Progrès… L’algorithme de la mort qui calcule le temps qui vous reste à vivre
Économie, police, santé, justice, l’algorithme prédictif envahit petit à petit nos vies faisant de nous des êtres déshumanisés. immatériels réduits à un agencement de bits et d’octets. Plus de rêves possibles, plus de fantaisie, de hasard, plus d’émotions, ni de celles qui abaissent mais ni non plus de celles qui élèvent : Juste des IA programmées par un pouvoir devenu absolu qui choisit à notre place nos chemins de vie… ou de mort..
Ce titre est repris de la chronique de Catherine Boullay dans le 5/7 de France Inter. Avec sa belle voix et le ton enjoué dont elle est coutumière, la chroniqueuse matutinale a traité aujourd’hui de notre espérance de vie croissante et elle a abordé à ce propos l’apparition d’entreprises spécialisées dans la prédiction de guérison des maladies graves, comme par exemple Aspire Health (et là accrochez-vous !) :
« Grâce à ses prédictions, la société est capable de vous dire si vous mourrez dans l’année. Et pour qu’elle soit encore plus performante, Google lui a donné un petit coup de pouce de 32 millions de dollars. Vous voyez l’intérêt ? Et si demain on arrêtait de s’acharner à guérir des gens condamnés ? Finies les chimios les IRM, les scanners… En soins palliatifs et on arrête les dépenses ! »
J’n’sais pas vous mais moi, ça, ça m’fout les jetons comme dirait un personnage de Frédéric Dard. On nous dit que l’intérêt clairement assumé serait de faire des économies. Très bien, mais une chose est sûre : ce n’est pas l’intérêt du malade qui est recherché ; c’est bien plutôt l’intérêt d’une économie sociale de moins en moins solidaire.
Quand demain ce dispositif sera en place, un médecin pourra dire à son patient : « M. Martin, je suis au regret de vous dire que vous avez un cancer du foie et le diagnostic J’t’pompelasanté ® (Aspire Health) basé sur l’ensemble de vos données médicales est sans appel : vous avez moins de dix pour cent de chance de guérir et 95% de souffrir atrocement du traitement. Alors, dans votre malheur vous avez quand même de la chance car, outre que cette année encore vous avez encore le choix — l’année prochaine, la sécurité sociale refusera tout traitement quand la probabilité de guérison sera inférieure à 33% — la nouvelle loi sur les soins palliatifs autorise toute la palette des drogues normalement prohibées. Vous pourrez choisir celle qui vous convient le mieux pour finir vos jours le plus agréablement possible. Mais dans votre cas, je vous recommande tout de même de commencer par la morphine, c’est ce qu’il y a de plus efficace. Alors qu’en pensez-vous ? Vous êtes partant pour les soins palliatifs ? Ils sont tout près de chez vous ! Voilà, signez-là. C’est bien vous avez raison. C’est vraiment le choix à faire dans l’intérêt de tous. Adieu M. Martin »
Ce n’est pas un cauchemar ça ?
Pour bien comprendre l’entourloupe, revenons à ce bel aphorisme attribué à Disraëli et selon lequel il y aurait trois sortes de mensonges, chacune pire que la précédente : les mensonges, les affreux mensonges et les statistiques.
Ramenée au plan individuel une statistique est toujours un mensonge absolu car en tant qu’elle est une statistique, donc le résultat d’un calcul sur une population, elle ne peut rien dire de la trajectoire réelle que suivra tel ou tel individu. Elle peut juste estimer la trajectoire d’une population semblable. A l’intérieur d’icelle, un individu lambda pourra se situer n’importe où et donc à l’un ou l’autre extrême. M. Martin est peut-être celui qui va guérir s’il reçoit le traitement en dépit de la faible espérance statistique de son profil.
Auparavant seuls les diagnostics médicaux vous condamnaient. Maintenant les statistiques de l’assurance maladie vont pouvoir le faire directement sans qu’il y ait besoin de se coltiner aucun traitement. Ce n’est pas un peu « retour vers le futur » de l’euthanasie ?
Le fameux naturaliste Stephen Jay Gould a un jour appris qu’il était atteint d’une forme de cancer relativement rare, un mésothélium abdominal qui était incurable et donc 50% des malades ne survivaient pas huit mois au diagnostic.
Scientifique bien au fait de la chose statistique et homme avisé, Gould ne s’est pas laissé effondrer.
S’étant d’abord convaincu que :
…l’attitude a son importance dans la lutte contre le cancer. Nous ne savons pas pourquoi (sur la base de ma bonne vieille perspective matérialiste, je soupçonne que les états mentaux envoient des informations au système immunitaire). Mais si vous comparez des personnes avec le même type de cancer, même âge, classe, santé, statut socio-économique, et bien, en général, ceux qui ont des attitudes positives, avec une forte volonté et un but dans la vie, un engagement à lutter, accompagné d’une réaction contribuant activement à leur propre traitement et pas seulement une acceptation passive de tout ce que disent les médecins, ces personnes ont tendance à vivre plus longtemps,
il a analysé finement les données scientifiques disponibles pour découvrir qu’en fait il y avait une énorme variabilité de la mortalité et que parmi les 50% de survivants après huit mois, certains avaient de sacrées bonnes chances de survie. La courbe de mortalité s’étalait en effet largement sur la droite et bien que mince (peu de survivants) elle couvrait plusieurs années. Gould a poussé un profond soupir de soulagement car, au lieu de se voir mort, il venait de comprendre qu’il allait pouvoir vivre, d’autant plus longtemps qu’il comptait bien se battre pour cela.
Gould a en fait survécu plus de vingt ans à son mésothélium abdominal et ce n’est pas ce dernier qui l’a tué, mais un autre cancer. Comme quoi, c’est encore l’individu qui fait la différence et aucune statistique ne devrait pouvoir gommer cela.
Bref, si je puis me permettre en guise de conclusion cette pirouette : « Ne votez pas Macron ! », car il est à l’évidence l’agent du Système — je dirais même l’agent de l’Empire — et je soupçonne que s’il y en a un qui pourrait faire advenir ce mode de gestion des maladies graves, c’est bien lui.
Malheureusement, il n’est probablement pas le seul à pencher de ce côté. Bref, quoi qu’il advienne de la présidentielle, les citoyens auront à vigiler !
par (son site)