Merci Linky par Frédéric Wolff

Un vrai bonheur… Ne loupez pas ça !

La fronde contre les compteurs communicants gagne du terrain. Des communes – 91 à ce jour – s’opposent à ces mouchards toxiques, des collectifs s’organisent, des individus cadenassent leurs bons vieux compteurs… Manifestement, le courant a du mal à passer.

Vendredi dernier, une réunion publique a rassemblé près de 400 personnes dans un village du nord-Bretagne. Du jamais vu, de mémoire d’autochtone. La salle était comble, les prises de parole se sont succédé pour dénoncer avec véhémence l’assujettissement technologique et les méthodes des installateurs – c’est à croire que les maîtres et leurs valets font tout pour nous pousser à les rejeter. Une jeune femme électro-hypersensible a témoigné de sa vie en errance dans un monde où elle n’a plus sa place. Prochaine réunion mardi, en plus petit comité, pour réfléchir à la suite.

Des fils seraient-ils en train de se nouer entre individus et collectifs issus d’horizons différents ? Nos modes de vie et nos prothèses sans fil vont-ils être mis en question ?  Des liens vont-ils se faire, dans les consciences, entre la planète intelligente et la surveillance, la contrainte, la déshumanisation électroniques ? Bref, Linky serait-il l’un des liens manquants pour penser, se rassembler et, pourquoi pas, s’affranchir de l’emprise des machines ?

Dira-t-on bientôt : Merci Linky ?

En attendant l’arrivée de ces compteurs sur ma commune – dont j’interpelle depuis des mois les élus sans succès jusqu’ici –, j’ai préparé ma lettre de refus. La voici. Refuser… Soyons nombreux à faire nôtre ce verbe et à lui adjoindre le maximum de métastases industrielles de notre choix !

Cher Messieurs Linky et consorts,

Vous m’informez de votre venue chez moi pour m’installer un compteur communicant et, mieux encore, intelligent, d’après vos déclarations. C’est très aimable à vous, de penser à mon bien-être sans aucun frais, mais malheureusement, je ne vais pas pouvoir donner suite à votre proposition, en raison de tout l’intérêt qu’elle ne présente pas.

Pourquoi cela ? Tout simplement parce que j’ai déjà ce qu’il faut.

– Question conteur, mon ami Roland, entre autres, me donne toute satisfaction, et tous les deux, nous communiquons admirablement bien, nous n’avons pas besoin de machine pour cela. Quand il passe me voir, il a toujours une histoire à me raconter et, sans vouloir désobliger, je doute qu’un compteur, aussi communicant soit-il, me parle et m’écoute avec autant d’humanité sensible. C’est une question de bonne connexion avec ses semblables, une manière d’être sur la même longueur d’ondes, autrement dit.

– A propos des ondes justement, je dispose déjà d’une collection assez complète à domicile, et ce, 24 heures sur 24 : la wifi de mes charmants voisins qui aiment beaucoup partager apparemment, les antennes tout près de chez moi et, où que j’aille, la camelote des shootés du selfie, du twitt et du trip d’être “joint” à toute heure et en tous lieux.

Vous me proposez gentiment d’en rajouter une couche, vous m’assurez de l’absence de risque, sans assurance couvrant quoi que ce soit, curieusement… Bref, vous me demandez de vous croire sur parole, vous qui êtes juge et partie. Vous me permettrez d’être libre de mes croyances et de ne pas m’en laisser conter en ce domaine, quelle que puisse être l’intelligence de vos compteurs.

Et voyez-vous, ce que je crois, c’est avant tout ce que je vois : des alertes par milliers, venant de scientifiques, de médecins, de l’Europe, de l’OMS, à propos des dangers de toutes ces ondes nocives. Je vois des sœurs et des frères humains qui doivent quitter tout ce qui donne de la valeur à leur vie : leur maison, leurs amitiés, leur famille, leur travail, la joie simple d’être vivant. Ils le quittent, non par masochisme ou par phobie, mais parce que ces ondes sont devenues une torture pour leur corps et pour leur cerveau. Ce que je vois, ce sont des êtres qui n’ont plus ni refuge, ni lieu où vivre sans douleurs, parce que vous et vos gadgets détruisez ce qui reste de monde habitable.

Alors vraiment, merci, mais je préfère ne pas devenir Alzheimer, même pour mon bien. Désolé, mais finalement, non, je ne vais pas profiter de vos offres de maladies gratuites, j’ai d’autres projets dans ma vie. Je vais peut-être vous paraître rétrograde, mais j’aime autant éviter un cancer, même intelligent.

– Pour l’intelligence, j’essaie de faire avec celle dont je dispose et dont je n’ai exploré qu’une parcelle infime. Je n’ai nullement besoin d’une machine qui pense à ma place, je sais encore lire l’index de mon compteur situé dans mon garage. J’ai juste le désir d’avancer dans ma conscience du monde et de la vie, avec d’autres cœurs intelligents, et je doute fort que votre intelligence électronique soit celle de l’âme de notre humanité.

– Ce qui reste d’humanité, précisément, vous le remplacez par des puces, en laissant derrière vous des êtres désœuvrés, seuls avec leurs écrans et, quand ils ne peuvent plus supporter leurs ondes toxiques, seuls avec leurs souffrances.

Personnellement, je n’ai aucune envie d’être pucé, fiché et fliqué, que ce soit par un compteur, un téléphone, des objets connectés ou des machines qui parlent à des machines. Je n’aspire pas à brader ma vie privée à des fins commerciales ou policières, au profit d’escrocs ayant ou n’ayant pas pignon sur rue.

– Vous me certifiez que ces nouveaux compteurs épargneront mes économies et la planète par-dessus le marché. J’ai dû me pincer plusieurs fois car, pour tout vous dire, je ne vous savais pas philanthropes à vos heures.

