Analyser, comprendre : « La situation en Grèce m’inquiète » et lettre de Syriza aux Allemands

Je ne peux pas m’empêcher d’avoir une certaine tendresse pour Syriza, le nouveau parti au pouvoir en Grèce, et pour une raison toute simple.Le nouveau premier ministre dit tout simplement la vérité. Ce qu’il dit est simple : Vous pouvez faire tourner n’importe quel modèle (Excel ou n’importe quel autre) en introduisant les hypothèses raisonnables que vous souhaitez sur des choses telles que les taux d’intérêts, le taux de croissance du pays, la pression fiscale et en aucun cas le pays ne sera capable de rembourser sa dette ou même de la servir.

Tsipras qui est en charge maintenant fait donc l’analyse qu’il faut partir de la réalité et ramener la dette Grecque à  un niveau ou cette dette pourrait être servie et remboursée tandis que l’économie pourrait à nouveau croitre.

En cela, il rejoint la Parabole de l’Intendant Malhonnête des Évangiles qui va voir chacun des débiteurs de son Maître pour leur demander COMBIEN chacun pouvait rembourser et une fois que cette somme a été payée, toutes les dettes anciennes furent annulées.

Ce que dit le Christ est tout simple : il vaut mieux avoir 50 % de quelque chose que 100 % de rien du tout, et il vaut mieux procéder ainsi que de transformer ses débiteurs en esclaves. Aprés tout, la productivité des esclaves est notoirement faible…et ils aiment rarement ceux qui les ont mis en esclavage.

C’est ce que les USA ont fait avec l’Allemagne en 1953, remettant 50 % de la dette allemande.

Ce que dit Tsipras est donc assez simple.

La dette Grecque a été accumulée de façon frauduleuse par des bandits de grand chemin, avec la complicité de toutes les autorités Européennes.

Par exemple, jamais la Grèce n’aurait du rentrer dans l’Euro et tout le monde savait que les chiffres  étaient  manipulés avec l’aide de la plus grande banque d’affaires Américaine. Remarquons que cette même banque a rendu le même service au gouvernement Italien à la même époque, ce qui n’était pas un service à rendre a l’Italie.Une fois la Grèce dans l’Euro, avec leur flair habituel, les grandes banques Françaises ou Allemandes  se précipitèrent pour développer la bas  leurs activités de prêts.Lorsque  la catastrophe se produisit en 2011, les pertes potentielles de ces banques étaient tellement gigantesques que leur survie était en jeu.

Une opération de sauvetage fut montée à la hâte,   non pas pour sauver la Grèce, mais bien pour sauver les banques.

La perte potentielle de ces banques fut transférée aux autres Etats Européens ou a la BCE, ce qui libéra ces chères, très chères banques du boulet qu’elles s’étaient elles mêmes attaché à  la cheville.Et un plan type IMF fut mis en place pour contrôler l’économie grecque.Or ces plans ont toujours les mêmes caractéristiques:

-Hausse des impôts;

-Baisse des dépenses publiques

-Privatisations

Il manquait un léger élément à ce plan fort habituel, présenté par notre DSK national : une dévaluation.

Dans tous les autres plans  précédents, imposés à l’Indonésie à  la Corée,  ou à  l’Argentine, comme le but était de faire baisser la demande intérieure jugée excessive, la contrepartie normale était toujours de stimuler  les exportations en dévaluant massivement la monnaie locale.Mais voila, quand vous faites partie de l’Euro, toute dévaluation devient impossible.Contraction interne et contraction externe s’additionnèrent.

Et l’inévitable se produisit : l’économie Grecque entra en dépression et le PIB Grec se contracta massivement.Et la dette en pourcentage du PIB explosa.La Grèce est dans une trappe à  dette d’anthologie ou dans tous les cas de figure, la dette augmente plus vite que la richesse créée.Monnaie surévaluée,  demande interne en effondrement constant, la situation rappelait fâcheusement celle de la France en 1934 (déflation Laval), qui se termina comme chacun le sait par l’arrivée du front populaire et une solide dévaluation.

Et c’est ce que dit Tsipras

Ce qui nous amène à la situation actuelle.

Puisque la dévaluation est impossible, puisque la baisse de la demande interne a atteint ses limites humaines, le plus simple serait de se mettre autour d’une table et de procéder à un cout de rabot considérable sur la dette GrecqueOui mais voila : Si on le fait l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande vont demander la même chose et là,  à nouveau les banques allemandes et Françaises seraient en grande difficultés et nombre d’institutions publiques, dont la BCE devraient prendre des pertes gigantesques.

La situation est donc bloquée.

  • D’un coté, la Grèce, le débiteur qui ne peut pas payer.
  • De l’autre l’Allemagne le créditeur qui ne peut pas remettre sa dette à  un petit débiteur parce qu’il serait obligée de la remettre à  tout le monde, ce qui mettrait en danger tout son système financier.

Il n’a que deux possibilité de sortie à ce système binaire.

  • Ou le gouvernement Grec se couche
  • Ou la Grèce quitte l’Euro.

