ANALYSE : A PROPOS DE LA SYRIE ET AUTRES CONFLITS

Les guerres ne sont jamais de religion

Quand on fait le compte, il apparaît qu’en définitive le nombre d’années durant lequel l’Europe s’est trouvée engagée dans des guerres dépasse celui passé en paix. Et à y regarder de plus près, on s’apercevra aussi d’une chose : la plupart ont été conduites au nom de la religion. Cela signifie-t-il pour autant que la religion est cause de tous nos maux ?

Pas si sûr, car en réalité les guerres du passé n’ont toujours eu qu’un seul et même but : l’argent et le pouvoir. Le pouvoir conféré par l’argent, l’argent qui conduit au pouvoir, l’argent qui vient du pouvoir et qui va au pouvoir… Il existe d’ailleurs une relation étrange entre le pouvoir et l’argent : comme une sorte de cercle vicieux (ou vertueux dirons certains), l’un conduit à l’autre qui conduit à l’autre… Jusqu’au délire totalitaire : le désir de « toujours plus » de pouvoir et de richesse est le rêve absolu de tout tyran en devenir.

C’est cet appétit du pouvoir et de la richesse qui conduit nos dirigeants dans leurs actions bien plus que leur morale ou leur idéologie (ils font bien du commerce avec leurs « ennemis »), comme autrefois nos rois ou nos pharaons ne se croyaient pas réellement « de droit divin », pas plus sans doute que nos papes ne se croyaient eux-mêmes portés par la Providence divine : gouverner c’est prévoir – et à ce jour personne ne semble en mesure de certifier avoir été directement dirigé par la main de Dieu (les échecs de nos civilisations successives sont là pour le prouver, et les imputer à Dieu serait faire offense à Sa perfection !).

Non, tous ces hommes ne font que de la politique : car s’ils faisaient de la religion, ils ne rechercheraient ni richesse, ni pouvoir…

Et c’est à force de corruption (pour « arriver » ou pour se faire élire) que nos gouvernants entraînent peu à peu leurs peuples dans la misère et établissent « inconsciemment » les conditions d’une crise financière telle que chaque génération semble devoir en connaître.

Pour ne pas que le peuple se retourne contre un gouvernement allié aux riches (pour l’instant…), ils protègent leurs mensonges par d’autres mensonges plus gros, leurs vols par d’autres vols plus grands encore… jusqu’à ce que les caisses soient vides, et le ventre de leurs administrés aussi.

C’est à ce moment que la crise survient chaque fois, quand les pauvres finissent par s’apercevoir de la supercherie. Les tensions augmentent d’abord nationalement, par l’intermédiaire de la stigmatisation de quelques minorités sociales (les roms, les musulmans…) qui sont souvent pauvres et mal intégrées car souvent d’origine étrangère. C’est que l’étranger possède pour un gouvernement cet intérêt d’être faiblement représenté, et de coutumes ou de culture différentes, mal connues et par conséquent souvent mal acceptées : il est bien plus facile de rassembler contre « eux », et de leur taper dessus « ensemble ».

Et la religion est bien souvent le point d’accroche par lequel un gouvernement rassemble pêle-mêle ceux qui deviendront bientôt des boucs-émissaires, car elle permet de « ratisser large » ; et tandis que les grandes religions font les grands conflits, les divisions au sein d’une même religion font les guerres civiles.

Dans un état de crise économique, si les gouvernements ne veulent pas voir leur domination affaiblie, ils se doivent de créer les conditions d’un conflit susceptible de les conduire soit au maintien de leur position, soit à rechercher des débouchés économiques « ailleurs »…

Mais le problème d’aujourd’hui, c’est que le monde est si « interconnecté » que la colonisation ou l’invasion ne sont plus aussi simples qu’auparavant : la raréfaction des ressources disponibles et l’état économique de la plupart des « grands » pays obligent aujourd’hui à la prudence car tous sont également intéressés par ces nouveaux « débouchés ». Et le jeu des alliances constitué par une pyramide d’intérêts cumulés rend possible une réaction en chaîne à partir d’une « petite » étincelle, comme la Syrie pourrait en être l’exemple…

On le voit ces derniers temps d’ailleurs : prêts il y a quelques jours à peine à frapper « sans preuve » (quand on sait ce qu’elles valent mais c’est un autre sujet), et surtout sans véritable appui de la part de l’opinion publique (n’a-t-elle pas du mal à digérer le fait qu’on lui refuse toute amélioration de sa condition quand on s’apprête à dépenser des millions pour une guerre dont on ne connaît ni les gentils ni les méchants ?), nos bons soldats de l’ingérence humanitaire (qu’elle soit légitime ou pas) ont rapidement fait marche arrière… auraient-ils reçu quelque menace sérieuse leur intimant de ne pas y aller, ou du moins pas tout de suite ? En tous les cas, il apparaît que les rapports de force ne sont plus aussi favorables aux « occidentaux » qu’ils l’étaient il y a peu… seront-ils contraints de s’y lancer malgré tout, et l’opinion publique se laissera-t-elle encore berner une fois de plus par des prétextes fallacieux tels que la défense des droits de l’homme, la religion et toutes ces autres valeurs sur lesquelles nos gouvernements se sont assis depuis des siècles ?

Pas facile de le savoir aujourd’hui, mais une chose est sûre cependant : internet est la clé, le nœud de toute cette affaire : comme on l’a vu récemment avec les lanceurs d’alerte comme Snowden ou Assange, ou la déclassification « forcée » de certains documents attestant de la duplicité du gouvernement des Etats-Unis, internet est en même temps le moyen de propagande destiné à conduire le peuple vers la guerre et celui capable de l’empêcher par la dénonciation publique les mensonges et les tromperies de nos gouvernants.

La fin de l’internet libre signera le début de nos malheurs et celui du retour de la guerre… non pas pour un Dieu ni même pour une idée, mais bien pour le pouvoir et la richesse de quelques uns : ils préféreront l’injustice, ou le chaos.

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.

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