Végétariens, avez-vous raison de manger du steak de soja ?

Pratique, le steak de soja séduit ceux qui veulent réduire leur consommation de viande. Mais attention ! Posez vos fourchettes, Terra eco l’a passé sur le gril.

« Un steak de soja ». Le mot lâché entre la poire et le dessert dominical a fait déglutir votre oncle Bernard, le sacré viandard. Le cousin Martin, flexitarien, n’en démord pas. Il ne souhaite pas tailler la bavette, il a ses raisons, et il est bien content de tâter du « similicarné ». D’ailleurs, il n’est pas le seul. Plus d’un Américain sur trois en aurait déjà consommé tandis que la demande explose en Allemagne. En France, le marché est naissant. « J’en mange parce que c’est bon et parce que c’est pratique. Je n’aime pas trop cuisiner donc je me fais souvent des plats végétariens tout faits et prêts en cinq minutes comme les steaks de soja, de céréales ou de seitan », témoigne Squoia, lectrice végétarienne à pseudo de Terra eco. Mais l’idée ne fait pas l’unanimité autour de votre table. « D’abord, tu sais comment ils sont fabriqués, ces steaks ? », demande Louise, votre promise.

Jean-Marc Lévêque, responsable développement durable de la société Triballat qui commercialise les produits Sojasun, nous l’explique. Le steak contient essentiellement des protéines de soja. Pour les obtenir, « le soja est d’abord pressé afin de le séparer de son huile, puis il est cuit à haute température pour le débarrasser de certaines de ses propriétés, enfin le tout est réhydraté puis mélangé à des légumes ». On obtient donc un produit, beaucoup plus transformé que le tofu par exemple. « Mais du coup, tu sais d’où il vient ce soja ? », enchaîne marraine Germaine. Chez Sojasun, il est entièrement produit en France et non OGM, assure Jean-Marc Lévêque.

OGM et acides gras toxiques

Ce n’est semble-t-il pas le cas de tous « les steaks végétaux ». En Allemagne, une étude du magazine Ökotest a montré que certains d’entre eux contenaient beaucoup d’additifs, et même du soja génétiquement modifié et des acides gras toxiques. Un travail mené aux États-Unis a également révélé des traces de produits nocifs.Attention donc à la provenance des produits, et gare aux étiquettes. Évitez notamment les produits contenant un très grand nombre d’additifs. Bernard rentre dans le lard : « Si ça tombe, c’est mauvais pour la santé ton truc ». Qu’en pensent les nutritionnistes ? « Il est bon de consommer des protéines végétales pour remplacer les protéines animales et le soja est un produit excellent dans cette catégorie. Mais les substituts n’ont souvent pas une composition idéale. Ils contiennent forcément un peu de gras et surtout ne se composent pratiquement que de protéines, alors que le tofu par exemple contient des fibres, des glucides, des lipides », décrypte Jean-Michel Lecerf, chef du service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille.

Protéine mon amour

En clair, le steak de soja vous donnera les protéines dont vous manquez, mais c’est tout. Si manger de la viande à tous les repas est une mauvaise idée, la « viande végétale » ne peut être votre pain quotidien. « On peut tout à fait manger ces produits s’ils apportent de la variété dans l’alimentation mais dire que la viande est mauvaise et que ces substituts sont bons est erroné », poursuit le nutritionniste. La nutritionniste Ariane Grumbach abonde : « On peut aimer les légumes, les légumineuses, les céréales, le tofu et manger bon et varié ainsi, pas besoin de transformer tout ça en simili-viande. Je préfère que l’on se tourne vers de vrais aliments plutôt que vers des substituts. »Même réponse du côté de l’association végétarienne de France : « Ces produits sont pratiques, notamment dans une période de transition vers le végétarisme. Si vous allez à un barbecue vous pouvez amener une saucisse végétale, si vous rentrez tard vous pouvez cuisiner rapidement un steak de soja. Mais ils ne sont absolument pas indispensables et comme tous les produits transformés on ne les conseille pas au quotidien », nous indique Aurélia Greff, chargée de la communication de l’association.

Impact carbone négatif

Le débat est proche de tourner en eau de boudin quand Cécile, l’aînée de la tablée, choisit d’intervenir : « J’en mangerai, de ton steak, si tu m’assures que c’est utile pour les générations futures. » Ce n’est pas du gâteau. Seuls de rares travaux se sont penchés sur l’analyse du cycle de vie du steak de soja.Le dernier en date, publié en août 2011 par le cabinet hollandais CE Delft [1], compare l’impact environnemental de plusieurs viandes avec leurs alternatives végétales. Côté pile : les similicarnés nuisent moins à la biodiversité, émettent moins de gaz à effet de serre et nécessitent moins de terres cultivables. Côté face : leur transformation et leur conservation demandent beaucoup d’énergie.

Des défauts que n’ont pas, là encore, les produits végétariens traditionnels. Ce que reconnait Florian Wild, consultant pour Like meat project, un projet européen de développement d’alternatives à la viande : « Si l’on analyse le cycle de vie des produits, ce sont les produits peu transformés, comme par exemple les falafels (à base de lentilles et pois chiches, ndlr) qui sont les meilleurs. Plus vous essayez d’obtenir des protéines concentrées et de vous rapprocher de la texture et de l’apport nutritif de la viande, plus vous utilisez d’eau, de terres arables et d’énergie. »

Ainsi, une autre étude menée sur les alternatives végétales en 2009 pour la revue Food Research International [2] estimait que l’utilisation de ces substituts était moins efficace au niveau environnemental que de réduire la distance parcourue entre le supermarché et le domicile du consommateur ou que d’améliorer l’efficacité de la production. Avant de conclure : « Remplacer des protéines animales par des protéines végétales dans votre alimentation est probablement bon pour l’environnement, à condition de ne pas consommer trop de produits transportés par avion, hautement transformés et emballés. » Pas de bol, le steak de soja a donc plus d’intérêt s’il remplace de la viande qu’un aliment végétal non transformé. En clair, il a plus d’intérêt au niveau environnemental dans le ventre d’un omnivore comme Bernard que dans celui de Martin. Mais c’est bien le second qui en déguste. L’histoire ne dit pas si Cécile, elle, en tâtera. Et vous ?

[1] Life Cycle Impacts of Protein-rich Foods for Superwijzer

[2] Environmental impact of four meals with different protein sources : Case studies in Spain and Sweden

SOURCE : Terra eco

Commentaires sont clos