Enfin, quand même… Vous et votre énergie de destruction massive, vous et vos EPR ruineux et dangereux, vous et vos pertes financières, vos centrales hors d’usage et vos déchets radioactifs dont vous ne savez que faire… Et vous vous voudriez être acclamés comme sauveurs de la planète et de nos petites économies ? Permettez-moi juste d’exprimer ma perplexité, pour ne pas dire mon impression d’être pris pour un débile profond qui a décidément besoin d’être assisté de prothèses intelligentes pour comprendre le monde un tant soit peu.

D’ailleurs, je ne suis pas sûr de tout saisir. Un exemple ? En quoi gaspiller des dizaines de millions de compteurs qui fonctionnent parfaitement est-il écologique ? Je pensais naïvement que nous avions à combattre l’obsolescence programmée, mais sans doute, cette résolution est-elle obsolète à son tour, grâce aux dogmatiques de la croissance verte dont vous êtes ?

Un autre exemple ? Vous expliquez doctement que ces compteurs permettront d’avoir enfin des factures précises, non basées sur des estimations, en feignant d’ignorer que, depuis des années, il est possible de communiquer par téléphone l’index de sa consommation réelle.

Quant à vos exhortations sempiternelles à nous connecter à vos pages d’accueil et à vos tableaux de bord, via des smartphones, des ordinateurs et des tablettes, en quoi cela est-il vertueux, quand on sait ce que ces technologies dilapident de ressources rares et d’énergie ? Vous qui avez incité au chauffage nucléaire dans des logements passoires, vous voilà aujourd’hui adeptes de l’hyper-connexion polluante et prédatrice. Franchement, je m’incline.

En matière de cynisme, vous rayonnez au-delà de toute limite. Ainsi, commercialiser des produits et des services liés à ces compteurs – comme des alarmes contre le vol, après avoir rendu nos données privées piratables par des cambrioleurs, notamment !  – vous appelez ça comment ? Une source d’économie ? Une arnaque au carré ? Avec vous, on n’est jamais déçu. Tant qu’à faire dans l’indécence, autant mettre le paquet en se payant une vertu et nos têtes de nœud par la même occasion.

Cerise sur le gâteau, votre courant, qu’on dit porteur en ligne (CPL), peut provoquer des incendies et endommager les appareils électriques. Comme vous dégagez toute responsabilité, comme les assurances ont exclu de leurs garanties les dommages causés par vos ondes, la facture sera payée par qui ? Par les victimes de ces sinistres ! Chapeau bas. Le doute n’est plus permis : vous êtes hors concours.

Sachez quand même que je ne vous ai pas attendu – et je suis loin d’être le seul –  pour me passer de votre énergie délétère et pour aller vers la sobriété et, même si le mot vous déplaît, vers la décroissance.

Bref, vous l’aurez compris, votre compteur, fût-il intelligent, communicant – ou bienveillant pendant que vous y êtes –, je n’en veux pas. Ne comptez pas sur moi pour faire partie des pigeons que l’on plume et qui finissent cobayes dans les micro-ondes de votre monde-laboratoire.

Je préfère des humains qui comptent pour moi, des êtres de chair et d’âme à qui parler de vive voix, avec qui vivre en bonne intelligence et, si le cœur nous en dit, pourquoi pas, avec qui conter fleurette, un dimanche de soleil, dans les bonnes ondes du printemps.

Inutile de me proposer un moratoire ou je ne sais quelle autre supercherie dilatoire. Vous êtes nuisibles sur tous les plans et vous le resterez, moratoire ou pas.

Sans façon, merci de ne pas me refourguer vos mesures d’exposition en millivolt par mètre, fussent-elles scientifiques et indépendantes. Parce qu’enfin, à partir de quel seuil d’irradiation risque-t-on pour sa santé, en fonction de son âge, de ses antécédents et de sa vulnérabilité ? Quels effets cocktails convient-il d’éviter entre les différentes fréquences de Méga-hertz et les millions de molécules chimiques dont nous abreuvent les industriels depuis le jour de notre conception ? Combien faudra-t-il torturer de cobayes de laboratoire pour savoir ce que nous savons déjà : ces technologies sont incompatibles avec la vie. La société de surveillance et de contrainte deviendra-t-elle subitement acceptable parce que nous aurons câblé les circuits électriques de nos habitations ? La dévastation du monde sensible et naturel sera-t-elle recevable parce que vos appareils de mesure n’afficheront aucune valeur critique sur leurs écrans ?

Monsieur “Linky”, Monsieur “Smartphone”, Monsieur “Wifi”, Monsieur “Tablette”, Monsieur “GPS”, Monsieur “RFID”, Monsieur “Restez connecté”, je ne vous salue pas.

Connecté, je le suis, mais pas à vous. Je le suis à la vie, enfin j’essaie, malgré les efforts que vous déployez pour nous éloigner d’elle, vous et vos collègues de l’empoisonnement chimique. Ce que vous incarnez, tous autant que vous êtes, c’est le contraire de la vie et de la liberté. Et j’espère – oh, si peu, mais quand même –, j’ose espérer que l’opposition à Linky fera boule de neige dans les consciences et dans les vies de quelques-uns, de quelques-unes qui le refusent. Verra-t-on un jour émerger des slogans qui diront : « Linky, smartphone, wifi, tablette, gadgets connectés, mêmes nuisances, mêmes refus » ?

Monsieur “Linky”, Messieurs qu’on nomme “intelligents”, je vous prie de ne pas franchir les portes de ma maison et de ne pas croire à ma considération distinguée.

Frédéric Wolff

PUBLIE ORIGINELLEMENT PAR : PLANETE SANS VISA de Fabrice Nicolino

Merci Jean-Michel

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