Grèce : la Troïka réclame encore plus d’austérité

Depuis lundi, les membres de la Troïka sont revenus à Athènes, après avoir interrompu les discussions pendant plus d’une semaine, faute d’accord avec le gouvernement grec. De plus en plus excédés, les Grecs se demandent ce que leurs créanciers vont encore réclamer, avant de débloquer les 31,5 milliards d’euros de crédits de soutien promis depuis juillet mais toujours pas débloqués.

Les membres de la Troïka insistent pour que les salaires, les retraites, les allocations sociales soient diminués de façon plus importante encore afin d’obtenir « des résultats immédiats ». Ceux-ci entendent que le gouvernement grec se conforme à la lettre à leur plan et trouve les 11,5 milliards d’économies promises. Les 15 000 suppressions d’emploi dans la fonction publique leur semblent insuffisantes. Pour eux, le salaire minimum, qui a déjà été réduit de 22 %, doit encore être diminué, voire supprimé ; les conventions collectives doivent disparaître, tout comme les heures supplémentaires ; le temps de travail doit être allongé, et la semaine de travail portée à six jours ! En découvrant ces exigences, les Grecs sont au bord de l’explosion.

Les membres de la Troïka réclament 11,5 milliards d’euros d’économies avant de s’engager plus loin dans le soutien financier à la Grèce. Lundi, le gouvernement grec a présenté un projet de budget, sous le sceau de l’extrême austérité. Pour répondre aux exigences posées, 7,8 milliards d’euros d’économies supplémentaires sont inscrits dans le projet de loi de finances 2013, auxquels doivent s’ajouter quelque 2 milliards d’euros de taxes et d’impôts supplémentaires. La moitié des économies doit provenir des réductions sur les retraites, le reste étant pris sur les économies de salaires, les réductions des dépenses de santé, d’éducation, de défense, de nouvelles suppressions d’emploi dans le secteur public, la disparition d’entreprises publiques, la réforme des autorités locales.

Ces nouvelles coupes ne peuvent que prolonger la dépression de l’économie grecque. Le gouvernement prévoit déjà une récession pour la sixième année consécutive. Selon ses calculs, l’économie, qui devrait chuter de 6,6 % en 2012, devrait encore plonger de 3,8 % l’an prochain. En six ans, le PIB de la Grèce aurait ainsi diminué de plus de 25 % ! Le chômage, qui touche 23,5 % de la population active, devrait progresser à 24,7 %, selon les projections gouvernementales jugées déjà bien trop optimistes. En dépit de tous ces efforts, aucun signe d’amélioration notable ne devrait transparaître dans les comptes publics : le déficit public passerait de 6,6 % à 4,2 %. Surtout l’endettement continuerait à exploser, progressant de 162 % à 179 % du PIB. Un fardeau insupportable.

En découvrant ces exigences, les Grecs sont au bord de l’explosion. « Ce n’est pas un comportement de partenaires. Selon les chiffres du ministère de l’intérieur, 180 000 fonctionnaires vont être licenciés ou non renouvelés. Malgré cela, ils insistent, de façon inacceptable, pour d’autres suppressions d’emploi », a tonné Giorgos Dollios, député du Pasok (parti socialiste). Tout en essayant de maintenir les discussions, le ministre des finances, Yannis Stournaras, semble lui aussi perdre patience. Il a rappelé à ses interlocuteurs internationaux que la  coalition actuelle était le gouvernement de la dernière chance pour maintenir la Grèce dans la zone euro et obtenir des réformes. Si cette coalition explose, tous les aventurismes deviennent possibles, les a-t-il prévenus. L’argument semble être resté sans effet.

Vers une nouvelle restructuration de la dette ?

