Planter des arbres pour économiser l’eau

L’agroforesterie permet à Benoît Biteau, agriculteur en Charente-Maritime, de récolter 90 quintaux de maïs par hectare sans irrigation.

 

Benoît Biteau, agriculteur en Charente-Maritime, est venu donner une conférence à Mazerolles, invité par le Civam-Bio des Landes.

Benoît Biteau, agriculteur en Charente-Maritime, est venu donner une conférence à Mazerolles, invité par le Civam-Bio des Landes. (photo pascal bats)

 

Benoît Biteau, agriculteur à Sablonceaux (Charente-Maritime) est venu mardi soir à Mazerolles, à l’invitation du Civam-Bio des Landes pour une conférence sur l’eau et l’agriculture biologique. Ingénieur des techniques agricoles, il a repris l’exploitation familiale en adoptant le système de l’agroforesterie. Il nous explique comment ça marche.

 

« Sud Ouest ». Comment peut-on se passer d’eau en agriculture d’aujourd’hui ?

Benoît Biteau. Je fais de la polyculture élevage sur 110 hectares, autrefois réservés à la monoculture du maïs, qui consommait 300 000 m³ d’eau par an. Aujourd’hui, je me passe des hybrides vendus par les semenciers internationaux, en utilisant des variétés écotypes, cultivées de tout temps dans ma région, et je produis mes propres semences. Sans une goutte d’irrigation, je récolte 80 à 100 quintaux de maïs par hectare, en fonction des années (dans les Landes, la moyenne de ces dernières années est comprise entre 90 et 100 quintaux, avec beaucoup d’eau, d’engrais et de produits de traitements, NDLR).

 

Vous utilisez alors des techniques très différentes de celles appliquées dans les Landes ?

Je fais de l’agriculture biologique à partir de l’agroforesterie. Pas de désherbage chimique, mais du binage de toutes mes cultures annuelles. Pas d’engrais, mais une rotation de douze cultures différentes, alternant céréales, pois, tournesol, lentilles, luzerne et trèfle, ces dernières plantes étant des légumineuses qui fixent dans leurs racines l’azote atmosphérique, lequel est totalement gratuit.

Et la forêt ?

Je plante à peu près un millier d’arbres par an, des espèces choisies (érables, alisiers, cormiers, merisiers, noisetiers) pour fournir à la fin un bois à forte valeur ajoutée. J’en ai environ 50 par hectare, sur des alignements disposés tous les 28 mètres dans mes parcelles. Installés sur des bandes enherbées, ils me laissent des bandes de culture de 25 mètres de large.

Quel est leur rôle ?

D’abord d’économiser l’eau. En excès, elle va vers les nappes phréatiques. En période sèche, le système racinaire des arbres, qui est très profond dans le sol, fait remonter l’eau à la disposition des autres cultures. Cela augmente de 40 % le potentiel des cultures voisines.

Et les arbres ne font pas concurrence aux cultures ? C’est difficile à croire.

L’Inra (Institut national de la recherche agronomique) de Montpellier a fait beaucoup de travaux de recherche là-dessus. Toutes les espèces d’arbres n’y sont pas adaptées, il faut des arbres au système racinaire pivotant, et non en faisceau, comme en ont les peupliers par exemple. De plus, il faut que la culture soit implantée dans le sol avant de planter les arbres. Cela modifie leur manière de pousser, un équilibre s’installe entre eux et les cultures annuelles, qu’il faut aussi entretenir avec un travail du sol adapté (binage). Je vous l’ai dit, les travaux de l’Inra sur ce sujet sont très parlants.

Y a-t-il d’autres raisons de planter des arbres ?

Oui, ce sont des auxiliaires de l’agriculteur dans la lutte contre les prédateurs, car ils attirent coccinelles, carabes (des petits scarabées) et rapaces. Les coccinelles mangent les pucerons, les carabes se nourrissent de limaces et les rapaces nous débarrassent des rongeurs et oiseaux. Cela ne me coûte rien et je n’ai pas besoin de pesticides.

Votre système est de la polyculture élevage. Quels animaux élevez-vous avec vos plantes ?

J’ai des vaches laitières, des chèvres, des chevaux de trait et des baudets du Poitou. Je fais du fromage de chèvre que je vends chez moi, je pratique aussi la vente directe de viande bovine. Et les mules poitevines sont des animaux très recherchés aujourd’hui.

Cela fait beaucoup de travail, vous avez le temps de tout faire ?

J’ai trois salariés sur l’exploitation. Je suis aussi conseiller régional de Poitou-Charentes (vice-président), très impliqué dans l’agriculture bio, et comme vous le voyez, j’ai le temps de venir donner une conférence dans les Landes.

Vous n’êtes pas fainéant !

Fainéant n’est pas un défaut, paresseux, oui.

Source : Sud Ouest

 

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