Comprendre aujourd’hui grâce à hier, Renault et la mémoire ouvrière

Important à écouter dans le contexte social actuel, ce très intéressant documentaire a été enregistré  en 2008 par France Culture pour le 40ème anniversaire de mai 68. Je suppose que peu d’entre vous connaissent de l’intérieur les conditions de travail ouvrières d’avant ces événements, sauf s’ils ont des parents qui l’on vécu de l’intérieur.  Les témoignages que vous allez entendre laissent pantois.  La toute puissance du patronat s’exerce d’une main de fer et impose des règles qui frôlent la maltraitance.

Pourtant,  si l’on examine de près les conditions de travail des petits employés, par exemple dans les grandes enseignes de l’alimentaire, on est pas si loin…

Bien que Mai 68 soit requalifiée maintenant de révolution « sociétale » « bourgeoise », il n’en reste pas moins que l’énorme mobilisation de la classe ouvrière qui a conduit aux Accords de Grenelle a permis des acquis substantiels que le pouvoir vendu à la théologie ultra-libérale détricote  avec application jusqu’à cette Loi Travail imposée de force et définitivement votée le mois dernier. 

Je voudrais ouvrir  ici une parenthèse pour vous donner  l’analyse du déclenchement des événements de mai 68 dans l’article cité plus haut en référence et vous verrez qu’on trouve facilement des similitudes avec la situation d’aujourd’hui. La grande différence est qu’à l’époque le 4ème pouvoir et ses effets hypnotiques et manipulatoires étaient moins répandus et moins violents, et que la classe ouvrière était puissante.

Les années qui précèdent mai 68 voient monter les motifs de mécontentement des salariés. Les augmentations salariales ralentissent, le SMIG horaire est de 2,22 F (2,50 € environ) à la veille des évènements de mai. Les conventions collectives sont très inégales. Entre 1964 et 1967 les négociations sont bloquées à tous niveaux. Le chômage, surtout celui des jeunes, commence à monter, de 300 000 en début 1967 il passe à 450 000 en avril 68 (G. Pompidou pensait que le seuil dangereux était à 500 000 !)… Pendant le même temps, les entreprises et les postes de travail commencent à connaître de grandes mutations technologiques (les machines à commandes numériques, par exemple) et le besoin de qualifications s’élève, avec l’arrivée des techniciens supérieurs. Les conflits du travail se multiplient, avec des grèves dures, parfois très longues, qui se heurtent à l’intransigeance patronale et souvent ne débouchent sur aucun résultat, générant l’amertume.

C’est dans ce contexte social qu’éclate la révolte étudiante, à partir de mars 68, ayant pour origine tant des craintes pour un emploi futur qu’un rejet de la société traditionnelle. Le mouvement prend de l’ampleur : universités bloquées, manifestations… La répression des « barricades » crée l’indignation et rapproche les syndicats étudiants et salariés. La grève générale débute le 13 mai, et au fil des jours atteint 7 à 8 millions de grévistes, soit plus de la moitié des salariés. La France est arrêtée.

Vous voyez, quand on veut, on peut.

 

Le goût de l’archive , Arlette Farge

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Si la mémoire sociale et industrielle ne s’incarne plus à travers les murs, la parole et les souvenirs des ouvriers, eux, sont intacts. Billancourt, qui fut en 1968 un haut lieu de résistance, garde la trace de ces luttes passées. A l’occasion du quarantième anniversaire de Mai 68, ce documentaire propose d’aller à la rencontre de ce quartier et de ces anciens travailleurs de chez Renault. Quels souvenirs gardent-ils des luttes de 68, comment les ont-ils vécues ? Anciens cégétistes, ou de groupes d’extrême gauche, simples ouvriers, femmes employées, travailleurs immigrés, au-delà des clivages politiques et culturels, quels combats les ont–ils conduit à ce mouvement de contestation sans précèdent ? Comment relisent-ils du présent ce formidable élan « d’insubordination ouvrière », cette prise de parole collective ? Que peuvent encore nous dire, aujourd’hui, ces rues habitées ?

Avec : Didier Poursin, Christiane Brousse et Francine JaegerChristian Hervé ;Mohamed Amri, président de l’Association des Anciens Travailleurs de Renault-Billancourt de l’Ile Seguin (ATRIS); Roger Sylvain, Aimé Halbeher, Pierre Bernardini etMichel CertanoFrançois Chardeaux, réalisateur et auteur du documentaire « Trente-trois jours en Mai ».

 

Un documentaire de Julie Navarre et Jean-Philippe Navarre