Car derrière la position dure, chacun des représentants de la Troïka semble avoir un agenda caché. Les dissensions ne sont pas encore portées au grand jour, mais les différences de vue entre le FMI et l’Europe vont grandissant. La semaine dernière, Christine Lagarde, directrice générale du FMI, est allée discrètement rencontrer Angela Merkel à Berlin. Rien n’a filtré de leurs conversations. Mais ce qui se passe en Grèce laisse à penser qu’un terrain d’entente n’a pas été trouvé.

Personne ne veut assumer le lamentable échec des remèdes imposés à la Grèce. Comme le rappelle l’institut de la finance internationale, « les conditions économiques se sont détériorées bien plus que ce qui était prévu dans le programme EU-FMI ». Insistant sur l’urgence de donner maintenant la priorité au redémarrage de la croissance, cet institut suggère que l’Union  européenne et la BCE fassent à leur tour des efforts et abaissent les intérêts sur les prêts consentis à la Grèce. La mesure, selon lui, serait plus efficace que l’allongement des délais pour permettre à la Grèce de se redresser.

C’est le plan auquel est en train de se rallier le FMI. Inquiet par la dégradation d’une situation qu’il ne sait plus comment contrôler, ce dernier prône désormais non seulement le versement de nouvelles aides mais aussi une nouvelle restructuration de la dette grecque. Les créanciers privés ayant accepté une diminution de 70 % de leurs créances en début d’année, sans que l’État grec en ressente le moindre soulagement – l’endettement du pays est resté à 160 % du PIB –, l’institution internationale préconise maintenant que les créanciers publics renoncent à leur tour à une partie substantielle de leurs prêts, ou aménagent les conditions de crédit accordées à la Grèce. Entre les plans de sauvetage consentis à Athènes, et les rachats de dettes obligataires par la Banque centrale européenne, quelque 200 milliards d’euros de dette grecque sont détenus par les Européens.

Pour le FMI, cette solution présente le double avantage d’éviter à la Grèce une faillite non maîtrisée et d’assurer que le FMI, dernier créancier important du pays, serait bien remboursé. Ce qui permettrait d’apaiser les tensions au sein de l’organisme international, nombre de pays émergents se plaignant des facilités accordées à l’Europe et exigeant que le FMI se désengage prestement de ce dossier, pour le laisser au seul soin des Européens.

Ces propositions sont jugées inacceptables par la BCE comme par les autres pays européens. Face à des opinions publiques de plus en plus inquiètes, et à qui on impose des cures d’austérité et une récession prolongées, les différents gouvernements européens ne s’imaginent guère expliquer à leurs ressortissants que les milliards d’euros d’aide consentis à la Grèce sont perdus à jamais, et que, de plus, il faut lui consentir de nouvelles aides.

Comme à son habitude, Angela Merkel tient la ligne du refus. Pas question pour elle de se présenter devant le parlement allemand avec un tel plan. D’autant qu’après la Grèce, l’Espagne, à son tour, risque de demander de l’aide. Pour éviter ce scénario noir, Berlin multiplie les injonctions auprès du premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, pour le presser de ne pas faire appel à l’aide européenne.

Pour l’instant, les discussions se poursuivent à huis clos. Chaque partie a convenu qu’il était urgent d’attendre jusqu’aux élections américaines. Alors, les membres de la Troïka temporisent, en poussant toujours plus loin leurs exigences. Les discussions sur le budget s’éternisent, tandis que le FMI repousse toujours plus loin son rapport sur la situation grecque. Pendant ce temps, la Grèce, totalement asphyxiée, attend toujours les financements promis.

Parmi les milliers de chiffres et de données, analysés par les membres de la Troïka, un semble avoir été accueilli dans une totale indifférence par les représentants internationaux. Selon un sondage réalisé par le quotidien Ekathimerini, le parti fasciste Aube Dorée recueille désormais 22 % d’opinions favorables dans la population. Il était à 8 % lors des dernières élections.

Source : http://www.mediapart.fr/journal/international/021012/fmi-et-europe-se-divisent-sur-la-facon-daider-athenes

Commentaires sont clos