Sous la coupe des « maitres du monde » ou les désastres de la globalisation

Une fois de plus nous allons nous pencher sur le modèle américain, qui, à bien des égards est loin d’être un modèle à suivre. Malheureusement nos mains sont dans l’engrenage. Le mécanisme est impitoyable et fou, sans prise de conscience urgente, nous y serons broyés corps et bien.

Le problème des quelques 70 ans qui précèdent, c’est que nous, européens,  n’avons pas eu d’autre choix que de nous laisser doucement  et insensiblement coloniser.  La propagande a fait rage. Toute influence de l’Est fut soigneusement barrée. La guerre froide a sévi en Europe, L’est, c’était le diable, sauf pour quelques communistes égarés. D’un côté des gens encore à moitié barbares dégénérés par le marxisme, de l’autre, le capitalisme bling bling américain son rêve pailleté de réussite, de liberté, d’inventivité, de permissivité.  Ainsi, nous avons subi sans nous en rendre compte, ou pire, avec irréflexion et enthousiasme (America America) un lavage de cerveaux sur des générations qui a rendu inacceptable toute influence qui viendrait de l’Orient aussi proche soit-il. 

Pour quel résultat plus d’un demi siècle après ? Où en est la société américaine sous la coupe de ces oligarques qui se pensent maîtres du  monde ? Appauvrie, obèse, frustrée d’un rêve qui devient de plus en plus inaccessible à la classe moyenne, pourrie par une dette pharaonique, économiquement pillée par les 1% et un budget militaire qui la saigne, gavée de médias menteurs et obscènes qui la tirent vers le bas, l’Amérique profonde, populaire,  décline.

C’est la réflexion de cet article qui, pour les raisons exposées plus haut ne parle pas seulement de nos cousins d’outre-Atlantique mais aussi de nous et de notre futur probable, rendu plus certain encore aujourd’hui par le choix que nous avons fait de donner les clefs de la maison à des VRP de la globalisation, marionnettes du Bilderberg.

Galadriel 

Le désastre de la civilisation américaine

On a parlé ici de la crise du tourisme en Amérique. Parlons de la crise de la civilisation en Amérique, cette nation indispensable qui crée un monde zombi à son image.

Il reste un cinéaste américain, Alexander Payne, qui nous conte, à travers des films comme Les Descendants, Monsieur Schmidt ou Nebraska, le désastre de la civilisation américaine. La matrice américaine entre les mains des oligarques a tué la civilisation américaine et l’a dévitalisée. Michael Snyder, sur son blog, ne cesse de nous donner, semaine après semaine, des nouvelles de cet effondrement physique de l’Amérique, cette Amérique représentée par les jeunes filles odieuses et monstrueuses comme la grosse Kardashian ou l’Ivanka Trump-Kushner.

Le néant US accompagne bien sûr une extension du domaine de la lutte, pour reprendre l’expression de Houellebecq. Car la matrice fait vivre de plus en plus mal les gens à l’intérieur, et elle fait souffrir ou extermine de plus en plus de peuples à l’extérieur, du monde musulman aux banlieues industrielles chinoises et bengalis (cinq euros par mois pour fabriquer des chemises vendues soixante chez Gap) en passant par la banlieue française. Comme dans un livre de Jack London que j’ai analysé récemment, l’oligarchie devient de plus en plus fasciste et dangereuse, car elle carbure moins à l’impérial qu’au prétexte humanitaire : réparation du monde (tikkun), lutte contre le nationalisme, le sous-développement, le terrorisme (sauf Daesh), l’islamisme, etc.

Jack London écrit dans le Talon de fer : « La force motrice des oligarques est leur conviction de bien faire. » Les milliardaires éduquent ensuite leurs enfants et les rendent tout prêts à amender l’humanité, et à l’exterminer comme populiste quand elle ne veut pas être amendée !

Et s’il y a un cinéaste, il y a aussi un grand analyste du désastre US (qui est devenu le nôtre lors de notre passage à la globalisation), et qui se nomme Howard Kunstler. Je donne ici deux extraits de son dernier texte, qui résume son œuvre maîtresse, The Long Emergency.

