Exemple à suivre: Carcasonne, du blé bio pour reconquérir les friches

«Le climat politique n’est pas assez favorable en France pour le marché des OGM. Je peux vous dire que notre politique actuelle n’est pas de se battre là-dessus», affirmait Yann Fichet, chargé de communication chez Monsanto, en avril dernier, au lendemain de «l’inspection citoyenne» des militants anti-OGM sur le site de Trèbes («La Dépêche du midi» du 17 avril). Alors exit les OGM? Pas si sûr… Le moratoire français qui interdit la culture du maïs transgénique pourrait bien être levé par le Conseil d’État. D’autres gros concurrents de la firme américaine sont aussi sur les rangs : Vilmagrain vient de s’associer avec l’allemand KWS pour développer ses propres semences maïs OGM. Dans ce contexte, les défenseurs de l’agriculture paysanne et bio locale voient avec beaucoup d’inquiétude les projets économiques de Monsanto dans l’Aude, via le développement de sa filière semencière .

Contrer l’agrochimie

C’est la lettre rédigée par l’Union des semenciers audois et cosignée par le président de la chambre d’agriculture qui les a alertés. Lors de la dernière session de la chambre, l’assemblée a donné son feu vert à Philippe Vergnes pour qu’il cosigne ce courrier destiné au préfet de l’Aude. But de la manœuvre : demander au représentant de l’État son appui pour l’extension du géant américain d’agrochimie à Trèbes, à l’heure où «l’offre de contractualisation» entre les agriculteurs semenciers du département et Monsanto s’étoffe. Et à une époque où cette offre ne peut qu’être croissante, en raison des 15 000 ha de friches viticoles («La Dépêche du Midi» du 29 juin). Jean-Jacques Mathieu et Yann Bertin défendent une alternative : la culture du blé bio en rotation avec le sainfouin, la luzerne ou les féveroles (notre édition du 6 mai dernier). Non seulement ces fourrages permettent de nourrir des troupeaux, mais rechargent aussi la terre en azote, indispensable pour le blé. Basés à Tréziers pour le premier, et le Minervois pour le second, ces deux paysans céréaliers bio (dont un militant de la Confédération paysanne, Jean-Jacques Mathieu) travaillent depuis douze ans avec le Biocivam et l’Inra sur ce programme de réintroduction d’une culture millénaire dans la région. Mission réussie comme on a pu le vérifier sur le terrain,il y a une semaine.

Pour Florence Robert, vice-présidente de l’Adear, cette alternative agroécologique est porteuse. Outre la production de blé et donc de farine ou de pâtes locales, et les fourrages destinés aux éleveurs, le maintien et la réintroduction des troupeaux venant pâturer sont l’un des autres enjeux de la formule. «Il y a de la demande pour des circuits courts, des productions bio locales, des demandes d’installation aussi. Et aussi pour la restauration collective en bio. Mais pour le moment, il n’y a pas de réelle volonté politique», déplore Jean-Jacques Mathieu.

Le Biocivam, la Confédération paysanne et l’Adear ferraillent pour faire entendre la voix du blé bio comme alternative agroécologique dans les friches viticoles audoises.

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Peyriac-minervois : 1er canton bio de france

«L’Aude peut être un modèle pour la gestion des friches», appuie Yann Bertin . Et de fait, à Azille, là où la vigne a été arrachée, il faut voir ces hauts blés tendres onduler et chanter dans le vent. «Ici, quand on a commencé sur cette terre où la roche affleure, on nous disait que c’était impossible», rigole-t-il. Ici, il n’y a pas d’eau et ce n’est pas un souci : les racines de la luzerne vont chercher l’eau en profondeur. «Aucun traitement non plus !», dit fièrement le cultivateur. Sa «population» de blé résulte de variétés locales parfaitement adaptées. Entre 1000 et 1500 ha de blé bio croissent ainsi dans le département. Le canton de Peyriac-Minervois est le premier canton bio de France avec ses 2 500 ha de céréales, fourrages et vigne écolo que cultivent une cinquantaine de producteurs. Ce vendredi, le devenir des friches agricoles sera à l’ordre du jour, lors d’une réunion à la chambre d’agriculture. Le 18 juillet, le département se saisira à son tour de cette question cruciale pour l’agriculture audoise en pleine mutation.

Repères, le chiffre : 2 500 hectares > bio.

C’est le nombre d’hectares cultivés en agriculture biologique sur le seul canton de Peyriac-Minervois. Un record qui place le canton à la tête du palmarès français pour ses vignes, céréales et fourrages bio.

«Il y a de la demande pour des circuits courts, des productions bio locales, la restauration collective, mais il n’y a pas de réelle volonté politique» dit Jean-Jacques Mathieu, céréalier et fabricant de pâtes bio à Tréziers

C. S.-B

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