Si vous avez un doute quant au positionnement vis à vis de la Russie, si vous êtes troublés par le tsunami médiatique général otaniste anti-russe et/ou que vous avez à faire face à des personnes qui considèrent que la Russie nous menace, cette réflexion qui n’est de mon point de vue que pur bon sens devrait vous aider.
Le contexte géo-politique actuel est extrêmement tendu, même si les MMS ont momentanément détourné leurs regards pour se concentrer sur les migrants, le burkini et les petites phrases de la bataille des primaires.
La Syrie comme l’Ukraine sont des chaudrons de sorcière qui menacent la paix internationale, les provocations vis à vis de Moscou se multiplient (1) ainsi que analyses qui s’inquiètent de la politique US en Asie.(2)
De ce que je peux lire, les US sont dans une situation économique beaucoup plus dégradée que nous le font savoir les MMS atlantistes. Il se pourrait que des troubles recentrent la politique vers l’intérieur du pays, à moins qu’une fois encore la vieille recette du rassemblement d’une population autour de la peur d’un ennemi ne soit à nouveau utilisée…
Tout dépend donc de ce qui va se passer aux US dans l’année à venir. Les néo-cons garderont-ils avec la nouvelle présidence la main sur les relations extérieures étasuniennes ? Selon les affirmations d’Hillary Clinton, la réponse est oui. Mais si Donald Trump était élu, tiendrait-il ses promesses de réduire le budget militaire et de désengager les US de l’OTAN ? La CIA puissance officine de manipulation dont on a l’impression qu’elle est un État dans l’État laisserait-elle faire ou pourrait-elle organiser des conditions qui mettraient Trump dans l’obligation de renier ses propos ?
Ce sont pour le moment des questions sans réponses. Nombre d’hypothèses fleurissent avec arguments à la clé, sauf qu’à moins d’être voyant, (et encore), nul pour le moment ne peut prédire l’avenir avec certitude dans le contexte hyper complexe de conflits dont les racines plongent à la fois dans des imbroglios politiques et une guerre farouche pour des ressources qui vont en s’épuisant. Il est donc difficile d’analyser objectivement tous les éléments.
Si quoi que ce soit de grave arrivait, la Russie serait immédiatement pointée comme la source de tous les ennuis de la terre.
Il ne s’agirait, pas sous le coup de l’émotion, de se laisser emporter et se tromper de cible.
Il est également possible que cela n’arrive pas, que l’éveil des consciences soit suffisant pour exercer un basculement de la géo-politique mondiale vers plus de raison. Dans cette pénombre générale, la moindre petite lumière compte et chacun de nous dans le monde en représentons une. La paix est un état d’esprit. Ne l’oublions pas.
Galadriel
Comme si elle avait les vertus d’un exorcisme incantatoire, une véritable litanie inonde les médias occidentaux. La Russie, dit-on, est une menace pour l’Occident, un péril mortel pour ses intérêts, un ferment corrosif pour ses valeurs.
Insensible à la diplomatie, cette puissance aux allures de brute épaisse ne comprend que la force. Hermétique à la négociation, elle est totalement imperméable au code de conduite des nations civilisées. Il faut regarder la réalité en face, et cesser de croire que la Russie a changé, qu’elle n’est pas la réplique d’une URSS dont elle charrie le sinistre héritage. Si l’on veut s’opposer aux ambitions effrénées de l’ogre russe, inutile d’y aller par quatre chemins : il faut réarmer au plus vite et se préparer au pire.
Résumé bêtifiant de tous les lieux communs de l’atlantisme vulgaire, ce discours belliciste n’est pas qu’un discours. Il y a aussi des actes, et ils sont lourds de signification.
Les USA ont installé chez leurs vassaux d’Europe orientale un bouclier antimissile qui fait peser sur Moscou la menace d’une première frappe et rend caduc tout accord de désarmement nucléaire. L’OTAN multiplie les manoeuvres conjointes aux frontières occidentales de la Fédération de Russie, de la Mer Baltique à la Mer Noire.
Colossal, le budget militaire US représente la moitié des dépenses militaires mondiales. En pleine expansion, il équivaut à neuf fois celui de la Russie. A l’évidence, l’essentiel des dépenses nouvelles vise à développer une capacité de projection des forces à l’extérieur, et non à défendre des frontières que personne ne menace.
