Biomédecine : Connaissez-vous la phagothérapie ?

Les antibiotiques ont atteint leur limite. Les bactéries se sont de plus en plus adaptées et obligent à des traitements de plus en plus lourds et toxiques qui associent parfois plusieurs antibiotiques. Pourtant il existe une solution connue et restée dans les tiroirs. En pleine expansion de la pénicilline et de ses multiples juteux dérivés, pourquoi en effet se pencher sur un traitement non rentable, même si il est naturel et sans danger pour le reste de l’organisme , n’est-ce pas ? Il semblerait tout de même que la France s’est récemment penché sur le problème :  

Galadriel

EXPLICATIONS  avec Medscape :

Depuis plusieurs années, la résistance aux antibiotiques et l’absence de développement de nouveaux traitements contre les infections bactériennes sont responsables d’un nombre grandissant d’impasses thérapeutiques.

Selon l’Institut national de veille sanitaire (InVS),12 500 décès ont été imputés à l’antibiorésistance en France en 2012 [1].

Face à ce constat, la phagothérapie, l’utilisation de virus s’attaquant spécifiquement à certaines bactéries, suscite un regain d’intérêt.

En témoigne un colloque organisé mi-février à l’Assemblée Nationale en présence de scientifiques, de médecins, de vétérinaires, de représentants de l’ANSM, de l’AFSA, de l’OMS et de l’Institut Pasteur [2].

Son objet : discuter des moyens de passer à un développement de la phagothérapie à grande échelle, répondant aux standards de bonnes pratiques de fabrication (BPF), selon un cadre réglementaire adapté.

Retour vers le passé
Les bactériophages ont été découverts pendant la première guerre mondiale. On doit leur première utilisation thérapeutique au français Félix d’Hérelle qui guérit un premier patient de la dysenterie en août 1919. La phagothérapie se propage alors à à travers le monde mais elle est détrônée par l’antibiothérapie après la seconde guerre mondiale et tombe peu à peu dans l’oubli en Europe de l’Ouest, notamment.

Alors que les bactériophages n’ont jamais cessé d’être utilisés en Russie et en Géorgie, leur utilisation est quasi-inexistante en Europe en raison de l’absence d’autorisations de mise sur le marché.

Aujourd’hui, un nombre croissant de patients se rendent en Géorgie, au centre de phagothérapie de Tbilissi, pour recevoir un traitement et reviennent militer en faveur de la phagothérapie.

Mais, ce tourisme médical « ne peut être recommandé et ne doit pas perdurer », souligne un communiqué signé de l’association d’experts en infectiologie GEEPhage et du parti Verts/Alliance Libre Européenne.

Deux principaux obstacles à un développement à grande échelle

Les phages sont des biomédicaments qui posent des problèmes de production, de reproductibilité et de stabilité — le Dr Caroline Semaille

Plusieurs problèmes freinent le développement à grande échelle de la phagothérapie.

L’absence de financements nécessaires à la réalisation de grands essais randomisés en est un.

L’industrie pharmaceutique habituellement instigatrice de tels essais se

désintéresse du problème en raison du caractère non brevetable, et donc, non

rentable de la commercialisation d’un bactériophage (un produit de la nature

ne peut être breveté).

Aussi, l’absence de cadre réglementaire adapté à la fabrication et à la commercialisation de ces biomédicaments complexifie encore la situation. Aujourd’hui, un médicament doit être conforme à une réglementation stricte qui impose une chaîne de production contrôlée et autorisée par les agences du médicament (EMA et ANSM). Or, « les phages sont des biomédicaments qui posent des problèmes de production, de reproductibilité et de stabilité », souligne le Dr Caroline Semaille, médecin épidémiologiste, directrice des médicaments anti-infectieux à l’ANSM.

Enfin, le problème de financement est d’autant plus important que l’absence de développement des antibactériens au cours de 20 dernières années a mené à une perte d’expertise dans le domaine de l’évaluation des antibactériens.

