Cinéma : Where to invade next ? de Michael Moore

Ne vous y trompez pas, c’est un film drôle..

CRITIQUE :

Malgré des succès colossaux et une Palme d’Or, la vision sociale, contestataire du lanceur d’alerte Michael Moore n’a guère changé l’Amérique contemporaine. Les armes nourrissent de façon journalière les tueries de masse, les ethnies sont plus que jamais divisées avec un sentiment d’abandon de la population afro-américaine qui est victime de préjudices quotidiens et de bavures, le capitalisme entretient les passions ardentes, creusant dans son sillon toujours plus profondément le fossé entre les différentes classes sociales et enterrant la classe moyenne du siècle dernier, et surtout les populismes, à l’image de celui grimpant sur notre vieux continent, s’octroient un forum d’expression médiatique sans précédent, notamment via l’ascension irrésistible de l’ogre Donald Trump.

Après une pause de 7 ans, la plus longue de son illustre carrière (Bowling For Columbine, Roger & Moi et Fahrenheit 9/11 sont ses oeuvres les plus célèbres), Moore revient aux valeurs qui sont les siennes, et prêche à nouveau sa bonne parole dans une Amérique évangélique, plus sensible aux discours religieux et de réussite personnelle que par ceux de partage et de socialisme.

En 2016, l’apôtre de la classe ouvrière revient secouer l’Amérique en lui proposant l’alternative sociale qu’elle a toujours niée, et en fantasmant cette fois-ci l’importation – ce qui est un jargon opportun pour une telle économie de marché – du meilleur des démocraties étrangères.

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Propulsé par la mort de son père vers des rivages lointains, hors de ses frontières (en Amérique, il ne filme point), comme pour exorciser la douleur et éviter la dépression certaine, Michael Moore a donc voyagé vers des terres bien connues des Français, mais souvent dénigrées par les clichés ethnocentriques d’une Amérique peu curieuse de l’autre, convaincue de sa supériorité par l’économie, qui pourtant ne couvre qu’une minorité d’Américains, laissant à terre indigents et l’ancienne classe moyenne, annihilée avec l’avènement de la mondialisation exponentielle.

Aux clichés d’une Europe et d »une Afrique (il visite aussi la Tunisie) au bord du chaos, il a décidé d’éclaircir l’obscurantisme d’une nation, en renvoyant dos à dos le négativisme ambiant par des clichés positifs dont peut s’enorgueillir chaque nation.

Non sans manipulation de discours, le metteur en scène dresse des portraits consensuels de pays qui semblent tous bâtis sur une utopie sociale qui, malheureusement, n’existe pas ou du moins qui peut paraître exagérée, mais l’intention est de proposer une contrepartie à l’Amérique libérale et conservatrice, en lui faisant miroiter un pot-pourri culturel instructif, bien que naïf.
Mais au diable la naïveté, les bonnes intentions et l’efficacité de l’approche, par la satire inoffensive, la parodie de l’impérialisme américain fait mouche. Michael Moore part à la reconquête de ses principes, brassant des thèmes bien connus dans sa filmographie, faisant tomber pendant 2 heures instructives et délicieusement cocasses les frontières des états pour évoquer le monde comme une constellation d’idées glorieuses à généraliser sur le globe aux détriments de la pluralité des peuples, comme si elles pouvaient s’appliquer partout.

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Moins sardonique qu’à l’accoutumée, se plaçant bien moins en danger qu’auparavant, lorsqu’il se frottait aux grands lobbies et aux entreprises tentaculaires, avec une volonté de subvertir le système de l’intérieur, Michael Moore, 60 ans, n’a nullement perdu de sa bonhomie et de son humanité salvatrice. En épousant l’international, il démontre son amour inconditionnel pour sa patrie que d’aucuns défendraient dans la violence des armes à feu, mais qu’il a décidé d’exhorter en ravivant la flamme des grands idéaux, ceux des pères fondateurs qui aujourd’hui s’étoufferaient en découvrant ce qu’est devenu leur héritage. Au lieu de l’obsession du soi, il propose de croire avant tout dans les vertus du nous. Pourquoi punir et entretenir les ravages et les haines, quand on peut comprendre et améliorer en profondeur le monde.

Frédéric Mignard

ARTICLE INTEGRAL : http://www.avoir-alire.com/where-to-invade-next-la-critique-du-film

Une autre critique :

« Where to invade next », l’hilarant hommage de Michael Moore à l’Europe

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