Sarajevo à feu et à sang : les émeutes de la misère

Bosnie: émeutes contre la pauvreté et le chômage

Une manifestation contre la pauvreté et le chômage a tourné à l’émeute vendredi à Tuzla (nord-est) et à Sarajevo où les manifestants ont saccagé les sièges des administrations régionales.

Ces manifestations, pour la troisième journée d’affilée, sont d’une ampleur sans précédent dans cette ex-république yougoslave qui, il y a trente ans jour pour jour, accueillait les Jeux olympiques d’hiver.

Elles illustrent l’exaspération de la population face à une classe politique engluée dans des querelles politiciennes et incapable de redresser une économie sinistrée, depuis la fin de la guerre inter-communautaire de 1992-1995.

A Tuzla, une centaine de jeunes encagoulés portant des insignes de l’équipe locale de football ont pénétré dans l’immeuble du gouvernement local où ils ont saccagé le mobilier et jeté des téléviseurs par les fenêtres.

Ces scènes se sont déroulées sous les yeux de plus de 5.000 manifestants qui applaudissaient.

Des flammes ainsi qu’une épaisse fumée noirâtre s’échappaient du premier étage de cette tour de dix étages.

Les protestataires à l’intérieur de l’immeuble ont empêché les pompiers d’éteindre les flammes.

Les policiers, au nombre de plusieurs centaines, ne sont pas intervenus et se sont repliés à une centaine de mètres pour protéger un immeuble abritant les services d’urgences de la ville.

Les incidents ont fait huit blessés. Deux d’entre eux grièvement atteints par des jets de pierres, un policier et un manifestant, ont été hospitalisés.

« Le printemps bosnien »

Un des leaders des manifestants, Aldin Siranovic, a déclaré que la foule réclamait la démission du gouvernement.

« Ils nous volent depuis 25 ans et ruinent notre avenir. Nous voulons qu’ils s’en aillent », a-t-il lancé à la foule.

A Sarajevo, un millier de « protestataires ont cassé les fenêtres et ont mis le feu aux guérites des gardiens et aux locaux » de l’immeuble abritant l’administration régionale, a rapporté la télévision officielle locale.

A Zenica (centre), des échauffourées ont éclaté entre environ 3.000 manifestants et forces de l’ordre, faisant cinq blessés parmi les policiers, selon l’agence officielle Fena.

Comme les jours précédents, des manifestations devaient avoir lieu dans une vingtaine de villes dont Prijedor (nord), Mostar (sud), Banja Luka (nord) et Bihac (nord-ouest).

« La révolte des citoyens! » a titré en une Dnevni Avaz, le principal quotidien local. « Le printemps bosnien! » affirmait pour sa part le quotidien Oslobodjenje.

Rongé par une corruption endémique, ce petit pays balkanique de 3,8 millions d’habitants est l’un des plus pauvres d’Europe. Le chômage frappe 44% de la population active, mais la Banque centrale estime toutefois le nombre de personnes sans emploi à 27,5% car beaucoup de gens sont employés au noir.

Le salaire mensuel moyen est de 420 euros, et près d’un habitant sur cinq vit dans la pauvreté, selon des statistiques officielles.

« De plus en plus de gens vivent dans la misère et dans la pauvreté, ils ont faim. Le peuple a perdu l’espoir et ne croit plus à une amélioration de la situation. Manifester est leur seul moyen » d’être entendu, a commenté un analyste local, Vehid Sehic.

« Policiers! Vous êtes nos frères, nos camarades, nos voisins! Vous devez nous rejoindre », a lancé à l’adresse des forces de l’ordre à Tuzla, Nihad Karac, un manifestant.

« Je suis à la rue depuis deux ans. Les autorités sont sourdes à nos appels et elles méritent ce qui leur arrive », s’est exclamé son camarade Mithad Kukuruzovic.

Vendredi, les écoles et les universités de Tuzla avaient fermé leurs portes par crainte de nouvelles manifestations violentes.

La veille, dans cette même ville, des heurts violents entre des milliers de manifestants et les forces de l’ordre avaient fait 130 blessés, en majorité des policiers. Huit protestataires ont été interpellés.

Des scènes de pillages ont été rapportées par la presse locale en marge de la manifestation.

Quelque 7.000 personnes, selon les médias locaux, 2.000 selon la police, avaient protesté dans cette ville, jadis la plus importante ville industrielle de cette ex-république yougoslave. La manifestation avait rassemblé des salariés de plusieurs anciennes entreprises publiques en faillite qui n’ont plus reçu de salaire depuis plusieurs mois.

Source : Le Point

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