Les nouveaux politiciens Grecs ont fait le tour de toutes les capitales en expliquant la situation. La BCE vient de leur répondre en suspendant partiellement les lignes de crédit aux banques Grecques, signifiant qu’il n’y avait rien à négocier.

Il reste au nouveau gouvernement Grec à se coucher.

Je ne sais pas pourquoi, je n’y crois pas trop.

 

Note de l’auteur:

La presse  Internationale  a largement répercuté cette lettre envoyée au journal Allemand Handelsblatt par le nouveau Premier Ministre Grec. Je ne suis pas un lecteur aussi attentif que je devrais l’être de la presse française, mais je n’ai vu nulle part la traduction de cette missive. J’ai donc pensé qu’il serait bon que les lecteurs de l’IDL aient connaissance du point de vue de SYRIZA, qui a mon avis est loin d’être aussi extrémiste que nous le disent les journaux Français. La réalité est simple : La situation Grecque devient de plus en plus alarmante, et personne n’a le moindre espoir que la dette Grecque ne soit jamais remboursée. Le sauvetage de la Grèce en 2001- 2012 n’a été en fait qu’un sauvetage des banques Allemandes ou Françaises qui s’étaient engagées de façon inconsidérée dans ce pays et après ce « sauvetage » la dette Grecque en pourcentage du PIB a explosé. Les autorités Européennes, terrifiées par l’émergence de Podemos en Espagne ont sans doute décidé de faire de la Grèce un exemple. Je crains que cette politique du pire ne soit la pire des politiques.

En tout état de cause, chers lecteurs, lisez cette lettre et faites moi part de vos réactions et commentaires.

La discussion est ouverte.    

Charles Gave

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«Lettre ouverte» d’Alexis Tsipras aux citoyens Allemands sur ce qu’on

ne leur a jamais dit sur la dette Grecque

 

Alexis Tsipras, le nouveau premier ministre de la Grèce, a envoyé ce courrier, juste avant les élections grecques, au journal Allemand Handelsblatt.

 

« Chers lecteurs de Handelsblatt,

 Je sais d’avance que la plupart d’entre vous ont probablement une opinion déjà formée sur le contenu de cette lettre. Je vous invite, cependant, à la lire sans préjugés. Les préjugés n’ont jamais été un bon conseiller, et encore moins à un moment où la crise économique les renforce, en entretenant l’intolérance, le nationalisme, l’obscurantisme, et même la violence.

 Avec cette lettre ouverte, je souhaite vous exposer une version différente de celle qui vous a été fait au sujet de la Grèce depuis 2010. Et je tiens aussi et surtout à exposer avec franchise les projets et les objectifs de SYRIZA, si le 26 Janvier par le choix des électeurs devient le nouveau gouvernement grec.

 En 2010, l’État grec n’était pas en mesure de servir sa dette. Malheureusement, les dirigeants européens ont décidé de faire croire que ce problème pourrait être surmonté par l’octroi du plus grand prêt jamais consenti à un état, sous condition que certaines mesures budgétaires seraient appliquées, alors que celles-ci, manifestement, ne pouvaient que diminuer le revenu national destiné au remboursement des nouveaux et anciens prêts. Un problème de faillite a été donc traité comme s’ il s’ agissait d’un problème de liquidité. En d’autres termes, l’attitude adoptée, était celle du mauvais banquier qui, au lieu d’admettre que le prêt accordé à la société en faillite a « sauté », il lui accorde des prêts supplémentaires, prétextant que les anciennes dettes restent servies et prolonge ainsi la faillite à perpétuité.

 Il s’agissait pourtant d’ une question de bon sens de voir que l’application de la doctrine «extend and pretend» [étendre les maturités de la dette et prétendre que payer les intérêts ne pose aucun problème] dans le cas de mon pays aboutirait à une tragédie. Qu’au lieu de stabiliser la Grèce, l’application de ce dogme installerait une crise autoalimentée qui sape les fondations de l’UE.

 Notre parti, et moi-même, nous nous sommes opposés à l’accord de prêt de mai 2010, non pas parce que l’Allemagne et nos autres partenaires ne nous ont pas donné assez d’argent, mais parce que vous nous avez donné beaucoup plus d’argent que ce qu’il fallait et que nous pouvions accepter. De l’argent qui par ailleurs ne pouvait ni aider le peuple grec puisqu’il disparaissait aussitôt dans le trou noir du service de la dette ni arrêter l’alourdissement continu de celle-ci, obligeant de la sorte nos partenaires prolonger ce fardeau à perpétuité aux frais des citoyens.

 Et cette vérité était bien connue par les gouvernants allemands, mais ils n’ont jamais voulu vous la dévoiler.

 Et en effet, et avant même que la première année ne se soit écoulée et depuis 2011, nos prévisions ont été vérifiées. L’enchaînement des nouveaux prêts aux réductions drastiques des dépenses a non seulement échoué à dompter la dette, mais il a par surcroît puni les citoyens les plus faibles, en transformant les citoyens ordinaires qui avaient un emploi et un toit à des chômeurs sans-abri qui ont tout perdu, de plus, leur dignité.

