Médicaments : les ruptures de stocks se banalisent

Plus de 200 produits se sont avérés indisponibles ces trois dernières années en France. Des pénuries liées à un marché mondialisé fonctionnant en flux tendus .

 

L’Académie de Pharmacie se réunit mercredi pour mettre une dernière main à ses recommandations pour lutter contre les ruptures de stocks de médicaments. Un phénomène qui prend de l’ampleur en France. A lui seul, le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) recense quelque 200 produits en rupture de stock ou dont la production a été arrêtée, au cours des trois dernières années. Et on estime que, chaque jour, 5 % des médicaments commandés par les pharmaciens d’officine sont en rupture de stocks. Pour la moitié d’entre eux pour une durée qui dépasse quatre jours.

 

Tous les produits sont concernés : des cancéreux (Velcade de Janssen remis à disposition en novembre dernier après un an d’indisponibilité), aux vaccins (Thypherix de GSK contre la thyphoïde indisponible depuis octobre ) en passant par les psychotropes (Tranxène de Sanofi indisponible pendant 5 mois en 2012). Des blocages tout au long de la chaîne de production et de commercialisation du médicament contribuent à cette situation.

 

« La production de médicaments est aujourd’hui organisée à l’échelle mondiale, explique Philippe Lamoureux directeur général du LEEM, syndicat des laboratoires pharmaceutiques. Or, la demande croissante des pays émergents, crée des tensions sur l’appareil de production. Le moindre problème sur un site de production entraîne donc des pénuries ». Notamment sur les matières actives qui sont aujourd’hui très peu fabriquées en Europe – 80 % des principes actifs des antibiotiques sont importés. Les laboratoires pharmaceutiques qui réalisent la mise en forme pharmaceutique sont donc très dépendants de fabricants pas toujours très fiables : 14 % des ruptures de stocks seraient ainsi dues à des problèmes d’approvisionnement en matière premières.

 

Mais les problèmes de qualité peuvent aussi concerner les médicaments eux-mêmes. Si le cycle de fabrication est long comme c’est le cas pour des produits biologiques comme les vaccins et qu’il faut retirer des lots en bout de chaîne, on peut avoir à une rupture de stock. Enfin, certains laboratoires décident d’arrêter la fabrication d’un produit parce qu’il n’est plus rentable.

Exportations parallèles

Autre source de perturbation du marché : les exportations parallèles grâce auxquelles on cherche à tirer parti des différentiels de prix entre les pays et qui concernent surtout les produits coûteux. « Un produit peut alors se retrouver artificiellement indisponible » explique Alain Gorny, avocat spécialisé en droit de la santé.

 

Au stade de la distribution il peut aussi y avoir des ruptures d’approvisionnement dues à des stocks insuffisants chez le répartiteur en cas de forte demande. Le pharmacien peut aussi avoir procédé à une commande insuffisante mais compte tenu des obligations du répartiteur (livrer en 24 heures toute commande quel que soit le lieu en France), le patient n’aura pas longtemps à attendre dans ce cas.

 

Quant à l’hôpital non seulement il a réduit ses stocks de façon radicale mais il achète ses médicaments, y compris pour les traitements lourds comme les anticancéreux, par appel d’offre et doit retenir le moins disant. Ce qui peut le conduire à dépendre d’un seul fournisseur, pas toujours fiable. En 2012, selon une enquête, on a assisté à une augmentation de plus de 70 % des pénuries à l’hôpital.

 

5 % des médicaments commandés par les pharmacienssont en rupture de stocks et pour la moitié d’entre eux pour une durée qui dépasse 4 jours

CATHERINE DUCRUET pour Les Echos.

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