État d’urgence : Ils défilent dans la France entière
A l’appel de plusieurs organisations syndicales, des milliers de personnes ont défilé hier à Paris et dans plusieurs villes de France pour dénoncer le projet de déchéance nationale et la prolongation de l’état d’urgence.
A Paris, quelque 5.500 manifestants selon la préfecture de police, 20.000 selon les organisateurs, ont bravé la pluie entre la place de la République et le Palais-Royal.
Des manifestations se sont également déroulées dans plusieurs dizaines de villes en France, à l’appel des collectifs «Nous ne céderons pas» et «Stop état d’urgence», qui regroupent notamment des syndicats (CGT, FSU, Syndicat de la magistrature), des associations (Attac, Droit au logement, Droits devant, MRAP) et des organisations de défense des droits de l’homme (FIDH).
Ces organisations demandent la levée immédiate de l’état d’urgence, instauré après les attentats du 13 novembre 2015, et l’abandon du projet de déchéance de nationalité pour les personnes condamnées pour des activités terroristes. C’est sur ce «désaccord politique majeur» que la garde des Sceaux Christiane Taubira a démissionné mercredi.
Une nouvelle prolongation de l’état d’urgence jusqu’à fin mai doit être présentée mercredi en conseil des ministres, débattue et votée le 9 février au Sénat, puis le 16 février à l’Assemblée nationale.
Sous la pluie, les manifestants ont scandé «état d’urgence, état policier» ou, de circonstance : «le temps est pourri, le gouvernement aussi».
Annoncé dès le soir des attentats du 13 novembre qui ont fait 130 morts et plusieurs centaines de blessés, l’état d’urgence avait été prolongé par le Parlement pour trois mois, le 26 novembre, à une écrasante majorité. Le projet d’une nouvelle prolongation est plus controversé : des partis de gauche et des associations de défense des droits de l’homme et des libertés publiques s’inquiètent d’un risque de pérennisation de ce régime d’exception.
Par ailleurs, le gouvernement prépare un projet de révision constitutionnelle, examiné en séance à partir du 5 février au Palais Bourbon. Il prévoit d’inscrire dans la Constitution l’état d’urgence, pour le sécuriser sur le plan juridique et l’encadrer, selon l’exécutif, ainsi que l’extension de la déchéance de nationalité pour les personnes «condamnées» pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la nation», autre mesure vivement contestée.
A Bordeaux (3.000 personnes selon les organisateurs),Toulouse (1.300 personnes selon la police, 1.800 selon les organisateurs), Nantes (800 selon la police, 1.000 selon les organisateurs), Lyon (1.000 selon la police)Marseille (moins d’un millier), les opposants ont aussi défilé.
«Déçu de ma nationalité», «Assignés à Résistance» ou encore «Vive Montesquieu, Séparation des pouvoirs», pouvait-on lire sur les pancartes.
D’autres cortèges ont défilé à Lyon, Strasbourg, Metz, Nancy, Nice, Nîmes, Montpellier, Limoges, Grenoble, Saint-Etienne, Montauban ou encore Bayonne.
Des militaires agressés a Paris
Deux militaires en civil et hors service ont été agressés hier après-midi par une vingtaine de personnes en marge de la manifestation à Paris pour la levée de l’état d’urgence, a-t-on appris de source policière. L’enquête devra notamment s’attacher à déterminer s’ils ont été visés en raison de leur qualité de militaire ou s’ils ont pu être pris pour des militants d’extrême-droite, selon une source proche de l’enquête. Les agresseurs étaient vêtus de noir, masqués et cagoulés, selon la préfecture de police. L’un des deux militaires a été blessé à l’arcade sourcilière et soigné sur place par les pompiers. Le téléphone de l’un des deux militaires, mobilisés à Paris dans le cadre du plan Vigipirate, a également été dérobé. Les agresseurs ont réussi à prendre la fuite.