Manifestation du 18 Mai : Peuple et police ensemble demain ?
Manifestation du 18 mai place de la République : le peuple et la police dans une convergence révolutionnaire ?
par Galil Agar
Deux syndicats de Police, de gauche (CGT Police) et de droite (Alliance), ont dénoncé la manipulation de certains groupes de casseurs par le gouvernement, et la stratégie de pourrissement et de montée des tensions orchestrée par le ministère de l’Intérieur et le préfet de police de Paris. Le syndicat de police Alliance a lancé un appel à tous les policiers à venir manifester « contre la haine anti flics » sur la place de la République, place de réunion quotidienne des acteurs de la Nuit debout (rebaptisée « place de la Commune » par leurs soins) , le mercredi 18 mai à midi. Pour certains manifestants, il ne s’agit que d’une provocation. Mais d’autres participants à Nuit Debout y voient une occasion de dialogue historique et inespérée avec les forces de l’ordre. Vers une convergence des luttes inattendue et pourquoi pas, réellement révolutionnaire ?
Au vu des violences générées des deux cotés de la matraque par les conditions de contestation et de répression de la « Loi Travail », rien ne semblerait plus impromptu à certains manifestants et à certains policiers, qu’une convergence des luttes entre ces deux forces sociales a priori antagonistes.
« Policiers Debout » : de l’amertume à la révolte ?
Pourtant, de plus en plus de citoyens, du coté des membres des forces de l’ordre comme du coté des manifestants, réfléchissent aux moyens d’unir leurs forces contre ceux qui les poussent, de manière de plus en plus frontale et gratuite, à l’altercation violente. Ainsi, les deux syndicats de police aux perspectives pourtant très divergentes CGT Police et Alliance (syndicat majoritaire dans la police), ont dénoncé la stratégie de pourrissement orchestrée par le ministère de l’Intérieur et le préfet de police de Paris. Les communiqués de CGT Police et d’Alliance stipulent que consigne leur a été donnée de laisser des groupes de casseurs se mélanger aux manifestants pacifiques pour faire monter la tension et augmenter le degré de violence lors des manifestations.
Cette confusion ordonnée ne peut faire le jeu que de ceux qui souhaitent discréditer à la fois les mouvements de contestation et l’action de la police. Une stratégie de la tension qui met en péril aussi bien la sécurité des policiers et des militaires, que des citoyens qu’ils ont la mission première de protéger. La concentration permanente des médias sur la violence spectaculaire plutôt que sur les questions de fond que posent les mouvements sociaux, participe de plein pied à cette confusion, ce discrédit et ce mépris volontaires : pas de stratégie de la tension et de la division sans les moyens de diversion et de manipulation médiatiques adaptés.
Face à cet adversaire commun, policiers et militaires sauront-ils converger avec les manifestants ? La question peut surprendre, mais l’initiative a déjà eu lieu le 9 décembre 2013 à Turin par exemple, lorsque des policiers ont enlevé leurs casques anti-émeutes pour soutenir l’initiative d’un mouvement social national contre l’austérité décidée par une oligarchie politique incompétente et déconnectée du réel :
En attendant, pour rallier gendarmes, sapeurs-pompiers, douaniers et citoyens à leur cause, des policiers de province ont repris le symbole des manifestations de la République en baptisant leur mouvement de contestation « Policiers Debout« . Évidemment, le symbole est ici repris avec ironie, mais certaines personnes au sein de Nuit Debout font le pari de le prendre au sérieux et proposent de profiter des manifestations du 18 mai pour établir un dialogue historique avec les policiers ouverts à cette perspective.
