Point de vue géopolitique : Fin de partie – Les BRICS jouent et gagnent
L’ouverture de la 70ème assemblée générale des Nations Unies par le discours significatif du pape le 25/09 nous donne l’occasion de diffuser une nouvelle analyse, dans la grille de lecture géo-politique, sociale et géo-économique que nous développons chez Conscience Sociale.
Notre anticipation politique du 2 janvier dernier, où nous avions précisé comment s’opposait l’axe anglo-américain gouverné par l’état profond transnational et l’axe russo-chinois comme fer de lance du monde multipolaire proposé par les BRICS, est pleinement confirmée par les événements survenus depuis lors. En voici une synthèse.
Les dernières tentatives de déstabilisation confrontées à l’apathie européenne
L’axe anglo-américain a entamé l’année en tentant de renforcer son influence déstabilisatrice dans les états européens sous quasi-protectorat, par les attentats de Paris, le QE de la BCE en relai de celui de la Fed, et en suscitant divers mouvements par les flots de migrants syriens et les campagnes de désinformation de masse sur une forme d’attaque de la « forteresse Europe », alors que la réalité de la situation est toute autre.
Le tournant stratégique
Puis le tournant stratégique a été la révélation d’une fracture profonde dans l’axe anglo-américain, par l’adhésion inattendue du Royaume-Uni à l’AIIB. Remarquons que cette annonce a été faite par Osborne.
Il faut depuis lors identifier l’existence visible de deux groupes dirigeants au Royaume-Uni, tout comme le Pentagone s’est démarqué du département d’Etat américain :
- un groupe sous domination US, avec l’état profond sécuritaire anglais (GCHQ, MI5, MI6, une partie de l’armée…), et Cameron, qui est partie prenante de l’axe anglo-américain ;
- un groupe sous influence de l’establishment bancaire, avec Osborne (nommé numéro 2 du gouvernement en mai), la BoE, la City, désormais opposé au premier groupe et qui pousse à un rapprochement accéléré avec les BRICS pour sauver leur peau, ayant compris la défaite inéluctable de l’axe anglo-américain.
On comprend mieux ainsi les récentes campagnes contre Cameron, et le fait que Osborne se positionne de plus en plus sur le champ de la politique étrangère, avec des positions à l’opposé de celles de Cameron.
Un ordre nouveau d’alliances se construit sous nos yeux
Nous écrivions le 2 janvier : « En 2015 nous estimons que les pays suivants rejoindront graduellement la sphère d’influence de l’axe russo-chinois: Australie, Arabie Saoudite, Turquie, Vatican, Pakistan, Corée du Nord, Corée du Sud, Yémen.«
Pour le Vatican, la nouvelle politique de la papauté apparaît très clairement dans son discours aux Nations Unies. Nous avions de plus anticipé le 29 janvier un rapprochement historique entre églises catholiques et orthodoxes, qui commence à se concrétiser au plus haut niveau (discours de Bartholomée Ier à la Journée de la Terre).
Pour l’Arabie Saoudite, nous avons effectivement déjà observé :
- le 7 septembre : Rosneft chief Sechin damps talk of Russia-Saudi oil supply deal ;
- le 16 septembre : OPEC, Russia and the New World Order Emerging ;
Pour l’Australie, nous notons le remplacement discret du premier ministre par Turnbull, beaucoup plus proche des chinois ;
Pour la Corée du Nord, le 19 janvier : Le rapprochement entre la Russie et la Corée du Nord est aussi stratégique ;
Pour la Corée du Sud, le 30 mars : La Corée du Sud compte prendre entre 4 et 5% du capital de l’AIIB, le 31 août S. Korea-China biz ties should be fortified via FTA, AIIB: FKI head et le 16 septembre AIIB head Jin Liqun’s visit reflects close China-South Korea ties.
Le Pakistan a rejoint l’organisation de coopération de Shanghaï en juillet, le 16 août : AIIB to spur infrastructure funding for entire Asia: Dar puis le 1er septembre : UN Chief Ban Ki-moon calls for direct dialogue between India and Pakistan (lire aussi le 27 septembre : Kyaukphyu and Gwadar SEZs to provide sea access to China hinterlands).
Pour la Turquie nous retenons le contenu de deux articles qui dépassent le gel -momentané selon nous- de la construction du Turkish Stream, annoncé en août 2015 :
Le mouvement Merkel-BRICS s’installe
Mais alors que nous pensions en janvier que toute l’Europe resterait encore paralysée en 2015, le « virage Osborne » a libéré un immense frein, et les Etats européens se sont rués au guichet de l’AIIB. Et cet espace de liberté a entraîné d’autres velléités de retour à la souveraineté, en premier lieu l’Allemagne, qui prend la corde pour se rapprocher encore plus vite des BRICS :
- le 14 juin : EU’s Russia sanctions fail to dent oil deals
- le 4 septembre : Gazprom and BASF sign Agreement on closing asset swap deal
Bien sûr la rétorsion ne se fait pas attendre et le scandale Volkswagen éclate le 20 septembre suite aux pressions judiciaires US. Ceci ne fait que distendre davantage les liens entre Allemagne et US.
L’orthodoxie économique, totalement discréditée, s’effondre
Sur le plan géo-économique, comme anticipé le 2 janvier, la tentative d’asphyxier la Russie a échoué en moins d’un an. L’axe anglo-américain a alors tenté l’opération de la dernière chance: dompter la puissance économique chinoise en précipitant une grave crise des marchés, à partir de mi-juin. Fin août les mesures d’urgence prises et la vente de centaines de milliards de dollars de Bons du Trésor US ont rapidement stabilisé la situation. Les langues des financiers occidentaux se délient de plus en plus vite : il faut savoir quitter le navire à temps.
Après avoir « vidé son chargeur » du contrôle des taux d’intérêts, la Fed s’est retrouvée sans munitions. Impossible de reproduire la hausse rapide des taux qui avait fait s’effondrer économiquement l’Europe à la fin des années 20 (cf The Fed and a Bubble: Flashback to 1927-1930).
Et n’oublions pas notre anticipation relative au marché de l’or, pleinement confirmée elle aussi :
- 11/09 : Record Low ‘Deliverable’ registered Gold At Comex – Unusual Tightness of Supply In London
- 14/09 : US Gold Reserves Bottom Out as Europe’s Banks Seek Financial Independence
- 15/09 : Comexodus: JP Morgan’s Vault Is 1 Withdrawal Away From Running Out Of Deliverable Gold
- 22/09 : Shanghai Futures Exchange moves to levy fees on same-day trading
- 23/09 : LBMA / BoE Gold Stocks
- 24/09 : Banks Discuss Shifts to How London Gold Traded for 300 Years
La BoJ, relai principal de la Fed, abandonne brutalement les QE ad infinitum, pour suivre la nouvelle politique orthogonale du premier ministre: Abe’s New Economic Plan Confounds Analysts, qui convient bien davantage aux BRICS.
Même le FMI désavoue officiellement les politiques monétaires de QE.
Résultat la Fed s’est avouée complètement vaincue : aucune hausse de taux, et le 27 septembre aveu de faillite intellectuelle : Yellen chart central bank problem.
De manière imagée, la stratégie géo-économique de l’axe anglo-américain c’était « l’économie du tracteur-pulling » avec des QE spectaculaires toujours plus gros et des taux toujours plus bas :