Les lunettes des Français : beaucoup trop chères

C’est le serpent de mer… On en parle depuis des années, mais il ne se passe rien…

Alors que 2 français sur 3 portent des lunettes et que c’est incontournable, et que, là encore ce sont les plus pauvres qui subissent, voici l’analyse et les propositions de la cours des comptes…

Lisez bien la conclusion de l’article qui donne une idée de la direction sournoise que prend notre couverture sociale : un glissement vers la mutualisation…

Un marché « peu concurrentiel, opaque et cher »

Dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale, publié mardi 17 septembre, la Cour des comptes critique sévèrement le fonctionnement du marché des lunettes et des prothèses auditives. Alors que les dépenses pour ces appareils ont augmenté de 69 % entre 2000 et 2011, elle estime que l’Assurance-maladie se désintéresse à tort de la régulation de leurs tarifs.

Des prix trop élevés

Le prix payé par les Français est « plus de deux fois supérieur à la moyenne des quatre grands pays voisins », calcule la Cour. En cause : « des critères de détermination des prix opaques, une comparaison des prix très malaisée et une concurrence entre les principaux producteurs limitée ». Les magistrats plaident pour le développement des achats sur Internet et en grande surface, marginaux en France alors qu’ils ont fait baisser les prix à l’étranger.

Les marges des opticiens sont trop élevées aux yeux de la Cour qui note : « Au total, pour une paire de lunettes, la marge brute moyenne serait supérieure à 300 euros, mais pourrait excéder 600 euros pour une monture de créateur avec verres progressifs à options. »

La pratique de « l’ajustement », qui pousse les opticiens à proposer les paires de lunettes au prix maximum couvert par leur complémentaire, revient in fine à faire payer les assurés, par l’intermédiaire de leurs cotisations, remarque-t-elle. « L’équilibre économique d’un point de vente serait ainsi atteint par la vente de deux à trois paires de lunettes par jour ouvré en moyenne », note le rapport, qui relève l’explosion du nombre d’opticiens, passé de 10 000 en 2000 à 23 675 en 2011, soit 5 000 de plus qu’au none Royaume-Uni avec une population équivalente. Des dérives également observées sur le marché des prothèses auditives.

Un « échec » de la « Sécu »

La Cour rappelle que l’Assurance-maladie s’est largement désengagée des lunettes et des prothèses auditives, leur taux de remboursement étant compris entre 2 % et 8 % du prix payé par les adultes, soit 9,20 euros pour la classe de lunettes la plus vendue. Cette « quasi-disparition de l’Assurance-maladie obligatoire (…) signe un grave échec au regard des principes mêmes qui la fondent [égalité et solidarité]« , étrille la Cour, qui s’inquiète que la CNAM se désintéresse complètement de la régulation de ce marché. Seul satisfecit : les bénéficiaires de la CMU sont bien remboursés s’ils s’en tiennent aux paires de lunettes de base.

Les mutuelles « payeurs aveugles »

Les complémentaires santé, si elles remboursent globalement de mieux en mieux les lunettes, ont des pratiques très « hétérogènes ». « Certains assurés qui bénéficient de contrats haut de gamme, collectifs ou individuels, sont remboursés intégralement tandis que d’autres ne bénéficient que d’une prise en charge complémentaire faible, voire parfois nulle », rappelle le rapport. Des complémentaires qui remboursent sans contrôler ce marché opaque.

Une hausse des dépenses d’optique…

– De 200 à 2011, les dépenses sont passées de 3,9 à 5,3 milliards d’euros

– Payées en grande majorité par les mutuelles

– Pour le plus grand profit des opticiens qui ont augmenté de : 10 000 en 2000 à 23,7 milliers,

Et le meilleur…(ndlr)

Désengager totalement la sécu ?

Pour faire baisser les prix et faire le ménage dans le secteur, la Cour estime nécessaire de donner davantage de pouvoirs à ces complémentaires. Celles-ci devraient notamment peser sur les tarifs en développant des réseaux de soin avec les opticiens qui acceptent de limiter leur prix en échange d’un meilleur remboursement des assurés qui s’y rendent. Les mutuelles devraient par ailleurs avoir accès aux données de la CNAM pour un véritable contrôle.

Et la Cour d’entrer sur un terrain sensible : vu le désengagement de la « Sécu » et le souhait du gouvernement de généraliser l’accès à une mutuelle, elle estime envisageable que l’Assurance-maladie cesse totalement de rembourser lunettes et prothèse auditives et de cesser le « jeu de renvoi de responsabilités » actuel entre la « Sécu » et les complémentaires sur les dérives du marché des lunettes en France. Cela permettrait une économie de 200 millions d’euros, bien peu comparé aux 8 milliards d’euros de déficit de l’Assurance-maladie.

Une telle perspective n’effraie pas les mutuelles. « Tant que nous n’aurons pas de couverture santé complémentaire complète, tant que nous n’aurons pas régulé les prix de l’optique pour permettre l’accès aux soins, le désengagement de l’Assurance-maladie serait prématuré », a cependant réagi Etienne Caniard, le président de la Mutualité française, auprès de l’AFP, ne voulant pas brûler les étapes. Dans sa réponse à la Cour, l’Assurance-maladie ne se montre logiquement pas favorable à un désengagement, estimant jouer un « rôle de régulation » nécessaire.

« On peut toujours essayer », lâche Philippe Gaertner, président du Centre national des professions de santé, qui s’énerve toutefois de la tendance à considérer la santé comme un secteur « purement économique ». « Mais il faudra bienimposer aux complémentaires un panier de soins minimum à rembourser. L’État devra donc surveiller de près », prévient-il. La question de la régulation resterait par conséquent entière.

Jean-Baptiste Chastand

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