 L’effondrement des revenus a conduit à la faillite de milliers d’entreprises, augmentant ainsi le pouvoir oligopolistique des entreprises qui ont survécu. De ce fait, les prix diminuaient moins que les revenus tandis que les dettes, publiques et privées, ne cessaient de s’alourdir. Dans ce contexte, où le déficit d’espoir a dépassé tous les autres déficits «l’œuf du serpent » n’a pas mis longtemps pour éclore – et les néo-nazis ont commencé à patrouiller les quartiers en semant la haine.

 Malgré son échec manifeste, la logique de «extend and pretend» continue à s’appliquer systématiquement encore aujourd’hui. Le deuxième accord de prêt de 2012, a ajouté une charge supplémentaire sur les épaules affaiblies de l’état grec, en réduisant les fonds de pension, en donnant un nouvel élan à la récession, en finançant aussi une nouvelle kleptocratie avec l’argent de nos partenaires.

 Des commentateurs sérieux ont parlé récemment de stabilité et même de croissance à propos de mon pays pour « prouver » que les politiques appliquées ont été efficaces. Aucune analyse sérieuse ne soutient cette «réalité» virtuelle. L’ augmentation récente de 0,7% du revenu national réel ne marque pas la fin de la récession mais sa poursuite, puisqu’elle a été réalisée dans une période d’inflation de 1,8%, ce qui signifie que (en euros) le revenu national a continué de baisser. Simplement, il diminue moins que la moyenne des prix – tandis que les dettes augmentent.

 Cet effort de mobilisation des «statistiques grecques», pour démontrer que l’application de la politique de la troïka est efficace en Grèce, est outrageant pour tous les européens qui ont enfin le droit de connaître la vérité.

 Et la vérité est que la dette publique grecque ne peut pas être honorée tant que l’économie sociale grecque se trouve en situation de simulation de noyade budgétaire (fiscal waterboarding).

 En outre, persévérer dans ces politiques  sans issue, dans le refus de reconnaître une simple question d’arithmétique, coûte au contribuable allemand et condamne en même temps un peuple fier à l’indignité. Et le pire: de cet fait, les Grecs se retournent contre les Allemands, les Allemands contre les Grecs, et l’idée d’une Europe Unie Démocratique est offensée cruellement.

 L’Allemagne, et plus particulièrement le contribuable allemand qui travaille dur n’a rien à craindre d’un gouvernement SYRIZA. Au contraire. Notre objectif n’est pas d’entrer en conflit avec nos partenaires. Notre objectif n’est pas d’obtenir des prêts supplémentaires ou un blanc-seing pour de nouveaux déficits. Notre objectif est la stabilité économique, des budgets primaires équilibrés et, bien sûr, la cessation des saignées fiscales opérées sur les contribuables depuis quatre ans par un accord de prêt inadéquat aussi bien pour la Grèce que pour l’Allemagne. Nous exigerons la fin de l’application du dogme «extend and pretend» non pas contre le peuple allemand, mais pour le bénéfice de nous tous.

Je sais, chers lecteurs, que derrière les demandes d’une «stricte application des accords» se cache la peur que « si nous laissons les Grecs faire ce qu’ils veulent, ils vont refaire le même coup». Je comprends cette inquiétude. Mais ce n’était pas SYRIZA qui a érigé en institutions dans mon pays la collusion des intérêts privés et la kleptocratie qui feignent de se soucier de l’observation «des accords» et des réformes puisque celles-ci ne les affectent pas, comme le démontrent les quatre dernières années des réformes engagées par le gouvernement Samaras sous la direction de la troïka. Nous, nous sommes prêts à entrer en conflit avec ce système afin de promouvoir des réformes radicales au niveau du fonctionnement de l’état, en établissant la transparence de l’administration publique, la méritocratie, la justice fiscale, la lutte contre le blanchissement d’argent. Ce sont ces réformes que nous soumettons à l’appréciation de nos citoyens aux prochaines élections.

 Notre objectif est la mise en place d’ un New Deal pour l’ensemble de la zone euro qui permettra aux grecs comme à l’ensemble des peuples européens de respirer, de créer, de vivre avec dignité. Avec une dette publique socialement viable. Avec une croissance qui est stimulée par des investissements publics financés – seul moyen de sortir de la crise – et non pas par la recette échouée de l’austérité qui ne fait que recycler la récession. En renforçant la cohésion sociale, la Solidarité et la Démocratie.

Le 25 Janvier en Grèce, une nouvelle opportunité surgit pour l’Europe. Ne ratons pas cette chance ».

Alexis Tsipras

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Économiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001  » Des Lions menés par des ânes « (Editions Robert Laffont) ou il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage « L’Etat est mort, vive l’état » Editions François Bourin 2009 prévoyait la chute de la Gréce et de l’Espagne. Il est le fondateur et président de Gavekal research (www.gavekal.com) et Gavekal securities et membre du conseil d’administration de SCOR.

SOURCE DE L’ARTICLE :

http://institutdeslibertes.org/crise-grecque-le-point-de-vue-de-syriza/

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