« Aujourd’hui, il n’existe quasiment aucune structure, université ou hôpital encore capable d’évaluer des agents antibactériens sur des modèles animaux. Il faut tout reprendre à zéro », souligne Jérôme Gabard, PDG de Pherecydes Pharma, société de biotechnologies spécialisé dans les bactériophages.  Lire la suite

La preuve :

Sa jambe sauvée en Géorgie par des virus guérisseurs

Serge Fortuna prépare un prochain voyage, en Pologne cette fois où la phagothérapie est autorisée. « Je veux voir si l’on peut faire des passerelles avec la France, si l’on peut envisager que ce soit remboursé par la Sécurité sociale ». Photo DL/Manuel PASCUAL
Serge Fortuna prépare un prochain voyage, en Pologne cette fois où la phagothérapie est autorisée. « Je veux voir si l’on peut faire des passerelles avec la France, si l’on peut envisager que ce soit remboursé par la Sécurité sociale ». Photo DL/Manuel PASCUAL

 

Il est passé près de l’amputation. Très près. Il en avait d’ailleurs lui-même fait la demande aux médecins. Mais Serge Fortuna est tombé sur un documentaire qui a changé sa vie. Sur Arte, l’émission parle de ce docteur Alain Dublanchet, microbiologiste à l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges. On le voit partir en Géorgie chercher des virus bactériophages pour sauver la jambe d’une de ses patientes. Serge Fortuna y voit la dernière chance pour sauver la sienne. En novembre dernier, il débarque à Tbilissi, la capitale géorgienne.

Ce staphylocoque doré, il l’a attrapé à 17 ans, suite à un accident de mobylette. Fracture ouverte, greffes, opérations, hospitalisation, puis infection. « Sauf qu’à l’époque on ne parlait pas d’infections nosocomiales, raconte Serge Fortuna, on m’a dit que j’avais la gangrène ».

« J’ai demandé l’amputation, lettre de motivation à l’appui »

La bactérie ne le quittera jamais vraiment et sa vie sera jalonnée de séjours à l’hôpital. Avec 39 opérations au total, il n’a pas peur de parler de « succession de mutilations ». « J’avais baissé les bras, j’ai réclamé l’amputation, lettre de motivation à l’appui ».

C’est donc là que les phages sont entrés dans sa vie.

Cette thérapie, tombée dans l’oubli en France, est toujours utilisée en Europe de l’Est. La technique est simple : introduire des virus mangeurs de bactéries pour éliminer l’infection (voir ci-dessus). Alors que le corps humain est de plus en plus résistant aux antibiotiques, la phagothérapie, méthode quasiment naturelle et sans danger, pourrait selon le professeur Alain Dublanchet, sauver des membres de l’amputation et même des vies.

En Géorgie, Serge Fortuna débarque avec juste une adresse, et le Guide du routard. La clinique qu’il a trouvée sur internet n’est pas vraiment engageante. « Je ne savais pas où j’allais, il n’y avait même pas de plaque à l’entrée, mais je n’avais pas le choix ». Des ampoules à boire, des pansements sur la jambe… les phages ont fait le boulot, en 20 jours seulement.

Guéri grâce à un traitement à 6 € la boite

« Là-bas, on trouve le traitement sans ordonnance et pour six euros la boite ». Son parcours médical a couté des centaines de milliers d’euros à la Sécurité sociale française. En Géorgie, il a dépensé au total 30 euros. Les résultats de ses analyses sont tombées il y a quinze jours et plus aucune trace de la bactérie. Même si selon le Dr Dublanchet, il faut trois à quatre ans de recul pour estimer la guérison d’une ostéite complète.

Serge Fortuna, réalisateur de métier, a donc décidé de faire de son expérience, le combat de sa vie. Un film en préparation (voir dessous), un site internet, des conférences… Il veut médiatiser le plus possible cette technique médicale.

En attendant que change un jour la législation sur la phagothérapie, il se bat pour les autres malades. « Il faut que les gens qui ont en besoin sachent qu’il existe cette alternative. Je veux leur dire qu’il n’y a aucune crainte à y aller, qu’il faut y aller ».

À 56 ans, Serge Fortuna va désormais reprendre ses documentaires, ses voyages, une vie normale. « Mais je resterai à l’affût sur le sujet… jusqu’à la fin de ma vie »

http://www.principes-de-sante.com/therapies/phagotherapie-la-releve-de-l_antibiotherapie