Changement climatique : Le projet Giono qui déplace les arbres

Le projet Giono, assistance à forêts en danger

Pour les forestiers, habitués au temps long des arbres et à une certaine constance de leurs conditions de vie, le grand défi du XXIe siècle sera de faire face à un facteur nouveau d’instabilité : le changement climatique.
Son rythme, inédit, confrontera nombre d’essences à des températures et des précipitations qui auront sensiblement évolué au cours même de leur vie séculaire. Depuis 2011, l’Office national des forêts (ONF) tente d’anticiper ce phénomène grâce au projet Giono : une expérience de «  migration assistée » d’arbres provenant du sud de la France, où ils sont particulièrement menacés par le réchauffement, pour les planter en forêt de Verdun. Reportage sur ces plantations de jeunes chênes et hêtres, pionniers d’une lente migration climatique de la flore vers des latitudes plus clémentes.

C’est une simple parcelle d’arbres parmi les arbres, dans la forêt de Verdun, dans la Meuse. Plantée de tout jeunes hêtres, elle forme une clairière dans ces vastes bois sombres aux sols cabossés par les obus durant la première guerre mondiale. Au loin, on devine l’imposant ossuaire de Douaumont, dans une mer de pins et de feuillus. Autour, c’est une forêt mémorielle, gigantesque cimetière qui sommeille sous l’humus et qui recrache sans cesse les munitions, les gourdes et les ossements des milliers de soldats qui y perdirent la vie en 1916.

Si l’ONF a choisi de planter ici des hêtres et des chênes sessiles menacés par le changement climatique, ce n’est pas tout à fait un hasard. «  C’était une manière de régénérer cet endroit sinistré, de lui redonner vie », explique Brigitte Musch, responsable du conservatoire génétique des arbres forestiers au département recherche et développement de l’ONF, qui coordonne le projet Giono – baptisé d’après l’auteur de L’Homme qui plantait des arbres, Jean Giono, qui avait lui-même perdu une partie de sa jeunesse dans la bataille de Verdun.

Au total, trois parcelles de plus de 6 hectares, comptant 12 156 jeunes arbres, ont déjà été aménagées dans cette forêt. Venus de Provence, des Alpes du Sud ou de la façade Ouest, ces arbres font office d’éclaireurs, premiers d’une lente migration de la flore repoussée par le réchauffement climatique vers le nord ou en altitude.

Ils sont nés de graines sélectionnées sur quelque 160 arbres «  mères », eux-mêmes choisis dans huit forêts : à Vachère (Alpes-de-Haute-Provence), Chizé (Deux-Sèvres), sur le massif de la Sainte-Baume (Var)… Les arbres qui y poussent ont la particularité de se situer aux limites les plus méridionales, en plaine, de leur niche climatique, c’est-à-dire de la zone où les conditions de températures, de précipitations, etc. leur sont compatibles. Plus au sud, nul hêtre ni chêne sessile ne survivent. Exposés en première ligne aux effets du réchauffement, ils ont su s’adapter, jusqu’à présent, à la chaleur et aux sécheresses.

« Ces peuplements ont un assemblage de gènes particulier, qui leur permettent de vivre dans des conditions normalement inadaptées à leur espèce. Ces assemblages de gènes risquent d’être très intéressants pour survivre aux futures conditions climatiques », explique Brigitte Musch. L’ONF espère que, déménagés en forêt de Verdun, ils se reproduiront avec leurs voisins et importeront ainsi ces précieux gènes.

Mais l’idée est aussi de tester leur acclimatation …/…

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