Froidement, Kunstler présente ainsi son pays :

Je vis dans un coin de cette Amérique périphérique, où vous pouvez facilement lire les conditions de vie sur les murs : les rues principales vides, surtout quand la nuit tombe, les maisons sans soins et se dégradant d’année en année, les fermes abandonnées avec des granges qui tombent en ruine, les outils agricoles rouillant sous la pluie et les pâturages couverts de sumacs, ces chaînes nationales de magasins parasites, poussant comme des tumeurs aux abords de chaque ville.

Ce pourrissement culturel créé par l’oligarchie avide et folle, les Wal-Mart, la multiplication des « détritus urbains » (Lewis Mumford) et la crétinisation médiatique créent une humanité à la hauteur :

Vous pouvez le lire dans le corps des gens dans ces nouveaux centre-ville, c’est-à-dire le supermarché : des personnes prématurément vieilles, engraissées et rendues malades par la consommation de mauvaises nourritures, faites pour avoir l’air et avoir un goût irrésistible pour les pauvres qui s’enfoncent dans le désespoir, une consolation mortelle pour des vies remplies par des heures vides, occupées à regarder la trash-télé, des jeux informatiques addictifs et leurs propres mélodrames familiers conçus pour donner un sens narratif à des vies qui, autrement, ne comportent aucun événement ou effort.

Tout programme télé me semble à moi aujourd’hui totalement insupportable. Il ne faut plus être tout à fait humain pour se gaver de télé. Évidemment, cela rend ensuite la démarche plus dure à l’antisystème : comment peut-il expliquer le monde à un zombi nourri de l’arme de destruction massive qu’est la télévision ? Et l’on rencontre ce problème tous les jours. On est dans le classique de Don Siegel.

Une illustration donnée par Snyder a magnifiquement illustré l’involution américaine des années Eisenhower aux années Obama. On peut en dire autant du cinéma. Godard disait qu’il ne critiquait pas le cinéma américain contemporain parce qu’il était anti-américain, mais parce que ce cinéma est devenu mauvais. Où sont passés les Walsh, Ford et Minnelli d’antan ?

Il y a dix-sept ans, j’avais publié un roman d’anticipation sur ce thème, « Les territoires protocolaires ». C’est que la construction européenne avait facilité l’émergence d’une Europe déracinée et défigurée, présente déjà en France à l’époque de Pompidou : les grandes surfaces, les autoroutes, les zones de luxe, le pourrissement culturel par la télévision. Cet anéantissement de toute civilisation présent aussi au Maroc (agglomérations interminables autour de Tanger, aéroports, centres commerciaux, villas et immigration de luxe – gourbis et HLM pour les autochtones) se répand dans le monde comme un cancer.

L’insensibilité des populations toujours plus hébétées (Baudrillard) par les médias accompagne ce phénomène. On cherche à en savoir plus sur le simulacre Kardashian (soixante millions de tweeter ; et je rappelle : un million de commentaires par chanson Gaga) que sur la prochaine guerre ou l’état de son âme.
Lorsque j’avais découvert et commenté – en 2012 – Howard Kunstler pour la presse russe, il était encore à la mode en Amérique, et prévoyait comme toujours une catastrophe énergétique (prévoir une catastrophe financière ou autre est devenu une usine à gaz), mais surtout il décrivait cette apocalyptique réalité – celle que Kunstler appelle le sprawling, la prolifération de cette géographie du nulle part, qui s’étend partout et pourrit tout l’espace mondial (repensons à Guénon).

L’impérialisme américain devenu risible et hors de contrôle, mais impuissant aussi, ne doit pas nous faire oublier la vraie menace, celle du modèle économique et urbain. C’est par là que l’on devrait commencer les prochains combats qui nous guettent. Au lieu de prévoir des catastrophes imprévisibles, voir enfin ce désastre américain qui nous entoure et nous consume.

Nicolas Bonnal

Sources

Le blues national – Le Saker Francophone
Nicolas Bonnal – les territoires protocolaires ; les grands auteurs et la théorie… (Kindle)
Kunstler, James Howard, The Geography of Nowhere (Simon and Schuster, 1994). Kunstler, James Howard, The Long Emergency (Atlantic Monthly Press, 2005).
Jack London – Le talon de fer (ebooksgratuits.com)
Lewis Mumford – La cité dans l’histoire

SOURCE DE L’ARTICLE  :

http://echelledejacob.blogspot.fr/2017/05/le-desastre-de-la-civilisation.html#more

Merci à Gwendoline pour le lien