Greenwashing rural. Ces projets de golf qui dévorent les terres agricoles

Des golfs et des villas présentés comme écolo-compatibles à la place de terres agricoles ? Cela se passe dans le Gard, près d’Alès, où une enquête d’utilité publique vise 300 hectares de terres pour y aménager une zone résidentielle et touristique assortie de deux terrains de golf. Des habitants pointent des lacunes dans l’information et critiquent la destruction des dernières terres agricoles ainsi que le gaspillage des ressources en eau. Un Notre-Dame-des-Landes version golfique ?

 

« C’est un projet inutile et coûteux qui sacrifie des terres agricoles. » Nous ne sommes pas à Notre-Dame-des-Landes, mais à Saint-Hilaire-de-Brethmas, près d’Alès (Gard). Dans cette commune de 4 000 habitants, deux terrains de golf pourraient voir le jour, sur une surface de 195 hectares. Ils s’inscrivent dans un projet de Zone d’aménagement différé (ZAD) qui prévoit la construction de villas, une zone d’activités « éco-environnementale » et une zone dédiée au tourisme. Pour la Communauté d’agglomération du Grand Alès qui porte le projet, ces 300 hectares pourraient donner un nouvel élan économique et touristique à la région. « C’est surtout la dernière zone naturelle et agricole de la commune qui pourrait être rayée de la carte », rétorquent les opposants au projet.

 

Golfs et villas écolo-compatibles ?

 

« Ce que nous dénonçons, c’est le manque de concertation autour de ce projet autoproclamé éco-compatible », explique Rémy Coulet, membre de l’association Saint-Hilaire Durable. Créée en 2008, elle vise à « exercer une vigilance citoyenne sur l’environnement de la commune ». A l’époque, de nombreux propriétaires adhèrent à l’association en raison des craintes d’expropriation liées à la ZAD. Mais, faute d’informations « beaucoup pensaient que le projet ne se ferait pas », souligne Rémy Coulet. L’ouverture de l’enquête publique le 19 mars l’a remis dans l’actualité locale.

Mise en page - A3 Localisation Ortho

La communauté d’agglomération envisage de donner naissance à un nouveau « poumon vert ». « Sur les 195 hectares du golf, 50 hectares seront classés « zone verte et naturelle » et formeront des bois laissés intacts, ne nécessitant pas d’eau », rapporte le journal de l’Agglo. Carte en main, Rémy Coulet voit surtout dans ce projet la disparition programmée des terres agricoles. « Sur les 180 hectares de zone agricole actuellement recensés, il n’en restera que 30 », relève t-il.

Menaces d’expropriations

L’équivalent d’un département de terres agricoles disparaît tous les sept ans en France. « De 54 000 hectares de terres artificialisées par an (1982-1992), nous atteignons les 86 000 hectares par an en 2010 », détaille André Torre, économiste et directeur de recherche à l’Inra (lire l’entretien). Le projet de ZAD golfique vient alimenter une concurrence déjà féroce dans l’utilisation de la terre entre l’agriculture, les loisirs et l’habitat.

La plupart des propriétaires ont accepté de céder leurs terrains au prix proposé par l’Agglomération. «  20 000 euros par hectare, soit 3 fois et demie le prix de la terre agricole », avance Rémy Coulet. Les propriétaires récalcitrants pourraient désormais être menacés d’expropriation. « En raison d’une utilité publique, on ne peut pas exclure que le Préfet en réalise », a reconnu le maire de Saint-Hilaire lors d’une réunion publique le 20 décembre dernier.

Un projet très consommateur en eau

« La consommation en eau d’un golf de 18 trous est équivalente à celle d’une ville de 15 000 habitants environ », pointent les détracteurs du projet. Qui ajoutent qu’un golf supplémentaire de 9 trous est aussi prévu à Saint-Hilaire. L’un des coordinateurs du projet reconnaît que la création d’un tel équipement pose inévitablement la question de l’arrosage. Mais il se veut rassurant : « Le premier maillon du dispositif consistera à sélectionner et semer une herbe peu consommatrice en eau. Seuls 40 hectares seraient véritablement concernés par l’arrosage ». Ce qui représente quand même 243 000 m3/an, selon le rapport du bureau d’étude pour le dossier de Déclaration d’utilité publique qu’a pu consulter l’association Saint-Hilaire Durable. Dans une région où la sécheresse est de plus en plus présente…

 

En période de pointe (juillet), le besoin s’élève à 58 169 m3. D’où la nécessité de stocker 154 000 m3 pendant 92 jours pour éviter de puiser dans une ressource en eau devenue rare. Un bassin de rétention de 250 000 m3 devrait également être construit. « Cette réserve d’eau sera naturellement alimentée durant le printemps et l’automne et permettra de tenir sans aucun pompage dans la nappe phréatique durant toute la période estivale, du 15 juin au 15 septembre », promet l’Agglo. Difficile d’en savoir plus. Aucun compte-rendu de l’avis du Syndicat mixte d’aménagement et de gestion équilibrée des Gardons, ne figure dans le dossier de déclaration d’utilité publique.

Projet alternatif

« Accroître l’attractivité du territoire » a un prix : 20 millions d’euros selon les chiffres avancés par la communauté d’agglomération. Aucune décision n’a encore été prise quant au mode de gestion du futur golf. Le 2 mars dernier, Saint-Hilaire Durable a présenté un projet alternatif à la ZAD. Sur le plan agricole, l’association propose de développer les zones actuellement cultivées par l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs, en vue d’alimenter les cantines scolaires du bassin alésien. Elle encourage également à la création d’habitats groupés participatifs et socialement accessibles, dans les zones déjà urbanisées. « Ces propositions visent à montrer que l’on peut conserver le caractère rural, agricole et libre d’accès de cette zone, tout en créant des activités pérennes agricoles, en lien avec les besoins du bassin de la population », souligne Rémy Coulet.

L’association Saint-Hilaire Durable promet de multiplier les actions. « Les élus de la communauté d’agglomération se comportent comme si l’artificialisation des terres agricoles, le réchauffement climatique, les sécheresses et la pénurie d’eau douce autour de l’arc méditerranéen n’étaient que des chimères de la communauté scientifique et non une réalité en marche », souligne Rémy Coulet. Depuis le 19 mars, les citoyens peuvent consulter le dossier pendant un peu plus d’un mois et apporter leurs remarques. Avec un bémol : la possibilité pour le Préfet de ne pas tenir compte de l’enquête publique et d’autoriser les travaux.

Sophie Chapelle pour Bastamag

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