RÉAGIR : MANIFESTE DES TERRES NOURRICIERES EN PARTAGE

Dans le Monde, 850 millions d’individus souffrent de malnutrition ou de faim, et près de 2 milliards sont obèses. En France, il faut 3€50 au minimum par jour pour manger équilibré.
En Europe, 83 % des aides agricoles sont versées aux 15 %d’agriculteurs les plus productivistes. Une trentaine de milliards d’euros sont ainsi versés par le contribuable français au système agro industriel.

MANIFESTE DES TERRES NOURRICIÈRES EN PARTAGE

Notre environnement alimentaire est menacé. Au Nord comme au Sud, des logiques souvent dictées par des intérêts financiers privés, la croissance du mode de vie urbain, ont pour effet de diminuer la biodiversité alimentaire, de standardiser les goûts, de rompre la chaîne des savoir-faire culinaires entre les générations, de perdre ou de confisquer les connaissances acquises avec le temps.

Un processus aux conséquences parfois irréversibles affecte « l’état des possibles » et limite déjà les capacités des populations locales à choisir et agir. Au Nord comme au Sud, les plus fragiles sont les premiers concernés par les « impasses alimentaires » : perte d’autonomie dans les choix de culture, mauvaise qualité nutritionnelle, absences de repères sur la traçabilité, dépendance aux dispositifs d’aide alimentaire, quand ceux-ci existent…

Dans les pays en conflit ou en tension, la question de l’autonomie alimentaire constitue plus que jamais un enjeu majeur.Les crises politiques éloignent la perspective d’un Monde sans faim.
Les problèmes environnementaux exacerbent les tensions alimentaires. Pollutions, érosion des sols et changements climatiques sont les nouveaux paramètres d’un casse-tête paysan dont on perçoit difficilement, à l’échelle locale, la
possibilité de casser l’engrenage.

Ces situations s’ajoutent à la pression foncière sur les terres fertiles, à un offre semencière monopolisée qui acculent depuis plusieurs années le monde paysan, gravement affecté par ces évolutions.

Nous pouvons agir

Face à cet environnement critique, de multiples initiatives sont engagées, là-bas comme ici :

Organisation de jardins vivriers collectifs pour la souveraineté alimentaire des habitants les plus pauvres des grandes villes ;

Mise en place de circuits originaux de distribution de productions, tels que les AMAP, les Jardins de Cocagne, et autres formes d’organisations citoyennes axées sur une production locale, biologique et solidaire ;

Conservatoires de variétés menacées et d’échange de semences dans la logique des résistances aux lobbies agroalimentaires, telles que l’incarne Vandana Shiva en Inde sur la question du riz ;

Organisation de coopératives locales ou de micro-crédits encourageant une commercialisation des producteurs aux consommateurs du Sud et le maintien
d’exploitations à taille humaine ;

Jardins collectifs ouverts au partage des productions ;

Ateliers, « du jardin à la table », d’éducation à la diversité alimentaire et de transfert des savoirs ;

Mise en place de réseaux d’approvisionnement de cantines scolaires, privilégiant les productions locales de qualité.

Les jardins urbains de Caracas

Au Venezuela, à l’initiative du gouvernement,de la Fao et surtout grâce à l’implication de la population locale, 4000 micro jardins ont été créés dans les quartier pauvres de Caracas, ainsi que 20 coopératives urbaines ou périphériques, aux fins de combattre la pauvreté et la dépendance à l’égard des aliments importés. Dans les quartiers les plus déshérités, les marchés sont peu accessibles et les produits très onéreux. Les plus démunis sont donc encouragés à produire par eux mêmes ce qu’ils vont consommer, grâce à des modes de cultures simples, dans de petits bacs installés sur les terrasses des habitations. Cette forme de micro agriculture est enseignée aux
plus jeunes, à qui l’on transmet l’habitude de consommer régulièrement des légumes. Jardins de cocagne, AMAP et adhérents consommateurs

Précurseur en France, le premier Jardin de Cocagne voyait le jour et lançait une campagne de souscription auprès de femmes et d’hommes, les invitant ainsi à prendre part au projet de l’association, dont la principale vocation est d’insérer des personnes en difficulté. L’idée du panier et de l’abonnement était lancée… Un
nouveau courant de citoyens naissait, composé de personnes souhaitant consommer autrement, soucieuses de qualité, de proximité, de solidarité. Depuis lors, au sein de plus de 80 jardins, ce sont quelque 13 000 foyers qui ont pris part à cette dynamique, développant dans de nombreuses régions, et au-delà du simple abonnement, des modes d’organisation collective nouveaux, à travers des actions de
différentes natures, sur le plan culturel, social, environnemental.

