Archéologie : Un deuxième site viking en Amérique du Nord ?
Un nouveau site viking aurait été découvert sur le continent américain, 500 ans avant l’arrivée de Christophe Colomb.
TERRE-NEUVE. Par Odin, des archéologues auraient-ils mis au jour un nouveau site viking, au sud-ouest de l’île de Terre Neuve, au Canada ? Cet établissement scandinave, s’il était confirmé, serait le second trouvé sur le continent, prouvant – s’il en était encore besoin – que les Européens ont foulé le sol du Nouveau Monde au moins 500 ans avant que Christophe Colomb n’y parvienne en 1492.
Sur ce gisement de Pointe Rosée, à l’extrémité de Terre-Neuve là où les eaux du Saint-Laurent rencontrent celles de l’Atlantique nord, les fouilles ont révélé des traces de charbons de bois et surtout 9 kilos de scories, des résidus de fer, les Vikings recourant à la tourbe pour produire du fer. Les datations radiocarbones obtenues par les chercheurs font remonter la fréquentation de ces lieux entre 800 et 1300 ans, période au cours de laquelle, comme le racontent les sagas* scandinaves, les navigateurs vikings sillonnaient l’Atlantique Nord. Des voyages sporadiques sur la côte orientale canadienne auraient même eu lieu pendant trois siècles au moins après la première visite du chef viking Leif Eriksson.
Paysage de la Pointe Rosée à Terre-Neuve, où aurait été découvert un nouveau site viking. © Greg Mumford
Ce gisement avait été repéré en juin 2015. En se servant de relevés satellites, l’Américaine Sarah Parcak, chercheuse de l’université de l’Alabama et récente lauréate du prix Ted -pour son travail de détection des sites antiques grâce à un traitement particulier des images satellite-, avait localisé ce qui lui semblait être des restes de murs en terre d’un bâtiment viking.
Le premier site du genre connu jusque-là en Amérique est celui de l’Anse-aux-Meadows, toujours à Terre-Neuve, à 500km au nord de l’actuel Pointe Rosée et classé sur la liste du patrimoine mondial. Sur ce site étudié pendant plusieurs années par Helge Instad, un explorateur norvégien aujourd’hui décédé, un petit groupe de bâtiments en tous points identiques à ceux occupés par les Vikings en Islande et au Groenland avait été mis au jour en 1960 : les fondations de six habitations et les restes d’une forge, ainsi que de nombreuses scories, prouvant là aussi que du fer avait été fabriqué sur place. Plus de 130 objets avaient été collectés (rivets en fer, lampes, ustensiles en pierre à savon…) sur ce site occupé pendant au moins une trentaine d’années.
Le site viking de l’Anse-aux-Meadows, à Terre-Neuve (Canada) est classé sur la liste du patrimoine mondial © UNESCO
Les spécialistes ont établi que les Vikings du Groenland sont allés encore plus au nord encore que la colonie occidentale qu’ils avaient implantés. Des cairns (sortes de tumulus) ont en effet été découverts dans l’île d’Irving au-dessus du 79°degrés de latitude nord. D’autres traces ont également été localisées dans l’Arctique canadien, comme l’a établi l’archéologue canadien Peter Schledermann sur l’île d’Ellesmere, non loin du détroit de Davis. « Des barils, du bois, du fer, du cuivre et des rivets de bateau ont été découverts. Il s’agit probablement des restes d’un bateau naufragé ». Une pièce de monnaie viking du 11e siècle, à l’effigie du roi Olaf Kyrre de Norvège, a même été trouvée sur la côte du Maine.
De multiples preuves de contact
Pourquoi les colonies vikings ne sont-elles pas restées sur place? La question de l’éclipse assez brutale des Vikings est l’une des grandes énigmes que tentent de résoudre les archéologues aujourd’hui. Car de nombreuses preuves de contact existent bel et bien avec les populations locales, tant au Groenland – avec les implantations d’Erik le Rouge au 10esiècle – qu’en Amérique. Les Vikings du Groenland ont par exemple établi des trocs avec les cultures du Dorset et de Thulé ( les « Skraelings » des Sagas, les Petites Personnes). Des contacts qui auraient bien pu dégénérer en conflits tant avec les Inuits, au Groenland, qu’avec les amérindiens, en Amérique.
Néanmoins, de toutes les raisons invoquées pour expliquer l’abandon de ces implantations par les Vikings, celle évoquant leur disparition par une trop importante modification des conditions climatiques est la plus largement acceptée, en particulier concernant le Groenland. Des carottages effectués en 1998 dans les glaces par la North Atlantic Biocultural Organization (NABO) ont ainsi révélé qu’entre 1343 et 1362, la température moyenne y a terriblement chuté. La vie serait alors devenue impossible pour les colons. Avec le froid, les glaciers ont commencé à envahir les terres, drainant des tonnes de sable et de gravier et réduisant les surfaces de pâturages. Plusieurs années sans récolte et sans fourrage pour les animaux pourraient avoir eu eu raison d’eux. L’abandon de la colonie occidentale du Groenland aurait d’ailleurs été tragique. « Désespérés, les derniers habitants ont mangé tout leur bétail, jusqu’aux sabots. Ils ont même dévoré leurs chiens. Ce qui prouve à quel point ils étaient affamés… », expliquait Thomas McGovern, du Collège Hunter, à New York s’appuyant sur les fouilles de la ferme de Nipaatsoq.
Les Sagas sont des récits mythologiques de la littérature médiévale scandinave. Les plus célèbres concernant l’Amérique et le Vinland (Amérique) sont celles évoquées dans une description d’Adam de Breme « Gesta Hammaburgensis Ecclesiae Pontificum », en 1075, ainsi que dans la saga de l’ « Islendingabok », d’Ari Thorgilsson.
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