« La police avec Nuit Debout ? », l’appel révolutionnaire de la Gazette Debout aux policiers
Beaucoup de citoyens engagés dans l’initiative de Nuit Debout ne sont pas dupes de ces tentatives de déstabilisation, et ils le disent avec intelligence. beaucoup, de leur propre initiative, proposent le dialogue direct avec les policiers lors de la manifestation prévue pour le 18 mai. On peut encore lire sur questions.nuitdebout.fr en réponse à la question « Manif alliance 18 mai : tenter un dialogue sur la place avec la police ? » :
» Les flics sont aussi des prolos qui subissent le système, dialoguer comprendre, et pourquoi pas trouver un terrain d’entente, c’est mieux que de rester dans le confort de la certitude avec ses potes et mettre la poussière sur le tapis. »
La « Gazette Debout » a eu le discernement de publier des extraits du communiqué du syndicat CGT Police sous le titre suivant, révélateur des perspectives de certains de ses participants: « La police avec Nuit Debout ? Plus qu’un slogan, une possibilité« . Elle a également publié la tribune d’un certain Clém intitulée « Qui a intérêt à discréditer Nuit Debout et la police ? ». L’auteur y rapporte et commente ainsi le témoignage d’un ami policier:
Un ami policier me disait : « Il y a des gens violents des deux bords, dont le gouvernement se sert pour discréditer le mouvement. Aucun ordre clair n’est donné aux forces de l’ordre, et ça pousse au conflit. On nous fout autour de Répu et on nous dit : Empêchez-les de bouger… ». Par conviction, il s’est engagé pour défendre la République. Il a fini sa bière en me disant : « Ce que je fais en moment, c’est pas ça, la police. »
Il ne faut pas se leurrer. Des personnes violentes dans la police, il y en a. Je veux croire qu’elles sont une minorité. Elles effraient, elles portent atteinte à l’image de ce qui devrait normalement être un «service public », composé d’êtres humains à qui on a ôté la possibilité d’être faillibles…
La Gazette Debout a également relayé le témoignage d’Alexandre Langlois, gardien de la paix au renseignement territorial, secrétaire général de CGT Police, paru dans l’Humanité sous ce titre édifiant : « Tout est mis en place pour que ça dégénère« . Extraits :
« Côté renseignement, on constate depuis une dizaine d’années une double évolution, avec des manifestants beaucoup plus pacifiques qu’avant, mais des casseurs toujours plus violents, organisés de manière quasi paramilitaire. Certains de ces groupes sont identifiés avant qu’ils intègrent les manifestations. Mais aucune consigne n’est donnée pour les interpeller en amont. Prenons l’exemple du 9 avril. En fin de journée, nous savons qu’un groupe de casseurs dangereux vient d’arriver gare du Nord pour aller perturber Nuit Debout, à République. Une compagnie de CRS se trouve sur leur passage, prête à intervenir. (…) Mais ordre leur est confirmé de les laisser gagner place de la République, avec les conséquences que l’on connaît ! Par contre, quand il s’est agi d’aller protéger le domicile privé de Manuel Valls, ce soir-là, cette fois les ordres ont été clairs… C’est important de rappeler que, dans les manifestations, tous les collègues sur le terrain n’interviennent que sur ordre. Si certaines, comme le 1er Mai, se terminent en « souricière » place de la Nation, c’est que l’ordre en a été donné. Le message qui est passé, c’est « casseurs venez, vous pourrez agir en toute impunité, et manifestants ne venez plus avec vos enfants, car c’est dangereux pour vous ». Et à la fin de la journée, les médias ne parlent que des violences, et surtout plus des raisons pour lesquelles les citoyens manifestent. Le pouvoir politique instrumentalise la police, qui sert de bouc émissaire. Cela permet au gouvernement de faire diversion. »
Alexandre Langlois témoigne de l’exaspération des forces de l’ordre, auxquelles sont données des consignes insensées:
» Nous sommes épuisés. Les collègues souffrent d’une perte de sens de leur métier. Aujourd’hui, on leur demande du rendement statistique et d’exécuter des ordres qu’ils jugent incompréhensibles ou injustes. La police est déshumanisée. On compte un suicide en moyenne par semaine dans notre profession. »
LES CHAPITRES SUIVANTS :
- Suicides par centaines, journées de travail de 24 heures … des conditions de travail catastrophiques
- Suppressions de postes et démantèlement des corps constitués
- Vers une privatisation rampante de la sécurité publique
- Germes d’une dissidence citoyenne dans la police et dans l’armée
- Du plan Vigipirate aux opérations extérieures, quelle considération pour la sécurité des soldats ?
- Opérations extérieures et diktats de l’Intérieur : Contestations militaires contre un ordre politique déconnecté du réel
- Vers l’union avec le peuple en révolte
DEVELOPPEMENT DE L’ARTICLE :
IMAGE A LA UNE :Ibid
Le 16 Novembre 2013 à Turin, l’étudiante Nina de Chiffre avait tenté cette approche insolite et symbolique avec le jeune policier Salvatore Piccione. L’image avait fait le tour de la toile.