Le principe des AMAP qui se développe à grande vitesse en France depuis 2001 est né
dans les années 60 au Japon face à l’insécurité alimentaire : où trouver une nourriture saine et de proximité ? Un partenariat naît alors entre plusieurs dizaines de familles et une ferme. Le concept concerne aujourd’hui 30 % des foyers nippons et plus de 12 % d’entre elles au Québec. Vandana Shiva sauve 1500 variétés de riz

La ferme pédagogique de la lauréate du prix Nobel alternatif a permis de préserver des variétés adaptées à tout type de contexte naturel. En Inde, avant la révolution verte, on en comptait plus de 30 000… Pour Vandana Shiva, « aucune entreprise ne
pourra jamais reproduire l’incroyable diversité des variétés de riz qu’a engendrée une étroite collaboration entre la nature et les paysansdepuis des millénaires. Certaines variétés, par exemple, atteignent plus de 5 mètres de longueur pour mieux survivre aux inondations, tandis que d’autres résistent à la sécheresse ou aux conditions salines ou encore possèdent une saveur ou des propriétés curatives uniques. Cette diversité, ainsi que le vaste bagage technique et culturel qui la favorise,sont la véritable pierre angulaire de tout système susceptible d’assurer la santé etla sécurité alimentaire des générations à venir.
Nous devons lutter pour que le riz reste un aliment libre, dans toute sa diversité. La
liberté de millions d’agriculteurs du tiers monde en dépend ». Extrait de « The Ecologist »

 

Une autre façon de penser l’avenir…

A ces initiatives s’ajoutent celles de véritables mouvements de prise de conscience tels que « Slow food », ou de nouveaux questionnements des modes
d’aménagement du territoire, autour de la notion « d’agriculture urbaine » .

Elles sont connexes à certaine luttes,

– pour une agriculture paysanne dont les acteurs sont les premiers touchés par la précarité, contre la « malbouffe »,

– contre la pression des lobbies industriels qui confisquent l’usage de plantes par leurs brevets, ou de décisions bureaucratiques non justifiées (telles que la remise en cause de l’usage de l’ortie comme fortifiant),

– mais aussi pour plus de transparence des filières et le respect des temps d’apprentissage, comme l’illustre la controverse des OGM : quelle étude des
risques ? quel contrôle ? A qui l’innovation profitet-elle ?
L’agriculture urbaine,
composante essentielle des villes du Nord comme celles du Sud.
L’agriculture urbaine est la production de végétaux (comestibles ou non) et l’élevage
d’animaux, à l’intérieur d’une ville ou d’un quartier avoisinant une ville. Elle recouvre une réalité aussi ancienne que la ville elle-même. Malgré l’apparence contradictoire des deux mots qui la composent, l’expression « agriculture urbaine » n’exprime rien de nouveau en tant qu’activité urbaine de base. Bien souvent les fouilles et les photos aériennes de sites archéologiques nous révèlent que d’anciennes civilisations ont construit des ouvrages terrestres et aquatiques imposants et ingénieux dans des établissements urbains de premier plan, ou à leur proximité ( …)

Aujourd’hui, l’intérêt de l’agriculture urbaine ne peut plus être mis en cause. La sécurité de l’approvisionnement alimentaire urbain n’est plus tenue pour acquise. Les récents événements politiques montrent que le redéploiement des activités agricoles comme à Antananarivo et dans d’autres villes (Mexico, Cuba), ont permis à sa population de survivre.

Par ailleurs le coût du transport et les pollutions qu’il entraîne plaident pour un
rapprochement entre la production et les consommateurs

Les plantes d’un pays sont à considérer dans la perspective de ce développement mondial de l’agriculture urbaine, composante prometteuse d’un nouvel urbanisme paysager, qui acquiert ses lettres de noblesse par son rôle multi fonctionnel : culturel,
patrimonial, social (en particulier en terme de santé publique), environnemental, économique (horticulture, produits agricoles, artisanat associé à la ressource plante, tourisme et écotourisme…).

