LES LIVRES DE COURS QUI DÉNONCENT CEUX QUI NE LES LISENT PAS

De nouveaux logiciels d’e-books espionnent les lecteurs. Avec de «bonnes intentions»?

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Un récent article du New York Times rapporte l’air de rien une avancée technologique qui risque de paniquer tous les étudiants du monde: les e-books de cours qui vous dénoncent quand vous ne les lisez pas.

 

Elle n’est pas la première à faire la comparaison avec Big Brother. En novembre, Evgeny Morozov avait écrit pour Slate.com un article sur CourseSmart, la start-up qui a développé cette  technologie pour le moins envahissante. Le titre de son article: «Dans la Russie soviétique, ce sont les livres qui vous lisent.» Morozov y écrit qu’«il y a quelque chose d’inquiétant dans ce programme. Imaginez par exemple un cours de littérature où les étudiants doivent lire 1984 sur un e-book qui les espionne

 

Mais pour Tracy Hurley, cela n’a rien d’angoissant. «Si CourseSmart nous proposait un deal pour qu’on puisse appliquer leur technologie à tous nos cours, on ne dirait pas non», a-t-elle confié à son interviewer du Times. Question: Tracy Hurley a-t-elle jamais lu 1984?

 

Si j’étais un professeur et que j’utilisais CourseSmart avec mon hypothétique élève Hurley, je saurais la réponse. En serais-je pour autant sûr à 100%? En réalité, le logiciel me dirait si, et avec quelle fréquence elle a ouvert chaque page, combien de temps elle a passé sur l’ouvrage et si elle a pris des e-notes. A l’aide de ces données, le programme me dévoilerait «l’index d’engagement» de Hurley.

 

Ce que CourseSmart ne me dirait pas, en revanche, c’est si Hurley a réellement lu le livre (excusez-moi si je ne comprends pas la novlangue). Elle aurait aussi bien pu feuilleter l’ouvrage en tournant les pages toutes les deux minutes pendant qu’elle jouait aux jeux vidéo ou qu’elle parlait au téléphone. CourseSmart devrait peut-être développer un logiciel qui traque le mouvement de nos pupilles. Quoique, même dans ce cas de figure, je ne saurais toujours pas si Hurley a bien compris le message de 1984, ni si elle a réfléchi aux thèmes du roman d’Orwell et à leur application dans le monde d’aujourd’hui.

 

En réalité, la seule manière dont je pourrais savoir cela, c’est en parlant à Hurley, en lui posant des questions –ou, peut-être en lisant son interview du Times. Je pourrais alors lui répondre, sans lui donner ou lui enlever de points sur «l’index d’engagement», en lui posant une question sérieuse: serait-il possible que  Big Brother, lui aussi, ait commencé avec «de bonnes intentions»? 

 

Will Oremus  -Traduit par Daphnée Denis pour Slate.fr

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