Marmite norvégienne : cuisinez un bœuf bourguignon dans du carton
Une boîte en carton gît sur le sol de la cuisine de Marie Girard. Est-elle destinée au recyclage ? Non. Mais à quoi sert-elle ? La quinquagénaire précise qu’il s’agit d’une marmite norvégienne, aussi appelée cuiseur thermique, un outil servant à cuire les aliments sans nouvelle dépense d’énergie, après les avoir chauffés sur le feu quelques minutes. Cet outil de cuisson est revenu à la mode, surtout parmi les écolos.
Marie Girard fait partie de ceux qui ont une conscience écologique aiguisée. Elle et son mari exploitent une fermette nommée L’Ermitage à Sainte-Gemmes-le-Robert près de Laval (Mayenne).
Ils essaient de tendre le plus possible vers l’autosubsistance en vendant une partie de ce qu’ils produisent, soit de la viande de veau, du jus de pommes, de la tisane (Marie donne aussi des cours sur la connaissance des plantes) et tiennent un gîte à quelques mètres de leur maison construite au XVe siècle. Le reste sert à leur consommation personnelle et à échanger avec les voisins.
Dans tous leurs gestes, ils tentent de respecter le plus possible l’environnement. C’est pourquoi ils limitent au maximum leurs dépenses énergétiques.
Découverte miraculeuse
Il y a quelques années, Marie Girard a découvert la marmite norvégienne. Elle avait demandé à sa fille de lui en fabriquer une, mais finalement c’est sa voisine qui la lui a offert pour son anniversaire. N’y portant pas trop d’attention, la marmite est allée au placard.
L’été dernier, la marmite a repris vie. Lors d’un stage à l’association Bolivia Inti, sa propriétaire a appris différentes techniques pour cuire les aliments sans énergie dont la cuisson solaire et la cuisson thermique à l’aide de la marmite norvégienne :
« J’étais tellement émerveillée de constater que les aliments cuisaient par laisser-faire, c’était magique. »
Du carton et une matière isolante
La marmite norvégienne est simple à fabriquer. Un carton d’emballage placé dans un autre plus grand, dont l’espace entre les deux (5 à 10 cm) est comblé par une matière isolante, soit du papier froissé et tassé, du lainage ou du polystyrène comme l’a fait Marie Girard ;
« Pour que la marmite soit vraiment écologique, il vaut mieux utiliser la laine de mouton. »
Afin d’optimiser les performances, il est possible d’installer un réfléchissant comme un pare-soleil découpé sur les parois du carton intérieur. Ensuite, il s’agit de placer la casserole bien fermée à l’intérieur et de la couvrir à l’aide d’une serviette ou d’un coussin. Il faut auparavant avoir mis la casserole à chauffer de manière plus traditionnelle quelques minutes selon le type d’aliment.
Il existe aussi des techniques plus sophistiquées. Par exemple fabriquer une caisse en bois sur roulettes ou aménager un tiroir profond pour éviter la perte d’espace.
Une fois la marmite norvégienne construite, on peut y déposer la casserole. La chaleur emmagasinée lors de la première étape de cuisson (sur le feu) sera conservée.
Par exemple, un dimanche après-midi, vous voulez concocter un bœuf bourguignon ; vous le faites bouillir cinq minutes sur le feu puis vous placez la casserole dans la marmite norvégienne pendant environ deux heures trente, soit une demi-heure de plus que la cuisson classique. Avec une économie d’énergie de 75% [PDF], selon l’association Les Amis de la Terre !
Au moins 50% d’économie d’énergie
L’isolation permet de ralentir la baisse de température par trois modes de transmission de chaleur :
- la conduction (l’isolation des parois) ;
- la convection (fermeture hermétique) ;
- le rayonnement (réflecteur infrarouge du réfléchissant).
En général, l’économie d’énergie est d’au moins 50% pour chaque plat cuisiné.
Marie Girard évoque également le côté pratique de la marmite :
« On n’a pas besoin de surveiller la cuisson, ça ne déborde pas et ça ne tache pas. »
Pour cuire du riz avec la marmite, c’est fantastique selon elle :
« On le porte à ébullition avec la quantité d’eau exacte et la marmite fait le reste du travail. »
La marmite norvégienne a quelques points négatifs tout de même :
- d’une part, elle occupe de l’espace. Une boîte en carton au milieu de la cuisine n’est pas très esthétique. Mais avec un peu d’imagination, on peut y ajouter de la couleur. Marie Girard propose même de l’intégrer dans un pouf. En plus d’être discrète, elle garde les fesses au chaud durant les jours d’hiver ;
- d’autre part, elle a ses limites d’efficacité. « Si je pars trop longtemps, le contenu n’est plus assez chaud », explique Marie.
Un outil pour les temps durs
La marmite norvégienne tire ses origines dans les cuisines scandinaves vers la fin du XIXe siècle (le premier détenteur du brevet est un Norvégien) et servait au prolongement passif de la cuisson et à économiser de l’énergie. A l’époque, cet auxiliaire de cuisson était composé « d’une marmite en fer battu étamé destinée à recevoir les aliments, et d’une boîte isolatrice empêchant la déperdition de la chaleur. »
Elle fut éclipsée par le thermos au XXe siècle et a donc perdu de sa popularité. Par la suite, on l’a associée aux périodes de guerre et de restrictions, et même assimilée à une pratique de radin. Aujourd’hui, tous les moyens sont bons pour économiser de l’énergie dans le contexte d’épuisement des ressources.
Bon pour l’environnement et le portefeuille
Selon l’Insee, en 2006, les dépenses des ménages en énergie domestique représentaient environ 590 euros par habitant. Près de la moitié de cette énergie provient de l’électricité et près du quart en gaz naturel. Pour un ménage avec plusieurs enfants, une diminution considérable de l’utilisation de la cuisinière peut réduire la facture d’énergie.
Par-dessus tout, la marmite norvégienne est un pas, petit ou grand selon son utilisation, vers la diminution de CO2.
L’organisation Les Amis de la Terre a d’ailleurs lancé l’objectif « négawatts » qui vise à réduire de 50% la consommation énergétique familiale.
Diverses organisations comme Bolivia Inti et la Féeda (Formation et éducation à l’environnement et au développement approprié) encouragent la cuisson écologique en offrant de la formation, notamment dans des pays d’Amérique latine et d’Afrique.
Source : rue89