Le gouvernement clot le bec des oies du Capitole*

Des « lanceurs d’alerte » évincés de la conférence gouvernementale sur l’environnement

Elles se disent « scandalisées et stupéfaites » : connues pour leur rôle de lanceur d’alerte sur les questions de santé liées à l’état de l’environnement, les associations du collectif Rassemblement pour la planète poussent un cri de colère. Elles viennent de découvrir in extremis qu’elles ne figuraient pas dans la liste des organisations invitées à la deuxième conférence environnementale, les 20 et 21 septembre.

Seuls les membres de droit du Conseil national de la transition écologique (CNTE) pourront participer aux tables rondes de la Conférence environnementale. Or, le collectif Rassemblement pour la planète ne siège pas dans cette instance. « Nous avons participé à la préparation de cette rencontre et du Conseil national de la transition écologique pendant des mois, siégeant régulièrement au comité ad hoc jusqu’en juillet, et personne n’a seulement pris la peine de nous prévenir que nous étions brusquement évincés ! », s’étrangle Nadir Saïfi, d’Ecologie sans frontière, une association qui milite notamment contre la pollution de l’air et avait déjà œuvré en faveur de la tenue du Grenelle de l’environnement.

A ses côtés, Rassemblement pour la planète réunit Générations futures (qui mène des études sur les atteintes liées aux pesticides et autres perturbateurs endocriniens), le Réseau environnement-santé (en pointe sur le bisphénol A, entre autres) Respire (pollution atmosphérique), Robin des toits (ondes électromagnétiques), Sea Shepherd (défense de la biodiversité marine) : des organisations qui comptent peu de militants, mais des experts reconnus.

« IL FAUT ÉCOUTER LES PETITES VOIX ! »

D’un trait de plume malencontreux, le gouvernement vient de donner l’impression que le volet épineux de l’interaction santé-environnement n’était pas au centre des problématiques écologiques. En biffant le nom de Rassemblement pour la planète de ses cartons d’invitation le 6 septembre et en cédant la place que celui-ci occupait lors de la première édition de la Conférence environnementale à l’ONG Surf groupe rider il n’ouvre pas la rencontre sous les meilleurs augures. « Nos organisations ne sont pas dociles, insiste Nadir Saïfi. Rappelons que chacune d’entre elles vient de gagner, ou bien est impliquée, dans un procès récent sur des questions de santé soit contre l’Etat, soit contre des lobbys. »

Au ministère, on défend les « critères objectifs » légaux définis sous le gouvernement précédent, selon lesquels, pour intégrer le CNTE dans sa composition actuelle, une association doit compter au moins 2 000 adhérents, être présente dans six régions, compter au moins cinq ans d’âge, etc.

Les membres siégeant au Conseil – notamment huit organisations environnementales, comme France nature environnement et la Ligue pour protection des oiseaux, plus orientées vers la protection de la nature, ainsi que la Fondation Nicolas Hulot – en ont exprimé l’exigence, en toute transparence, rapporte le ministère. Et ce n’est pas parce qu’elles ne pourront pas y participer que les petites associations ne seront jamais entendues sur les questions d’environnement de façon « informelle ».

« ÉCARTER LES SUJETS QUI FÂCHENT »

C’est peu dire que ces dernières ont mal pris cet éloignement du cœur des débats. Elles menacent de déposer un recours devant la justice. Leur coup de colère a suscité la sympathie de plusieurs élus venus en renfort, notamment de quatre anciens ministres chargés de l’écologie, les députés européens, Corinne Lepage(Cap 21) et Yves Cochet (EELV), la sénatrice Chantal Jouanno (UDI) et la députée Delphine Batho (PS). « Nous avons voté une loi de protection des lanceurs d’alerte, faisons-en appliquer les principes, il faut écouter les petites voix ! », estime Chantal Jouanno.

Tandis que Corinne Lepage s’interroge sur ce fameux article de 2011 sur la représentativité des associations environnementales qui permet « d’écarter du débat public les sujets qui gênent, au profit des lobbys de plus en plus présents à Bruxelles et au parlement européen ».

« Au chapitre de l’écologie, les problèmes de santé constituent la préoccupation numéro un des Français », rappelle Delphine Batho. Refusant d’opposer une association à une autre, elle glisse que « Philippe Martin aura sûrement à cœur de résoudre le problème rapidement, ce serait trop injuste sinon ».

Profitant de sa mésaventure pour donner de l’écho à ses revendications, le collectif d’associations a réclamé une nouvelle fois la tenue de rencontres nationales exclusivement consacrées aux interactions santé-environnement en 2014. Amiante, bisphénol A, pesticides, substances chimiques et perturbateurs endocriniens multiples, pollution atmosphérique, ondes électromagnétiques : il y a de quoi faire. On ne peut, explique-t-il, aborder les défis écologiques – réchauffement climatique, épuisement des ressources-naturelles et déclin de la biodiversité –, en éludant la crise sanitaire. Celle-ci doit donc s’inviter de façon transversale aux cinq tables rondes de la deuxième conférence : l’économie circulaire, les emplois et la transition écologique, la politique de l’eau, la biodiversité marine, la mer et les océans, l’éducation à l’environnement et au développement durable.
Martine Valo

SOURCE : lemonde/planète.fr

*Selon la légende, les oies sacrées du Capitole consacrées à la déesse Junon, auraient donné l’alerte, sauvant la ville d’une invasion gauloise menée par Brennus (IVème siècle av JC)

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