Le prix de l’huile de palme : cas d’un orang-outan retrouvé criblé de plombs en Indonésie

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Chaque jour, la production de la précieuse huile de palme que nous importons massivement entraine un massacre silencieux. Outre la déforestation en amont, les animaux sauvages ne sont pas les bienvenus dans les monocultures de palmiers à huile qui s’étendent à perte de vue, comme en témoigne le sort tragique d’Aan, un orang-outan retrouvé criblé de plombs. Un exemple parmi des milliers d’autres…

L’orang-outan de Bornéo (Pongo pygmaeus) est un grand singe endémique de l’île de Bornéo où il est présent dans les états malaysiens de Sabah et Sartawak, ainsi que dans trois des 4 provinces indonésiennes du Kalimantan.

Selon la dernière estimation relayée par l’Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN), le nombre d’orangs-outans serait compris entre 45 000 et 69 000, c’est moins de 15% de sa population originelle. Si les orangs-outans étaient autrefois capturés pour amuser les occidentaux dans les zoos, ils sont maintenant chassés comme des indésirables, victimes de la puissante monoculture d’huile de palme, qui s’approprie inexorablement leurs habitats.

L’orang-outan de Bornéo est un singe arboricole au pelage roux qui dépend entièrement de la forêt. Chassé de son habitat naturel qui se réduit dramatiquement et privé de ses 1500 hectares qui lui sont nécessaires pour survivre, l’orang-outan s’aventure dans les plantations d’huile de palme pour chercher de la nourriture, des fruits essentiellement. Or, sur ces terres moins sauvages il est chassé sans aucune retenue : les adultes sont tués et les petits sont capturés dans le meilleur des cas.

Un orang-outan a été retrouvé avec 104 plombs dans le corps !

C’est justement ce qui est arrivé à un mâle solitaire qui a été découvert mourant avec 104 balles dans le corps ! C’est une équipe de secours de la Fondation et l’Agence de protection des ressources naturelles du Kalimantan central (BKSDA) qui l’a découvert dans cet état le 10 octobre 2012 dans une plantation d’huile de palme de Pangkalan Bun, dans la province de Kalimantan central, partie indonésienne de l’île de Bornéo.

Baptisé Aan, les vétérinaires de la Fondation Orang-outan qui l’ont examiné lui ont trouvé 37 balles dans la tête et 67 autres dans le corps, y compris dans le cœur et les poumons. Ils ont également remarqué qu’il souffrait d’infections dues à ses blessures. Zulfiqri, un des vétérinaires qui s’est occupé d’Aan, a déclaré que celles-ci auraient pu le tuer. Sa vue et son ouïe ont été gravement atteintes : il a perdu son œil gauche.

Les vétérinaires ne sont guère optimistes quant à ses chances de survie, mais le grand singe lutte pour échapper à la mort. « Il se bat de toutes ses forces. Il est grièvement blessé, mais il commence à s’alimenter, ce qui nous donne de l’espoir« , a déclaré à l’AFP Hartono, responsable de l’agence locale de protection des animaux. D’après nos contacts au Jakarta Animal Aid Network, Aan serait toujours vivant au 3 novembre 2012.
Si Aan survit, il devrait être relâché après sa guérison dans le sanctuaire naturel de Sungai Lamandu.

Les auteurs des coups de feu ne sont pas connus, mais il est courant que les animaux piégés dans les plantations de palmiers à huile, qui ont empiété sur leur habitat, soient abattus. Il est pourtant interdit d’abattre les orangs-outans qui sont protégés par la loi. Ainsi, quatre hommes ont été condamnés en avril 2012 à huit mois de prison pour avoir tué par balles trois orangs-outans sur une plantation de palmiers à huile qui se situe également sur l’île de Bornéo. Les coupables avaient été payés par la plantation pour la débarrasser des animaux jugés nuisibles.
Ce fût également le cas de chasseurs arrêtés en novembre 2011 pour avoir tué une vingtaine d’orangs-outans et singes à long nez (Nasalis larvatus). Accompagnés de chiens, ces chasseurs recevaient, des exploitants des cultures de palmiers à huile, 100 dollars pour chaque orang-outan tué et 20 dollars pour chaque nasique tué. Ces sommes très importantes[1] couplées avec une police locale quasi-inexistante et corrompue expliquent que le génocide n’est pas prêt de s’arrêter.

Dans une dizaine d’années, l’orang-outan de Bornéo aura disparu

5000 orangs-outans seraient ainsi massacrés tous les ans, une espèce emblématique classée depuis plus de 25 ans comme en danger d’extinction par l’UICN. En effet, les populations d’orangs-outans ont été divisées par deux dans les 60 dernières années. A ce rythme, dans seulement une dizaine d’années, l’orang-outan de Bornéo aura disparu, rejoignant d’autres espèces emblématiques récemment éteintes comme le célèbre rhinocéros de Java et très prochainement le tigre de Sumatra.

Comme souvent, l’exploitation sans limites des milieux naturels profite (temporairement) aux sociétés humaines. Ainsi, « en Indonésie, ce sont 1 000 à 2 000 dollars par an et par hectare qui sont générés par la culture du palmier à huile, un revenu qui a contribué significativement, selon McCarthy (2010) à la régression de la pauvreté et à l’émergence d’une classe moyenne rurale. Aujourd’hui, plus de 5 millions de personnes[2] en Indonésie dépendent directement de la culture du palmier à huile » explique Alain Rival, spécialiste du palmier à huile au Cirad.

La plantation de palmiers à huile contribue pour environ 15% à la déforestation actuelle en Indonésie où au moins 20 000 km² de forêt disparaissent chaque année, soit l’équivalent de la moitié de la superficie de la Suisse. Par conséquent, les Nations Unies estiment que 98% des forêts indonésiennes, habitat naturel de ces grands singes, auront disparu d’ici 2022.

Un paquet de biscuits à l’huile de palme vaut-il vraiment la mort de quelques orangs-outans ?

Chaque jour, involontairement ou avec désintérêt, nous contribuons à ce massacre en achetant des produits alimentaires qui contiennent de l’huile de palme. Encore inconnue dans les étals il y a quelques décennies, cette huile alimentaire très bon marché a envahi la quasi-totalité des biscuits et chips proposés dans le commerce, mais aussi les cosmétiques. Dans le même temps, l’huile que nous produisons localement sert de biocarburant pour alimenter le moteur de nos voitures[3] !

Au niveau alimentaire, l’huile de palme n’est pas une fatalité et nous pouvons l’éviter en vérifiant sa présence dans la liste des ingrédients. Lorsque ce n’est pas clairement indiqué, les mentions « huile végétale », « graisse végétale » et « matière grasse végétale » inscrites sur les produits trahissent la présence d’huile de palme. Attention, certains produits bio en contiennent également !

« Soyons le changement que nous voulons voir dans le Monde » Gandhi.

Sources

Source : http://www.notre-planete.info/actualites/actu_3523_huile_de_palme_orang-outan_Indonesie.php

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