Dans un monde régi par un minimum de rationalité, ces réalités géostratégiques devraient suffire à couvrir de ridicule les gogos de droite et de gauche qui avalent la propagande antirusse comme on boit du petit lait. Mais les idées les plus stupides ont la vie dure, et il y a encore des semi-habiles pour croire que la Russie est une puissance impérialiste au même titre que les Etats-Unis d’Amérique. Si l’impérialisme désigne l’attitude consistant pour une grande puissance à imposer de gré ou de force son hégémonie à d’autres puissances, on se demande en quoi la politique russe relève de cette catégorie. Où sont les États envahis ou menacés par la Russie ?
L’Ukraine est en proie à une crise intérieure gravissime consécutive au coup d’Etat qui a porté au pouvoir une clique ultra-nationaliste dont la politique n’a cessé d’humilier la population russophone des régions orientales. C’est cette provocation délibérée des autorités usurpatrices de Kiev, soutenues par des groupes néo-nazis, qui a poussé les patriotes du Donbass à la résistance et à la sécession. Mais aucun char russe ne foule le territoire ukrainien, et Moscou a toujours privilégié une solution négociée de type fédéral pour son grand voisin. En témoignent les accords de Minsk I et II, qui ont été bafoués par le gouvernement ukrainien, et non par celui de la Russie.
Aujourd’hui, la seule armée qui tue des Ukrainiens est celle de Kiev, cyniquement portée à bout de bras par les puissances occidentales pour intimider Moscou. Dans toute cette région, c’est l’Occident qui défie outrageusement la Russie à ses frontières, et non l’inverse. Que dirait-on à Washington si Moscou menait des manœuvres militaires conjointes avec le Mexique et le Canada, et encourageait à coups de millions de roubles la déstabilisation de l’Amérique du Nord ?
Que le terme d’impérialisme s’applique à la politique US, en revanche, ne fait pas l’ombre d’un doute. Elle est d’ailleurs revendiquée par Hillary Clinton qui vient de rappeler que les USA sont « la nation indispensable du monde », un « pays exceptionnel, champion inégalé de la liberté et de la paix », qui montre le chemin à ces peuplades innombrables qui n’ont pas le bonheur d’être américaines, mais qui savent se montrer reconnaissantes à l’égard de leur sauveur à la bannière étoilée. « Les peuples du monde nous regardent et nous suivent. C’est une lourde responsabilité. Les décisions que nous prenons, ou que nous ne prenons pas, affectent des millions de vies. L’Amérique doit montrer le chemin », proclame la candidate démocrate.
On imagine la teneur des commentaires si M. Poutine avait affirmé urbi et orbi que la Russie doit guider le monde et sauver l’humanité. Mais c’est l’Amérique, et elle a une « destinée manifeste ». Investie d’une mission civilisatrice à vocation planétaire, l’Amérique est le « nouvel Israël », apportant la lumière aux nations confites d’émotion et saisies d’admiration devant tant de bonté.
Pour le cas où l’enthousiasme des vassaux viendrait à mollir, toutefois, la présence de 725 bases militaires US à l’étranger devrait probablement suffire à y remédier et à entraîner malgré tout l’adhésion des populations récalcitrantes. 725 bases militaires : un chiffre froid et objectif qui donne un minimum de consistance matérielle à ce joli mot d’impérialisme dont abusent les amateurs en géopolitique lorsqu’ils l’attribuent à la Russie de Vladimir Poutine.
Car la Russie, elle, n’a pas 725 bases militaires hors de ses frontières. Précisément, elle en a 2, ce qui fait une sacrée différence. La première base est au Kazhakstan, pays allié et limitrophe de la Russie, dont 40% de la population est russophone. La seconde est en Syrie, près de Lattaquié, installée en 2015 à la demande expresse d’un Etat souverain soumis à une tentative de déstabilisation pilotée depuis l’étranger.
Un mot sur l’auteur : Bruno Guigne est un ancien élève de l’École Normale Supérieure et de l’ENA, Haut fonctionnaire d’Etat français, essayiste et politologue, professeur de philosophie dans l’enseignement secondaire, chargé de cours en relations internationales à l’Université de La Réunion. Il est l’auteur de cinq ouvrages, dont Aux origines du conflit israélo-arabe, L’invisible remords de l’Occident, L’Harmattan, 2002, et de centaines d’articles.
VIA : http://www.jacques-tourtaux.com/blog/russie/bruno-guigne-comment-peut-on-etre-pro-russe.html#4rwKXmtOdHBEHvlx.99
(1) http://arretsurinfo.ch/les-avions-espions-americains-continuent-de-sagglutiner-a-la-frontiere-de-la-russie/
(2) http://www.mondialisation.ca/strategies-des-conflits-mondiaux-une-guerre-contre-la-chine-et-la-russie-conception-militaire-de-washington-en-asie-pacifique/5544880