Lactalis : « On veut nous faire mettre la clé sous la porte »
Hier 400 producteurs de lait en détresse manifestaient à Laval devant le siège de Lactalis le leader du secteur. Voici des extraits du témoignage poignant de l’une d’entre eux :
Productrice de lait, je perds 300 euros/jour : Lactalis tient notre avenir entre ses mains
Marie-Andrée Luherne, exploitante de 52 ans et secrétaire de la FDSEA dans le Morbihan, participe au mouvement. Elle témoigne :
Fille d’agriculteur, je produits du lait depuis 1983 prêt de Vannes, dans le Morbihan, et je participerai au blocage de Lactalis ce mardi toute la journée. Je ne pensais pas, en choisissant ce métier de passion il y a 30 ans, en arriver là où j’en suis aujourd’hui. Notre précarité – comme celle de milliers d’exploitants français – devient telle que ça ne peut plus durer.
Chaque jour, nous perdons 300 euros
Je travaille depuis plusieurs années en Groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec), avec mon mari et deux de nos enfants. Exclusivement producteurs de lait, nous nous occupons d’une centaine de vaches et de 200 hectares de terrain pour l’alimentation des animaux. Et chaque jour, nous perdons de l’argent.
Nous livrons notre lait à Sodiaal, et non à Lactalis, mais nous subissons les mêmes effets de l’effondrement du marché. Nous sommes payés 27 centimes par litre de lait alors que son coût de production nous revient à 36 centimes. Résultat, nous savons qu’il nous manquera 300 euros en fin de journée pour rentrer dans nos frais. Je ne parle pas de bénéfices, mais simplement de notre chiffre d’affaires, pour nous permettre de payer les factures. Au total, ce sont 9.000 euros que nous perdons chaque mois.
Pour survivre, nous dépensons le moins possible, nous appelons moins le vétérinaire, nous étalons les prêts au maximum et décalons les factures, en espérant voir le bout du tunnel. C’est une gestion au jour le jour qui n’est pas tenable. C’est le monde à l’envers : nous payons pour travailler.
0,25 euros le litre de lait, un tarif suicidaire
Les prix ont commencé à baisser il y a un an et demi. L’hiver dernier, nous étions rémunérés 32 centimes par litre, ce qui restait insuffisant pour en vivre, mais tout de même un peu plus confortable. Depuis, les prix se sont écroulés.
Lactalis, lui, propose désormais 0,25 euros par litre de lait, c’est un véritable coup de massue pour toute la filière. Personne ne peut produire à ce tarif-là, c’est tout bonnement impossible.
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Aujourd’hui, les entreprises nous donnent ce qu’elles veulent sans aucune négociation et sans prendre en compte notre prix de revient
Je travaille 60 heures par semaine
Nous avons l’impression que l’on nous mène la vie dure dans l’espoir que des agriculteurs mettent la clé sous la porte. C’est dur à vivre, dans la mesure où, dans notre situation, c’est toute la famille qui subit ces pressions et difficultés. Si l’exploitation tombe, nous perdons notre maison, notre terrain… C’est toute notre vie qui s’écroule.
Avec mon mari et nos enfants, nous nous soutenons mutuellement dans les tâches, et je travaille pourtant 60 heures par semaine. Je vous laisse imaginer la situation d’un agriculteur seul sur son exploitation…
Article intégral : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1552266-productrice-de-lait-je-perds-300-euros-jour-lactalis-tient-notre-avenir-entre-ses-mains.html
RAPPEL :
La population agricole est la plus touchée par le suicide : Un tout les deux
jours, à deux par jour selon les sources.