais jamais celle-là.

Le président Carrez a souligné la faille de votre raisonnement : c’est la notion de personne morale. Le Conseil constitutionnel validera peut-être cet article, mais parler d’intérêt général quand on interdit d’ester en justice, cela ne tient pas.

Christian Eckert
C’est seulement une affaire de 15 milliards !

Claude Goasguen
Votre démarche est complètement anticonstitutionnelle, et ce n’est pas la faute des députés de l’opposition : c’est à cause de la rédaction du texte. Assumez-le, monsieur le rapporteur général, mais surtout ne vous énervez pas.

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Image à la une : Delize

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