Eurasie ou le basculement inexorable des équilibres mondiaux

Pendant ce temps, l’Eurasie continue son bonhomme de chemin…

Les projecteurs braqués sur le conflit syrien ne doivent pas faire oublier qu’il se passe des choses sur les autres cases du Grand échiquier eurasien. MacKinder, Spykman, bouchez-vous les oreilles, l’intégration du continent-monde se poursuit, inexorable. Derrière l’écume événementielle, des informations moins clinquantes mais autrement importantes symbolisent cette lame de fond qui rapproche les différentes puissances et civilisations eurasiennes, signant à terme l’arrêt de mort de la puissance américaine.

L’Union Economique Eurasienne (Russie, Kazakhstan, Arménie, Biélorussie, Kirghizstan, Tadjikistan) commence doucement mais sûrement à prendre sa vitesse de croisière et, contrairement à la fable contée dans les médias occidentaux, attire un nombre croissant de pays intéressés à signer un accord de libre-échange (de l’Egypte au… Pérou). Dernier exemple en date : Israël ! Certains à Washington doivent sentir un goût bien amer dans la bouche…

Au sein même de l’Union, le dollar (et l’euro pour bien faire) seront exclus des transactions tandis que les experts planchent déjà depuis plusieurs mois sur la manière de combiner l’organisation et les nouvelles Routes de la soie chinoises à destination de l’Europe et du Moyen-Orient (Pékin et Moscou ont donné leur feu vert, ne restent plus que les détails techniques).

Chine justement. On en parle curieusement beaucoup moins depuis le mini-krach de la bourse de Shanghai intervenu, ô doux hasard, juste après le lancement en fanfare de la BAII qui mettait Washington au supplice. De là à penser qu’une certaine puissance maritime a lancé une guerre financiéro-médiatique contre la future première économie mondiale… Car les journaux ont beau pinailler (7% de croissance, les pauvres), la Chine continue son jogging vers la première marche du podium qu’elle devrait atteindre dans une dizaine d’années (c’est déjà fait si l’on considère le PIB en parité de pouvoir d’achat).

Les relations avec Moscou sont au beau fixe, des contrats énergétiques colossaux ont été signés et les pipelines russes surgiront bientôt de terre pour rassasier quelque peu l’ogre chinois… qui entretient également des relations gazières privilégiées avec le Turkménistan. Ces tubes ont un point commun : ils sont hors de portée des Etats-Unis, de plus en plus incapables de contrôler les flux eurasiens donc de peser sur les destinées du continent-monde.

Les stratèges US ont de quoi s’arracher les cheveux puisque même des alliés (pour ne pas dire des pions) comme la Géorgie envisagent de recommencer à se fournir en or bleu auprès de Gazprom. Ce qui, soit dit en passant, prouve une fois de plus le pipeau du gaz caspien à destination de l’Europe, fable vendue par certaines think tanks et relayée par des médias complaisants ou crétins. Si même les voisins de la Caspienne importent du gaz russe, il faudra nous expliquer de quel chapeau magique va bien pouvoir sortir le gaz pour les pays européens… Quant au premier ministre géorgien, il a lancé un pavé dans la mare atlantiste avec sa proposition d’un Forum de la Route de la soie, visant à participer au grand projet eurasien de Pékin. Avec des amis comme ça, les Américains n’ont pas besoin d’ennemis…

Géorgie qui commence à recentrer sa politique étrangère, Arménie main dans la main avec Moscou depuis toujours et Azerbaïdjan revenu de son mirage occidental : les Etats-Unis vont-il à terme perdre tout le Caucase ? Qu’il est loin le temps où ils faisaient la pluie et le beau temps à Baku et Tbilissi tandis qu’ils mettaient le feu au Caucase russe via la Tchétchénie… Au fait, désolé Dr Brzezinski mais une ligne ferroviaire commerciale entre la Chine et l’Azerbaïdjan a ouvert et les trains chargés de marchandises chinoises commencent à arriver dans le Caucase.

Tout ceci n’est cependant rien en comparaison de ce qui se prépare avec l’Iran, grande puissance régionale si l’en est, case cruciale de l’échiquier eurasiatique. Si Obama pensait amadouer les ayatollahs avec l’accord sur le nucléaire, il s’est planté en 3D. La marche de Téhéran vers l’alliance sino-russe est inarrêtable. Coopération militaire renforcée avec Pékin, navires iraniens invités en Russie, et bien sûr une position commune sur les grands dossiers internationaux dont la Syrie. L’entrée de l’Iran dans l’OCS n’est qu’une question de temps.

Les liens énergétiques entre Téhéran et Pékin sont déjà anciens mais se consolident chaque jour. Ceci en attendant l’oléoduc irano-pakistanais qui verra prochainement le jour, reliant la base chinoise de Gwadar avant, un jour, de remonter tout le Pakistan et rejoindre la Karakoram Highway dans les somptueux décors himalayens.

Pendant ce temps, l'Eurasie continue son bonhomme de chemin...

Pakistan… Pakistan… Ah oui ! encore un pays, un de plus, qui est en train de quitter le camp américain pour rejoindre le grand mouvement eurasiatique.

Analyse proposée par :

http://chroniquesdugrandjeu.over-blog.com