L’Urssaf arnaquée par… Durssafa

Par rapport à l’actualité, ça ferait presque sourire ! Sauf… Sauf que les entreprises qui payaient se retrouvaient avec des poursuites sur le dos….

En ajoutant deux lettres au libellé de chèques destinés à l’Urssaf, les escrocs détournaient l’argent vers une société fictive. La technique leur a rapporté 18M€.

 

C’est, sans doute, l’une des escroqueries les plus simples, voire rudimentaires, jamais mises au jour par la police. Une arnaque de « bout de ficelle », mais une tromperie à la redoutable efficacité. En ajoutant simplement deux lettres sur des milliers de chèques libellés à l’ordre de l’Urssaf, en charge de la collecte des charges sociales et fiscales d’entreprises, les chefs de ce réseau sont parvenus grâce à la modification d’Urssaf en Durssafa à détourner près de 18 M€ en l’espace de deux ans.

« Et cette somme n’est pas exhaustive, estime un haut fonctionnaire. Ils ont multiplié les arnaques de ce type un peu partout en France. »

Trois hommes, soupçonnés d’appartenir à ce réseau d’escrocs chevronnés, ont été mis en examen, le 29 mars, par un magistrat à Lille (Nord), avant d’être écroués. Deux premières vagues d’arrestations, impliquant 13 autres suspects, avaient été lancées en novembre 2012 et février dernier. Sept d’entre eux avaient ensuite été placés en détention provisoire.

Après plusieurs mois d’investigations, les enquêteurs de la division économique et financière du service régional de police judiciaire (SRPJ) de Rouen (Seine-Maritime) ont remonté la piste de cette organisation structurée autour d’un ressortissant pakistanais, passé maître dans l’art de la falsification et du montage de sociétés écrans. L’homme avait déjà été arrêté à l’orée des années 2000 pour escroquerie.

« Cette arnaque repose sur une manipulation d’une rare simplicité, poursuit la même source. Sur chaque chèque rédigé à l’ordre de l’Urssaf, les aigrefins ajoutaient un D devant le nom de cet organisme, et un A derrière, pour obtenir le libellé Durssafa. Ils avaient préalablement créé une société éponyme. Il ne leur restait plus qu’à encaisser les chèques falsifiés sur les comptes de cette entreprise qui n’a jamais eu ni salarié, ni activité réelle. »

Pour récupérer suffisamment de chèques, le principal commanditaire, âgé de 50 ans et domicilié à Viry-Châtillon (Essonne), avait recruté un complice, spécialisé dans le vol de lettres dans les sacoches des facteurs. « Il ciblait les postiers qui effectuaient des tournées sur l’esplanade de La Défense (Hauts-de-Seine), siège de nombreuses grandes entreprises, détaille un enquêteur. Il piochait, tous les jours, une dizaine de courriers, au hasard. L’Urssaf est la principale victime. Ils sont même parvenus à dérober une lettre de change d’une valeur d’un million d’euros avant de l’encaisser après l’avoir modifiée. Ils achetaient aussi des chèques volés dans le quartier Château-Rouge à Paris. »

Pour éviter d’être démasqués, les faussaires ont décliné le nom Durssafa en Durssafa.com ou Durssafa.bat. Ces entreprises étaient, tour à tour, spécialisées dans le commerce de gros de composants et d’équipements électroniques, la pose de vitres ou bien encore le BTP. Une vingtaine de sociétés « coquilles vides » ont ainsi été identifiées. « Ce réseau était capable de créer une société écran par semaine, souligne un proche de l’affaire. Ceux qui en avaient la charge percevaient 3000 €. Les petites mains missionnées pour récupérer l’argent détourné après divers transferts entre entreprises touchaient 500 €. » La majeure partie des 18 M€ a probablement été transférée vers le Pakistan.

STÉPHANE SELLAMI – Le Parisien

Merci Voltigeur.

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