Clair et net : la « sortie » de Junker sur la loi El Khomery en France
A lire absolument : « Le Cabinet du Dr Folamour » par Serge Halimi dans le Monde Diplo de ce mois de Juin. Vous saisirez, d’une part l’iniquité de Bruxelles qui pratique le deux poids deux mesures en fonction de la couleur des gouvernements, d’autre part, la menace que cela sous-entend, si nous ne votons pas selon les desirata de la Commission Européenne.
Vous allez surement adorer une fois encore les déclarations de M. Junker, ce grand démocrate.
OUVREZ LES YEUX !
PS : Ne vous y trompez pas : contrairement à ce que l’on essaye de vous faire croire dans les médias pour orienter vos futurs votes en attribuant cette possibilité qu’à la seule extrême-droite, et en s’en servant comme repoussoir, le FN n’est pas la seule organisation politique qui propose la sortie de l’UE, heureusement ! Nous y reviendrons à la rentrée en abordant sérieusement les positions des uns et des autres afin de vous informer le mieux possible sur ce sujet dont dépend nos lendemains à tous.
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» Bientôt un domino tombera : Trente mille voix ont manqué au candidat d’extrême-droite pour devenir président de la République d’Autriche. La veille du scrutin, M. JC Junker avait prévenu :
Avec l’extrême-droite, il n’y a ni débat ni dialogue possible (1)
Mais pouvait-on faire meilleur cadeau à une formation se prévalant d’être hors système qu’une telle admonestation de l’ancien premier ministre d’un paradis fiscal (le Luxembourg) devenu président de la Commission européenne grâce à un maquignonnage de la droite et des socialistes ? Lesquels ont gouverné ensemble à Vienne trente-neuf des soixante-neuf dernières années, et ont été balayés dès le premier tour des élections présidentielles.
Doté d’un avis sur tout, M. Junker a également jugé le projet le projet de loi El-Khomeri, exécré par une majorité de Français :
La réforme du droit du travail, voulue et imposée par le gouvernement Valls est le minimum de ce qu’il faut faire
Un minimum ? Oui ! estime M. Junker quand on le compare aux
réformes comme celles qui ont été imposées (sic) aux Grecs
Les traités européens composent en effet un Himalaya d’interdits, de règles et de purges (ou réformes). Les administrer avec rigueur n’oblige pas à en saisir le sens. Le président de l’Eurogroupe M. Jeroen Dijsselbloem, vient ainsi d’admettre qu’il comprenait mal lui-même la signification de ce « déficit structurel » qu’aucun état ne doit excéder :
C’est un indicateur difficile à prédire, difficile à gérer et difficile à expliquer. Une de mes frustrations c’est qu’il monte et qu’il descend sans que je sache réellement pourquoi. (2)
C’est cependant en raison de statistiques opaques de cet acabit que la Grèce ne cesse d’être punie par les autorités européennes. Elles lui ont opposé le vote d’une loi budgétaire de sept mille pages, trois hausses massives de la TVA, la privatisation d’aéroports à des prix bradés, le report à 67 ans de l’âge de la retraite, l’augmentation des cotisations maladie, la fin des protections accordées aux petits propriétaires incapables de payer leurs emprunts. En échange, Athènes vient d’obtenir un prêt principalement destiné à lui permettre de rembourser les intérêts de sa dette extérieure. Le FMI a beau concéder que celle-ci est « intolérable », l’Allemagne refuse qu’elle soit amputée.
Berlin et la commission européenne savent pourtant se montrer indulgents. Pas seulement avec le Royaume Uni de David Cameron (voir l’article « Brexit malaise chez les travaillistes »). Ainsi, aucune sanction n’a été infligée à l’Espagne dont le déficit budgétaire dépasse allègrement la limite imposée par les traités. Ni Bruxelles ni Berlin n’ont voulu gêner le gouvernement de Mariano Rajoy – membre de la même famille politique que M. Junker et Mme Angela Merkel – avant les élections législatives espagnoles du 26 juin.
Imposer des sacrifices cruels à des peuples entiers au nom de règles que l’on ne comprend pas soi-même, oublier ces dernières sitôt que des compères politiques les transgressent : c’est aussi sur ce terreau d’amoralisme et de cynisme que l’extrême-droite européenne avance.
Serge Halimi
(1) Le Monde du 21/5/2016
(2) Les Échos Paris du 29-30 avril 2016
Source : Le Monde Diplomatique édition papier N°747
Image à la Une : Junker vu par la presse britannique – lopinion.fr