COMPRENDRE : Le quotient familial, un outil fiscal puissant

La réforme de la politique familiale annoncée ce lundi touchera 12 % des familles avec enfants. Du fait de la nature du quotient, elle sera concentrée sur les foyers les plus aisés.

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Pour 1,2 million de ménages, la réforme du quotient familial, annoncée ce lundi par Jean-Marc Ayrault , se traduira concrètement par une augmentation d’impôts moyenne de 64 euros par mois. Pour un rendement global de 1 milliard d’euros. Une mesure de « justice » et de « solidarité », selon le gouvernement, ciblée sur un petit nombre de familles, puisqu’un peu moins de 12 % des ménages avec enfants sont concernés. Ceux-là sont bien, en majorité, les plus aisés, puisque 73 % des foyers concernés font partie des 10 % de la population dont le niveau de vie est le plus élevé.

Pas un outil de redistribution

Une configuration liée à la nature même du quotient. Arme fiscale puissante, il bénéficie principalement aux foyers les plus fortunés, notamment parce qu’il n’est pas conçu comme un outil de redistribution mais comme un outil de politique familiale.

Le fonctionnement du quotient est le suivant : les revenus d’un foyer imposable sont d’abord divisés par un nombre de parts qui est fonction des personnes qui le constituent (une part pour la personne de référence, une part pour le conjoint, une demi-part pour les deux premiers enfants, une part entière par enfant supplémentaire à partir du troisième enfant). Puis ce revenu par part est soumis au barème de l’impôt, dans des tranches plus basses que celles qui auraient été appliquées en l’absence de ce mécanisme. Le montant est ensuite multiplié à nouveau par le nombre de parts pour obtenir l’impôt dû.

La réforme à venir en 2014 consiste à abaisser de 2.000 à 1.500 euros le plafond de l’avantage fiscal par demi-part fiscale. Les familles ayant deux enfants subiront un impact maximal si leurs revenus excèdent 6.430 euros par mois. Dans ce cas, l’avantage fiscal sera diminué de 500 euros par demi-part. Par exemple, une famille de deux enfants dont le revenu est de 6.500 euros par mois bénéficiera d’une réduction d’impôts de 3.000 euros, contre 4.000 euros actuellement, soit une perte de 83 euros par mois. A l’inverse, une famille de deux enfants dont le revenu est de 5.800 euros ne sera pas impactée. Pour des familles de trois enfants ou plus, l’impact sera plus élevé.

Une spécificité française

Introduit en 1948, le quotient familial est une spécificité française. Peu de pays européens l’ont adopté, à l’exception du Portugal et du Luxembourg, la plupart lui préférant un système d’abattement, de réduction ou de crédit d’impôt.Le quotient est contesté à gauche pour ses effets « anti-redistributifs » (46 % de l’avantage bénéficiait en 2012 au dernier décile). Il favorise en effet la redistribution horizontale plutôt que verticale, c’est-à-dire entre les familles en fonction du nombre d’enfants, plutôt qu’en fonction des revenus. Avant l’élection de François Hollande, le PS avait envisagé de supprimer le quotient pour le remplacer par une allocation forfaitaire unique par enfant. Une réforme toujours défendue par la CFDT.

Le nouveau président a préféré, dès l’été 2012, abaisser le plafond de l’avantage fiscal, de 2.336 euros à 2.000 euros par demi-part. Ce premier coup de rabot qui concerne 1,8 million de ménages est entré en vigueur cette année et doit rapporter environ 500 millions. Le quotient a été plafonné pour la première fois en 1981. Et en 1998, c’est déjà en abaissant le plafond du quotient que le gouvernement avait fait machine arrière, après avoir supprimé les allocations familiales des plus aisés.

Source :  Elsa Conelsa pour Les Echos

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