Le paysagement d’une ville ne peut dorénavant sefaire qu’en pensant conjointement paysage (visuel, mais aussisonore et olfactif…), produits (touristiques compris) et agriculture vivrière. L’explicitation des différentes fonctions de l’agriculture
urbaine est un enjeu important pour mieux anticiper et raisonner
la croissance des villes.
Outre ses implications économiques, l’agriculture urbaine permet une exploitation souple et mobile du sol. Cela entraîne un renouvellement des règles juridiques et des modes de gouvernance accompagné de démarches participatives indispensables.(…)
Les délaissés dans la ville, peuvent donc être reconquis au bénéfice d’un maraîchage urbain susceptibles de pallier, en première étape, des préoccupations de lutte contre la faim et d’apport nutritionnel équilibré. Cette stratégie d’appropriation agricole d’espaces abandonnés et de décharges offre un cadre de vie esthétique et redonne de la valeur au foncier. Des villes comme New York, Hong Kong, Paris, Bordeaux, Nantes, ont su mettre en place ce type de développement d’agriculture urbaine sur les délaissés et sur les terrasses. (Françoise Lenoble-Prédine – Les végétaux,éléments identitaires et structurants de la ville)

Les terres nourricières de proximité: un enjeu sociétal, des droits à défendre

Les initiatives de production alimentaire locale constituent des réponses de premier plan à d’importantes questions de société : l’autonomie des plus pauvres face à l’alimentation ; la prévention des problèmes endémiques de santé publique ; la possibilité pour tous de bénéficier des savoirs constitutifs du patrimoine de notre humanité ; la responsabilisation écologique et sociale face à la production vivrière et à
nos actes de consommation alimentaire…

Ces initiatives rejoignent entièrement la dynamique du lien social défendu au sein des « jardins partagés ».
Car il s’agit aussi de métisser les pratiques vivrières et les traditions culinaires, de les conjuguer comme une langue vivante, prétexte aux échanges et aux retrouvailles avec les autres, avec soi-même.

Leur intérêt se manifeste au croisement de plusieurs volontés :

1. L’équité sociale, grâce à l’accès à une alimentation diversifiée et de qualité

– Créer des lieux de production permettant l’autosuffisance alimentaire et l’apprentissage de la santéalimentaire et prioritairement destinés aux personnes fragiles  ;

– Développer l’estime de soi en participant soi-même
à la satisfaction des besoins du foyer ;- Promouvoir la citoyenneté dans l’acte de consommation, et une économie domestique maîtrisée ;

– Lutter contre la peur et le rejet de la nouveauté

2. La diversité biologique, la diversité des saveurs par une offre alimentaire respectueuse des ressources et des écosystèmes

– Maintenir l’état des possibles, par la conservation de la biodiversité des variétés et des espèces ;

– Associer la nature aux rituels des pratiques culinaires ;

– Privilégier les circuits courts et la sobriété des flux consommateurs de ressources ;

– Recourir aux modes de production biologiques ;

– Respecter les seuils de prélèvement de la ressource.

3. Une économie accessible à tous, attachée au territoire.

– Créer des opportunités d’activités à des personnes en situation difficile ;
– Contribuer à dynamiser l’économie locale, monétaire ou non ;
– Favoriser l’équité des échanges et l’autonomie économique des populations locales face à la réponse à leurs besoins vitaux ;
– Développer l’égalité des chances entre les hommes et les femmes dans l’économie domestique.

Considérant, pour ces raisons que la possibilité d’assurer localement l’alimentation des populations constitue un service d’intérêt majeur, les signataires du « Manifeste des terres nourricières en partage » appellent à promouvoir :
– le droit, pour toutes les communautés locales, à la souveraineté alimentaire par leur capacité à produire dans leur territoire proche;
– le droit d’accès à la diversité alimentaire, comme gage de qualité, d’indépendance, et d’exercice de la citoyenneté par l’acte de consommation ;
– le droit de maintenir la fonction nourricière des terres fertiles face à d’autres fonctions irréversibles.

Les signataires encouragent toutes les initiativesde production et d’autoproduction allant dans ce sens et les considèrent comme des manifestations concrètes d’un développement soutenable et désirable pour nos communautés.

POUR LE MANIFESTE COMPLET :http://jardins-partages.org/terresnp_files/TNPNov07.pdf

ACCUEIL DU SITE : http://jardins-partages.org/spip.php?page=terresnp

POUR TOUT RENSEIGNEMENT ET DEMANDE D’AIDE POUR LA MISE EN PLACE D’UN PROJET :

Dominique Hays
28, rue de Moyecques
62 250 Landrethun le Nord
+33 (0)6 64 53 12 45
dhays@chenelet.org

QUI CONTACTER PAR REGION :

http://jardins-partages.o/spip.php?page=quicontacter

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